Avec Fahion Mix il s'agissait d'aborder un sujet qui créé des liens et qui témoigne de l'aspect positif de l'immigration.
J'avais visité l'exposition à la mi-février mais n'avait pas eu l'occasion d'en rendre compte sur le blog. J'y suis revenue, ce qui est rare avec un emploi du temps chargé. Mais je trouve que l'endroit vaut d'être visité plusieurs fois.
Le textile est la matière la plus difficile à conserver, bien davantage que la peinture, ce qui explique combien ces œuvres sont fragiles. Tout est magnifique et saisissant dès le premier coup d'oeil. Je vous recommande de suivre le parcours avec une conférencière. J'ai bénéficié des commentaires de Magali qui est aussi costumière.
Ensemble nous avons suivi l'histoire de la haute couture, vue au travers de l'immigration, que celle ci soit consécutive à des raisons politiques, économiques ou sentimentales. Les commissaires pensaient que le sujet concernerait une soixantaine de créateurs mais ils en ont trouvé plus de trois cents et ont dû opérer des choix.
La haute-couture est française, mais elle est née de la volonté de couturiers étrangers
Le terme est quasi synonyme de la France. Si elle est bel et bien née en France, c'est à des hommes et des femmes venues majoritairement de l'étranger qu'elle doit beaucoup.
Jusqu'à l'arrivée de Charles Frederick Worth on ne parle pas de mode. On porte alors des habits liés à l'appartenance sociale ou à l'exercice d'un métier. Même si les tenues de Marie Antoinette s'apparentent à des robes haute couture on ne peut pas employer le terme pour les désigner. En effet, la reine décidait selon les propositions de sa couturière.
C'est un anglais, Worth, qui est considéré comme le fondateur de la haute-couture française. Cet homme aimait tellement la France qu'il voulut qu'on prononça son nom Vorte. Si vous allez à Londres, au musée Albert 1er il est écrit Charles Worth, couturier parisien. Il fut vingt ans apprenti drapier. Il quitta Londres parce qu'il était attiré par Paris. Arrive dans une mercerie de luxe, il y rencontre Marie Verner qui y est vendeuse et avec qui il se marie. Il coudra les robes pour sa femme. Les riches clientes la voient, l'envient et veulent les mêmes. Il s'installe rue de la Paix, où il créé des robes pour des occasions spéciales, ce qui fait naitre des besoins.
Worth sera le premier à créer seul et à imposer un style. Il se considère tellement artiste qu'il va apposer sa propre signature d'où les étiquettes qu'on a dans le dos. Le premier aussi à avoir conceptualisé le système de défilé, alors avec des sosies pour que ses clientes puissent s'imaginer dans la robe. Il n'y avait pas de top modèles. Il a inventé aussi le concept de collections automne hiver, printemps été.
Alexander Mac Queen se réfère lui aussi à Worth. Cet écossais à ajouté de la dentelle et des basques derrière la veste qui fait penser à un faux cul. (non photographiée)
Cent ans plus tard il est repris par Issae Miyake qui réalise le plissé avec une nouvelle technique. A la place de la soie il emploie un polyester dérivé du pétrole. Avec les grandes épaules qui situent tout de suite l'époque, on reconnait la silhouette des années quatre vingts des robes Miyake.
L'école russe est présente dans l'exposition. Le succès des ballets russes en 1909 fait aimer l'exotisme slave et le folklore de l'Est. A la cour de Russie, tout le monde parle français. Avec la Révolution les apatrides fuient vers la France. Ce sont les russes blancs, bourgeois, aristocrates, intellectuels comm Maria Pavlovna qui avait pour amie Gabrielle Chanel. Elle commença par apposer ses broderies russes sur des robes Chanel. Le succès lui permit ensuite de monter sa propre maison, Kitmir. Il s'agissait certes de broderie russe mais à la française avec les références à l'avant gardisme de l'époque.
Ses premières créations sont des pull-overs que l'on voit dans des vitrines avec des motifs intégrés dans la laine. Suivront des tenues de plages et maillots de bains, puis de sports d'hiver et de campagne. C'est elle qui eut l'idée de créer des écharpes assorties en 1929. En cherchant des motifs, elle découvrit deux planches représentant les hémisphères qu'elle fit imprimer. Ce n'étaient pas des carrés proprement dit mais l'esprit y était.
En 1933, elle proposera une ligne de sacs et bagages inspirés des œuvres du peintre néerlandais Mondrian. On voit aussi au musée le faux acte de naissance qui lui sauva la vie pendant la guerre puisqu'elle était juive.
Elsa Schiaparelli représente l'école italienne. Son nom ne dit rien aux personnes qui ne connaissent pas bien la mode alors qu'elle est de la même époque que Chanel et plus révolutionnaire. Petite, sa maman lui disait tu es aussi laide que ta sœur est belle. Pourtant ses parents étaient pleins d'amour. Ce fut une jeune fille faisant beaucoup de bêtises et qui devint excentrique en grandissant. Elle se maria après une semaine de rencontre, partit à New York où elle fut abandonnée avec un enfant malade. Elle viendra à Paris où la vie est moins chère et l'esthétique attirant.
Suivent les robes courtes de Paco Rabanne, espagnol aussi dont le père est fusillé par l'armée de Franco. Il a cinq ans. La guerre civile fait fuir à pieds un demi million de personnes. Il arrive en camp de détention en Bretagne. Sa mère était première main chez Balanciaga.
Antonio Castillo est le pseudonyme de Antonio Canovas del Castillo del Rey (1908-1984), qui, issu d'une famille aristocratique, était destiné à une carrière diplomatique. En 1936, son père et son frère sont fusillés, mais par l'armée républicaine. Il s’installe alors à Paris et travaille dans un magasin de beaux mouchoirs avant d'assister les couturiers Piguet, Paquin. Il part ensuite aux Etats-unis avec Elizabeth Arden. En 1950, la fille de Jeanne Lanvin fait appel à lui. Il assurera pendant treize ans les collections Lanvin. Sa signature accompagnera celle de Jeanne Lanvin sur la griffe devenant ainsi jusqu’en 1963 : "Lanvin-Castillo". Une exception dans l’histoire de la mode.
Robert Piquet, suisse, sera remarqué par Paul Poiret dont il sera le "meilleur" assistant. Il a l'élégance parisienne. Il a habillé Edith Piaf pour l'Olympia et aussi Cocteau et Colette. De santé fragile il doit fermer sa boutique et s'inquiète du devenir de ses 400 employés. A tort car travailler chez lui était une telle référence qu'ils retrouvent tous du travail.
Les créateurs belges, en particulier ceux de l'école des "Six plus un" ont été directement influencés par les japonais. Les six sont allés à Londres, en sont vite repartis, et ont été rejoints à leur arrivée à Paris par un autre, Martin Margilla qui sera l'assitant de Jean Paul Gautier. Il lui suggère vite de créer sa propre maison mais le couturier attendra trois ans.
Il sort sa première collection en 1984 avec notamment un Marcel géant XXL. Iconoclaste, il cultivera tout du long anonymat et mode conceptuelle, et remplacera son logo par une étiquette blanche cousue au dos de ses vêtements. On observe avec lui des détournements de la décoration dans la mode, comme avec cette jupe retenue par des anneaux de rideaux.
Exposition "Fashion Mix. Mode d’ici. Créateurs d’ailleurs"Prolongée jusqu’au 28 juin 2015 Musée de l’histoire de l’immigration - Palais de la Porte Dorée293, avenue Daumesnil, 75012 ParisHoraires : du mardi au vendredi de 10h à 17h30. Samedi et dimanche de 10h à 19h.