Alors qu’on pourrait penser, vu la plupart de mes gouts cinématographiques et musicaux, que j’ai tout pour êtreattiré par le cinéma intello et très bobo d’Arnaud Desplechin, comme sont d'ailleurs attirés une grande partie de ma presse parisiennede chevet, j’avoue avoir toujours été un peu réfractaire à son cinéma.
En effet, je pourrais être séduit par son œuvre qui a toujours mélangé avec intelligence et maitrise littérature, poésie, philosophie, politique, psychanalyseau cinéma, mais contrairement aux films de Christophe Honoré ou même d’Olivier Assayas, des cinéastes assez proches dans les thématiques et le traitement, j’ai souvent trouvé les films de Despleschin trop verbeux, trop pédant, trop cérébral, et pas assez incarné et romanesque pour susciter l’émotion et, par conséquent, mon émotion.
Du coup si je n’avais pas voulu voir "Jimmy P, psychothérapie d’un indien des plaines", je pensais faire de même avec son dernier en lice Trois souvenirs de ma jeunesse"d’autant plus queje savais que le film était un "prequel" (une œuvre dont l’histoire précède une œuvre déjà créée, à l’image deBatman Begins :o, seul point commun évidemment entre les deux ) de "Comment je me suis disputé...(ma vie sexuelle)", le film de Desplechin que j’aime sans doute le moins de sa filmographie tant il me semble contenir une bonne synthèse des défauts que je reproche au cinéaste.
Et pourtant j’ai changé d’avis en allant voir en salles « Trois souvenirs de ma jeunesse » tant la bande annonce ( je n’en regardegénéralement pas beaucoup mais là comme je faisais gagner des places et poser des questions autour de la BA, j’étais obligé :o) et les critiques dithyrambiques que j’avais pu lire lors de sa présentation du film à la Quinzaine des réalisateurs (un certain nombre de journalistes criant au scandale que le film ne soit pas en compétition officielle comme l'avaient été les autres films de Desplechin) avaient réussi à me convaincre que ce Desplechin saurait plus me plaire que les précédents.
Et effectivement, je dois facilement reconnaitre que ces "trois souvenirs de ma jeunesse" m’ont beaucoup plu et il se doit d'être salué, me semble-t-il, comme le meilleur à ce jour, de l’œuvre de a de Desplechin.
Plus romanesque, ambitieux, et lyrique que les précédents, "Trois souvenirs de ma jeunesse" séduit tout autant par l'intelligence de la mise en scène et de la subtilité dans son approche scénaristique, et dans la construction des personnages.
Le film explore l'univers de Comment je me suis disputé…(ma vie sexuelle) en replongeant Mathieu Amalric dans la peau de Paul Dédalus, un homme dont les états d’âme m’avaient irrités il y a 20 ans et qui, en 2015, parviennent pourtant à me toucherprofondément.
Alors qu'il va quitter le Tadjikistan, Paul se souvient de son enfance à Roubaix, de son adolescence, et surtout d’Esther, qui fut le cœur de sa vie. Son retour comme l’arrestation, l’amènent à se remémorer, comme le titre du film l’indiquent trois souvenirs de jeunesse qui constituent le tissu du film avec quelques allers-retours vers le présent.
Alors certes, alors que les deux premiers volets (consacrés à l’enfance et à un voyage en Russie qui fait penser à un film d’espionnage) sont enthousiasmants et réussis à 100%, le troisième volet le plus long, fait le plus penser au cinéma de Desplechin traditionnel, avec un peu trop d'afféteries, de dialogues trop littéraires qui sonnent parfois artificiels, et parfois un petit manque de chair, ce qui est un peu ennuyeux pour un film qui s’acharne à décrire la passion amoureuse folle entre deux jeunes gens.
Mais il n’empêche que cette troisième partie, malgré ces petits motifs d’irritation, reste vraiment séduisante, tant il en émane du charme qui fait beaucoup penser à des films de Truffaut, auquel la voix off (qui fait beaucoup penser à celle de "Ne Tirez pas sur le pianiste") renvoie indéniablement.
Paul (la révélation Quentin Dolmaire et son phrasé si particulier) et Esther (la très jolie Lou Roy-Lecollinet) apprennent ensemble tout au long de leur relations de couple, la douceur, mais aussi la souffrance endurée par le sentiment d’amour.
Ces deux jeunes idéalistes auront beau tenté de s'aimer d'une manière exceptionnelle, ils seront forcément également rattrapés par des contingences qui séparera leurs routes. Paul est contraint de quitter Roubaix (où vit Esther) afin de poursuivre ses études d'anthropologie à Paris auprès d'une professeure d'origine béninoise. Ils échangeront dès lors de très belles lettres, mais malheureusement la distance risquera fortement d’altérer cette passion amoureuse, mais cela suffit-il à préserver la force de leur amour ?
Si le film n’échappe pas toujours, comme je l'ai dit plus haut, à un certaincôté artificiel dans certains dialogues entre Esther et Paul, dans leur manière de s'exprimer ou dans certaines expressions trop calculées, on reste largement emportés par l’intelligence de l’analyse de Despleschin sur le sentiment amoureux et sur la difficulté à vivre en couple.
Et le film dégage tout du long un charme vraiment mélancolique et intemporel - difficile de dater le film malgré un clin d’œil à la chute du mur de Berlin - auquel il est très difficile de résister…
Alors, peut-être est ce moi qui ait évolué et qui suis plus sensible au cinéma de Desplechin ou bien est ce qui lui qui a rendu son cinéma plus foisonnant et plus accessible (même si d’aucuns pourront largement être rebutés par l’univers du film), mais ces "trois souvenirs de ma jeunesse" sont incontestablement pour moi un des meilleurs, sinon le meilleur cru du cinéaste français le plus aimé de la critique parisienne intello.