Alimentée par des faits authentiques, ce récit qui traite de la guerre 14-18 invite à suivre les aventures de Charlie Bourne : un jeune « Tommy » de 16 ans qui, en mentant sur son âge, se retrouve au front, à quelques jours de la terrible bataille de la Somme. Le fait de suivre les pas de ce jeune britannique un peu stupide, mais courageux et foncièrement bon, permet non seulement de plonger le lecteur dans le quotidien de la Première guerre mondiale, mais surtout de lui faire découvrir le point de vue anglais.
Après avoir relaté la fameuse bataille de la Somme et s’être intéressé d’un peu plus près à l’armée française lors de la bataille de Verdun, Pat Mills avait accordé une brève permission à Londres à son héros. Le tome précédent mettait cependant fin à cette trêve et envoyait Charlie Bourne sur le front des Flandres, au cœur de la saillie d’Ypres.
Notre ami se retrouve à nouveau dans de sales draps, sous les ordres de l’impitoyable lieutenant Snell. Leur nouvelle mission ne se déroule plus dans les tranchées, mais consiste à creuser un tunnel sous les lignes ennemies afin d’y détruire les canons allemands de Messines. Si les aventures de Charlie sont une nouvelle fois captivantes, le récit s’avère également très instructif car il aborde cet aspect moins connu de la guerre, où des hommes doivent atteindre l’ennemi en creusant le sol, tout en évitant les éboulements, les infiltrations d’eau et en prenant surtout soin de ne pas tomber sur un tunnel creusé dans le sens inverse par l’ennemi.
Ce huis-clos sous la terre est suivi d’un assaut sanglant sous le feu des mitrailleuses, montrant à nouveau toute la détresse des soldats qui tentent de survivre au beau milieu du champ de bataille. La compagnie de Bourne est ensuite envoyée à Étaples en camp d’instruction, pour une formation qui pointe une nouvelle fois du doigt la hiérarchie militaire. En abordant les relations tendues entre officiers et soldats, Mills dénonce une nouvelle fois les différences qui existent entre les classes sociales. L’auteur en profite aussi pour aborder d’autres thèmes intéressants, tels que les déserteurs, les pelotons d’exécution ou les mutineries.
Si le réalisme de ces scènes tirées de faits réels impressionne, c’est surtout l’humanité dégagée par cette œuvre qui fait mouche. Au sein de la Grande Histoire, Pat Mills invite en effet à découvrir les petites histoires de simples soldats. En montrant des pacifistes qui refusent de prendre les armes ou des hommes empêtrés dans les barbelés ou englués dans la boue, faisant face à une mort certaine, Pat Mills restitue la dureté du conflit avec grand brio. L’aspect humain se retrouve encore renforcé par la présence du frère de Charlie sur le front. Le graphisme noir et blanc de Joseph Colquhoun fourmille de détails et contribue également à dépeindre le quotidien des tranchées et l’exigüité des tunnels avec énormément de réalisme. Quant aux quelques pages en couleurs présentes dans ce tome… elles démontrent surtout que parfois, c’est quand même mieux de lire une BD en noir et blanc.
La grande guerre de Charlie est pour moi la meilleure bande dessinée consacrée à la Première guerre mondiale.