ReaÉcoles, médecins, bureaux de poste, CAF, Pôle emploi... la désertification frappe nombre de petites communes. Dans le contexte d’austérité et de rentabilisation des services, elles n’ont plus le choix: se passer des services publics, ou les prendre en charge elles-mêmes. Si cette prise en main permet le maintien d’un service essentiel, le montage s’avère aléatoire, et peut coûter cher quand l’austérité se traduit par des saignées budgétaires aux collectivités locales. La double peine, en quelque sorte.
LA POSTE: LES COMMUNES GÈRENT ELLES-MÊMES LES BUREAUX DE POSTE
Les bureaux de poste ferment dans des dizaines de communes, et sont remplacés dans certaines par des agences postales communales (APC). Une façon pour La Poste de sous-traiter ses activités aux communes. Pour les habitants, cela peut être synonyme du maintien d’un service public essentiel au quotidien. Mais il s’agit d’un pis-aller qui n’est pas dénué d’effets pervers. Dans certaines communes, la transformation d’un bureau de poste en APC ne va pas sans heurt. Au point que le maire d’une petite commune de Haute-Vienne préfère nous conter anonymement cette opération concrétisée en février dernier.« Le dossier est clos, et je ne veux pas rouvrir la polémique », nous dit-il. Il justifie son choix par le fait que La Poste avait réduit de moitié les horaires d’ouverture du bureau entre 2004 et 2014. « Nous sommes propriétaires des murs de ce bureau. Nous avons donc réalisé des travaux d’accessibilité, et signé une convention avec La Poste. En retour, elle finance l’emploi communal que nous avons réaffecté à l’agence postale à hauteur de 1 200 euros par mois, soit un salaire et les charges pour 18 heures par semaine. » Au lieu de 13 h 30 auparavant, l’APC ouvre désormais 18 heures par semaine, dont le mercredi jusqu’à 19 heures. « Au final le service rendu est meilleur », défend le maire face aux opposants à cette APC qui ont milité pour que La Poste maintienne son service public sur la commune. Aujourd’hui, la mairie envisage d’étudier l’installation de guichets en visioconférence pour d’autres services publics loin de la commune: la CAF, la CPAM et Pôle emploi notamment. Une sous-traitance supportable en période de baisse des dotations aux communes ? La commune devra renégocier sa convention dans 9 ans ...
LA SANTÉ: 46 000 EUROS POUR UN MÉDECIN RESTÉ ... 6 MOIS!
208 200 en 2007, sans doute moins de 188 000 en 2019. Le nombre de médecins baisse de 10 % chaque année. Impossible parfois, dans les zones rurales ou les quartiers difficiles, de remplacer le dernier généraliste parti à la retraite.Entre le recul du service public hospitalier sur tout le territoire et l’absence absolue de contraintes à l’installation des libéraux, les déserts médicaux s’étendent.
En 2011, La Ferté-Bernard (Sarthe) fut la première à s’inspirer du modèle des centres municipaux de santé pour pallier la pénurie de candidats. Objectif: attirer la nouvelle génération avec un poste salarié aux 35 heures. Le succès, immédiat, a depuis inspiré plusieurs autres municipalités. Mais, plus souvent, les recrutements relèvent du « système D». À Champlan (Essonne), 2 500 habitants, aucune des démarches menées auprès des facultés de médecine ou de l’agence régionale de santé (ARS) n’ayant abouti, la mairie a fini par utiliser les petites annonces. L’installation d’un médecin roumain est en cours. Même cette démarche ne suffit souvent plus. En juillet, le conseil municipal de Saint- Guinoux (Ille-et-Vilaine) devrait voter le recours à un cabinet de recrutement: pour 13 140 euros, il s’engage à dégoter un médecin issu de l’UE. Un nid à arnaques, si l’on en croit l’expérience de Laignes.
Cette commune de Côte-d’Or a dû débourser 46 000 euros pour l’installation d’un couple de médecins roumains restés ... 6 mois, faute de patients. « Contrairement aux engagements » de l’agence, le couple « parlait à peine français.
Du coup, personne n’allait les voir». Eux aussi avaient pourtant engagé des frais pour leur installation. Même si les témoignages d’échecs se multiplient, le recours à ces chasseurs de têtes est devenu pratique courante.
L’ÉCOLE: LE FINANCEMENT PARTICIPATIF, NOUVEL AVENIR DES COMMUNES ?
Détrier, petit village de Savoie, avait ouvert le bal en mai 2011. Pour ne pas perdre son école, une classe unique de 10 élèves, le conseil municipal avait voté une subvention pour payer un instituteur, ou comment conserver une école publique en recrutant un enseignant sous contrat de droit privé. Dans la foulée, Puy-Saint-Vincent a également défrayé la chronique. Dans cette station de ski des Hautes-Alpes, 300 habitants permanents, la fermeture de la maternelle obligeait les enfants à aller 8 km plus loin.« Avec un dénivelé de 800 m, en plein hiver, il n’était pas acceptable » de faire courir de tels risques d’accidents aux enfants, relate le maire d’alors, Marcel Chaud (SE).
Sa solution ? Créer une « association financée par la commune pour prendre en charge le salaire d’un enseignant». Le bricolage a duré 2 ans et a coûté « entre 30 000 et 40 000 euros » par an. Assez pour augmenter les effectifs d’élèves, et assurer le retour d’un enseignant « éducation nationale». À Yèbles, en Seine-et-Marne, un autre pas a été franchi pour agrandir et rénover l’école communale. Faute de budgets municipaux suffisants et de subventions, la maire, Marieme Tamata-Varin, a fait appel au ... financement participatif. En mars 2015, 44 050 euros de dons ont été récoltés. Un succès qui a valu à l’élue de nombreux appels d’autres communes, désireuses de suivre le modèle. À son grand dam. Car cette fausse innovation « nous fait régresser en tant que service public », a-t-elle amèrement regretté dans la presse.ANNE-LAURE DE LAVAL ET DIEGO CHAUVETVENDREDI, 12 JUIN, 2015HUMANITÉ DIMANCHEhttp://www.humanite.fr/quand-les-communes-deviennent-sous-traitantes-des-services-publics-576800