Je suis entré dans l'Église de l'intérieur : par l'Eucharistie. Jeune trentenaire, je traversais alors une période particulièrement aride. Vaquant de petits boulots en petits boulots, je vivotais, produisant une « écriture du quotidien ». Malgré un nihilisme complet, je me sentais comme happé par les églises et le mystère qui s'en dégageait. Alors, je m'y asseyais, souvent hors des offices, et restais là, sans prier. Dans le silence, j'observais, au fond, cette petite veilleuse placée dans le tabernacle. Elle ne m'évoquait pas grand-chose, mais je considérais cette lumière comme un signe, une sorte de phare dans la nuit. Éduqué dans la religion protestante, j'étais à mille lieues de comprendre que je me trouvais face à l'Eucharistie, présence réelle. Je sortais d'une adolescence marquée par des blessures familiales, entraînée par l'ère de Mai 68, influencée par des lectures pessimistes et déstructurantes. La famille, la société, les études de philo... la révolte fit tout voler en éclats, notamment une foi en Dieu, trop juvénile, fragile pour résister au raz-de-marée.
Je dois au protestantisme, hérité de ma mère et de ma grand-mère, un ancrage dans la parole de Dieu. À 14 ans, j'ai passé une année à étudier le livre de Job. L'Ancien Testament, immense océan dans lequel je me laissais porter, me fascinait. Splendeur des images. Puissance de la Parole. Je n'avais ni BD ni télévision, les mots ont donc très tôt été mon horizon, mon univers. Je percevais qu'au-delà de leur qualité littéraire, les Écritures portaient en elles des paroles gorgées de sens, venant d'un Ailleurs. Cette mystérieuse sensation, je l'ai retrouvée lorsque, desséché par ma traversée du désert, je me suis replongé dans la Bible, cette fois dans le Nouveau Testament. En parallèle, la petite veilleuse du tabernacle, foyer eucharistique, me conduisait peu à peu vers la Lumière, avant de se révéler un jour totalement...