Il y a peu, le bilan de ma journée m'a subitement foutu une claque, un constat s'est imposé brusquement à moi.
Ce jour là je m'étais levée et j'avais donné le petit dej à mes 2 filles de 3 ans.Je leur ai brossé les dents, les cheveux, lavé les mains et le visage.Je les ai habillée, j'ai préparé leur tupperware, les ai emmenée chez la nounou.Accessoirement je me suis aussi habillée et maquillée.J'ai sorti le chien et les poubelles.J'ai vidé le lave vaisselle et rangé.J'ai passé un coup d'éponge un peu partout et le balai dans le salon et la cuisine.J'ai plié une lessive, j'en ai étendu une autre.J'ai bossé (ok je bosse chez moi).J'ai mangé sur le pouce.J'ai re-bossé.Je suis allée chercher les filles, leur ai donné le goûter.Je suis allée faire les courses, j'ai rangé les courses.J'ai passé la tondeuse et un savon aux filles qui se disputaient.J'ai fais le bain des filles et le repas.J'ai donné le repas aux filles, brossé les dents, une histoire, le jus qui calme, pipi, bisous et au lit.Je suis remontée dans la chambre 3 fois pour gronder celle qui ne voulait pas dormir.La nuit j'ai essuyé 3 terreurs nocturnes.
Bon...Mon mari travaille la nuit le week end et est donc souvent assez décalé en journée même le reste de la semaine. De temps en temps il m'aide à vider le lave vaisselle, passer un coup de balais et à m'occuper des filles. Quand bien même il aurait des horaires de travail normaux, je ne pense pas qu'il en ferait beaucoup plus. Mon mari n'est pas un cas isolé, je dirais même que comparé à pas mal de ses potes il est encore assez actif au niveau du "ménage" (faut lui envoyer un recommandé avec accusé de réception pour que quelque chose soit fait mais bon passons.)J'ai regardé autour de moi et me suis demandée comment c'était chez les autres. Certes, certains s'occupent bien des enfants, certains autres sont des traqueurs de poussière hors paire. Mais combien en font vraiment autant que leur femme ?
Pourquoi certaines choses incombent-elles indéniablement aux femmes ? Pourquoi les femmes sont-elles finalement victimes de cette fatalité ? Toutes les mamans qui auront lu le descriptif de ma journée n'y auront absolument rien vu d'anormal, parce que c'est le leur aussi. Oui certains hommes font de gros efforts, oui les mentalités ont changé, on voit des papas avec des caddys chargés et 2 gosses qui pleurent de chaque côté à la caisse du supermarché.
Mais combien peuvent se targuer de prendre autant de choses en charge que leur tendre épouse ? En fait, si, beaucoup. Parce que la plupart ne se rendent absolument pas compte du travail qu'abat leur chère et tendre, ou tout du moins, il trouve ça naturel et normal. Ils ne se posent pas la question de savoir comment leurs caleçons superman propres sont arrivés dans la commode, comment les grains de riz incrustés dans les parois du micro-ondes se sont volatilisés, pourquoi leurs filles sont toujours bien coiffées, comment la tache laissée par la tasse de café a disparu ni comment leur crème glacée préférée est arrivée dans le congelo, bien rangée dans son petit compartiment à côté des glaces fusées des gosses.
Alors oui, on est fortes, indépendantes, on peut dire merde quand on veut, gérer le compte en banque et dépenser ce qu'il y a dessus (ou au contraire, veiller que la sortie entre potes du mari ne vire pas au découvert). Oui on vote, on a des responsabilités, on peut s'habiller comme on veut sans essuyer la moindre remarque dans la rue (la bonne blague). Et même qu'on peut faire pipi debout (merci le GoGirl). Alors quoi ? Elle existe pas l'égalité hommes-femmes ?
Et moi qui ai été élevé par un couple de soixante huitards, avec une mère qui gagnait plus d'argent que mon père. Sans vouloir dévaloriser le patriarche, au quotidien elle gère quand même vachement plus de trucs. Alors moi, adolescente, je me disais que ce serait encore mieux dans ma future vie sentimentale. Et même que quand j'ai rencontré l'homme, son chez lui était niquel, le linge toujours propre, les draps du lit toujours bien tirés. Où est donc passé cet homme ? Ah c'est vrai j'oubliais, il n'a plus de raison d'être, j'ai pris sa place.
Je suis bien persuadée que mes filles auront le même quotidien que le mien, non pas qu'il soit horrible, mais simplement injuste. Parce que sans vouloir jouer les femmes castratrices aigris de la gente masculine, après des millé-millénaires de domination du sexe masculin, c'est pas en cinquante ans qu'on va renverser la donne. D'ailleurs est-ce bien ce qu'on cherche ? On ne cherche pas à prendre le pouvoir, juste que ce soit un équilibre un peu plus normal.On a beau dire mais que l'on naisse garçon ou fille, on n'aura pas la même vie devant soi. Je passe sous silence les discriminations au travail, en politique, le harcèlement, les préjugés... pas besoin d'aller voir si loin, il suffit de regarder un tout petit peu de quoi est faite notre journée.
Cette phrase de Annie Ernaux m'est alors apparue comme prenant tout son sens : "Même si être une femme dans les années 2000 n'est pas être une femme dans les années 1950, perdure cette domination, y compris dans les sphères culturelles. La révolution des femmes n'a pas eu lieu. Elle est toujours à faire."
Tout ça pour dire quoi ?Que je suis simplement fatiguée "qu'il en soit ainsi". Que j'espère aussi, un jour, donner naissance à un garçon. Que j'essaierai d'élever comme mes filles pour ce qu'il incombe de la vie du quotidien. Je lui apprendrai à ne pas attendre qu'on fasse les choses à sa place. A respecter les femmes et à s'affranchir des dictâtes machistes de la société. Qu'on peut être viril avec un balais dans les mains, qu'on peut être un vrai mec en s'occupant des couettes de ses filles et que rien n'est figé, que tout reste à faire.