Un film de Xavier Dahan (2014 - France, USA, Belgique, Italie, Suisse) avec Nicole Kidman, Tim Roth, Frank Langella, Geraldine Sommerville, Paz Vega, Robert Lindsay, Derek Jacobi, Jeanne Balibar, André Penvern
Un peu figé.
L'histoire : 1962. Grace Kelly est mariée depuis six ans au prince Rainier de Monaco et a beaucoup de mal à se faire à son nouveau statut. L'étiquette, cette langue étrangère, l'hypocrisie ambiante, et ses propositions sans cesse rejetées : son franc-parler d'Américaine ne plaît pas du tout. Quant au Prince, très pris par sa fonction, il ne soutient guère sa jeune épouse. Deux événements simultés vont obliger Grace à regarder sa vie en face et à décider une fois pour toute de son destin. D'abord une crise majeure avec la France, et l'arrogance de De Gaulle, qui vont la choquer et la faire définitivement pencher pour la défense de la principauté et le soutien à son mari ; et puis la visite du réalisateur Alfred Hitchcock, venu lui apporter le script d'un film ; il la veut absolument dans le rôle, malgré sa décision d'arrêter le cinéma. La vie de Grace à la cour est morne, souvent triste, elle se sent malaimée, rejetée ; la proposition de tourner à nouveau et de retrouver ses amis d'autrefois est bien tentante. Quelle voie choisir...
Mon avis : Je m'attendais à une énième romance sur la vie de la pauvre petite princesse riche. Ce n'est pas du tout le cas, et ça c'est plutôt une bonne surprise. Le film s'attache sur un épisode très précis de l'histoire de Monaco, lors d'un grave conflit avec la Fance, dont j'avais entendu parler mais vaguement. Il se trouve que le rôle de Grace va être essentiel et que c'est à ce moment qu'elle décide d'oublier totalement Grace Kelly pour devenir Son Altesse Sérénissime Grace de Monaco et devenir en quelque sorte ambassadrice de son nouveau pays.
Mais au final, je retiendra plus le côté historique et politique, qui m'a passionnée : un bras de fer entre le puissant De Gaulle et une toute petite principauté qu'il méprise mais dont il convoite les richesse. L'histoire de Grace reste émouvante (le mariage était plus ou moins "arrangé"), de quoi chavirer les coeurs des midinettes comme le mien, qui adorent les princesses.
En ce qui concerne la réalisation, je n'ai pas trop apprécié ce filtre jaune, parfois très présent (mais pas toujours) qui donne au film un côté suranné, comme un vieux documentaire. On comprend ce que Dahan a voulu faire, mais bof, ça n'apporte pas grand chose et nuit à l'esthétique générale. Tim et Nicole sont impeccables, on ne peut pas dire. Et pourtant, tout ça manque un peu de fraîcheur, d'émotion, de sincérité. La direction d'acteurs manque de souplesse, les personnages semblent quelque peu figés dans les stéréotypes qu'ils incarnent.
On sait que la famille princière a violemment désavoué le film et que celui-ci a été siffé et hué à Cannes. Alors qu'en est-il ? Ce qui est raconté ici s'est-il vraiment passé comme ça ? Grace était-elle malheureuse, sacrifiée sur l'autel du devoir ? Le prince Rainier un vilain macho ? Etaient-ils au bord du divorce comme nous le montre le film ? Et qu'en est-il de la trahison d'Antoinette, soeur de Rainier ? Voyons voir...
Des déclarations fracassantes d'abord : L'historien Jean des Cars, spécialiste de la famille royale monégasque, déclare qu'« historiquement, politiquement, sociologiquement et humainement, il n'y a pas une scène ni une réplique (du film) qui soit conforme à la réalité ni même à la vraisemblance. » Olivier Dahan met en avant son droit à la fiction : « Je suis un artiste, pas un historien ». Bon, ça c'est fait. A la charge de Dahan, on pourrait lui dire que son "art" devrait alors éviter de s'attaquer à des personnes réelles, dont les enfants sont encore de ce monde. Ceci dit, le réalisateur a ajouté que son film avait été retravaillé par les producteurs américains, selon l'image fantasmagorique qu'ils avaient de la princesse et qu'ils ont outrageusement modifié le montage, aboutissant à une version qui ne correspondait pas à ce qu'il avait lui en tête.
Après avoir lu le scénario, la famille de Monaco a déclaré que le film était inutilement glamour, ne correspondait pas à la réalité et que des scènes totalement inexactes, tant du point de vue historique que familial, devaient être supprimées. Mais les producteurs n'ont pas tenu compte de leur avis, d'où le désaveu total des Grimaldi vis-à-vis du film.
Au niveau historique, on peut facilement imaginer que le rôle de Grace n'a pas été aussi important. En ce qui concerne ses rapports avec son mari, les rumeurs vont bon train, là aussi on ne sait rien de la réalité... Hitchcock a bien proposé le rôle de Marnie à Grace, mais a priori plus tard. Quant à la princesse Antoinette, si l'on sait que, lorsque son frère célibataire se trouvait sans héritier, elle a oeuvré pour la mise en avant de ses enfants... rien ne filtre sur un prétendu espionnage en faveur de la France... Qui d'alleurs semble un peu ridicule. La princesse Antoinette, décédée en 2011, est apparue d'innombrables fois aux côtés de son frère et sa femme, puis de ses neveux qui semblaient lui vouer une véritable affection.
Pour les férus d'histoire, il ne vous reste plus qu'à acheter une bonne vraie bio pour démêler tout ça !
Les critiques ne sont pas si mauvaises, en fait. Certaines sont certes féroces, ce sont sans doute ces journalistes-là qui ont conspué le film à Cannes ; ils parlent d'un gigantesque navet, creux et vain. D'autres, plus indulgents, voient là une petite page d'histoire gentiment contée mais sans grande nervosité. Je suis assez d'accord. Le public est plus extrême : il déteste (pas forcément pour de bonnes raisons... le botox de Nicole a disparu, arrêtez avec ça !) ou il adore.
En ce qui me concerne, je dirais que le fim rejoint le Diana d'Oliver Hirschbiegel... une biographie partielle, qui tisse des hypothèses sur des faits que l'on ne connaît pas. A quoi bon, alors ?