La Justice League, ce n'est pas que ce groupe de super-héros "badass" que vous connaissez depuis l'arrivée de la ligne New 52. Auparavant, c'était une des légendes du monde des comics, avec les Avengers chez Marvel, et un groupe aux multiples facettes, au roster en évolution permanente, et à la génése pas forcément très claire, puisque Dc avait fini par s'embrouiller les pinceaux avec des histories de "crises" aux conséquences parfois mal assumées (comme avec Superman, dont la nouvelle version ne lui permet plus d'être un membre fondateur de la JLA). C'est à Mark Waid qu'il incombe logiquement de remettre un peu d'ordre et de bon sens, avec ce Year One qui a l'intelligence de mettre en avant des personnages qui vivent trop souvent dans l'ombre de la Sainte Trinité (Superman Batman Wonder Woman, ici absents), et qui se révèlent pages après pages, en alternant scènes efficaces d'action super-héroïque et moments de vulnérabilité et de sensibilité personnelle. Le casting associe Black Canary (pas celle de la série Arrow, heureusement), The Flash, Green Lantern, Martian Manhunter (qui joue ici un rôle prépondérant et est une des clés du récit), et le roi des mers Aquaman. Les héros sont appelés à la rescousse par les forces militaires, pour s'occuper du corps de deux aliens, qui suscitent également l'intérêt d'un groupe d'hommes masqués en uniforme, qui tentent de s'en emparer. La situation dégénère lorsque les aliens reviennent à la vie et qu'un furieux pugilat éclate et oppose tout le monde. Au final, ce n'est pas un triomphe pour nos larrons en costume, qui perdent une des créatures, et sont discrètement évalués dans l'ombre par une étrange organisation, le tout à leur insu. Qu'à cela ne tienne, toute nouvelle équipe mérite une belle conférence de presse pour se dévoiler au public, et une bonne échauffourée en public pour montrer de quel bois elle se chauffe.
Nous sommes ici au lendemain de la célèbre Crisis on Infinite Earths, ce qui permet de travailler sur une matière encore malléable et d'éviter de se perdre dans la tapisserie de la continuity. Pour peu bien sur qu'on ferme les yeux sur l'absence de Superman ou Wonder Woman parmi les membres fondateurs de l'équipe. Mark Waid excelle comme souvent dans la caractérisation des personnages, n'oublie personne en chemin, et parvient à différencier chacun d'entre eux en révélant peu à peu aux lecteurs leurs faiblesses, et leur atouts, à trouver du coté de la vie privée. Il est aussi très féru de la bonne vieille époque du Silver Age et étale sa connaissance des amis et ennemis les plus disparates de la Ligue, en convoquant dans ces épisodes un bon nombre de personnages mineurs qui sont autant de clins d'oeil pour les lecteurs au long cours. L'ensemble s'étale sur douze épisodes et semble par moments exagérément dilués, voire désuets, tant le lecteur moderne a du s'habituer à des codes narratifs et des automatismes différents depuis que ce Year One a vu le jour. Mais il ne faut pas oublier le contexte, et ne pas bouder son plaisir pour autant. Puisqu'on parle de classicisme et de charme suranné mais évident, les dessins de Barry Kitson, essentiels et fuyant l'esbroufe, sont à mon sens efficaces et fort appréciables, avec un trait dur et énergique qui donne force et prestance aux personnages mis en scène. Coté bonus, il faut aussi remarquer que Urban a pensé inclure un épisode tiré de Secret Origins #56. C'est une excellente occasion de lire du jeune Grant Morrison, fraîchement auréolé d'une gloire naissante avec Arkham Asylum et les épisodes inédits en Vf à ce jour (une injustice criante que personne ne semble en mesure de réparer...) d'Animal Man, qui versent carrément dans la méta bande-dessinée. Rétro is beautiful, alors laissez vous tenter, vous ne le regretterez probablement pas. (Chez Urban, l'Année Un est présentée dans le tome 0. Histoire de chiffres à garder en tête)
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