La vie de Kino et de sa femme Juana, c’est une vie modeste, dans un endroit paradisiaque où la mer est turquoise, le soleil brille. Ils n’ont rien, à part leur couple, et leur bébé, le petit Coyotito, qui dort dans son panier suspendu. Parfois, Kino part sur sa pirogue, se leste d’une grosse pierre et plonge pêcher les huitres en espérant y trouver une ou deux petites perles à vendre aux blancs. Mais le jour où un scorpion pique le petit Coyotito, tout bascule. Car le médecin blanc sait qu’il n’a pas les moyens de le payer, il ne lui ouvre même pas la porte. C’est alors que Kino la trouve. La perle. La plus grosse, la plus belle qui puisse exister, un véritable trésor. De quoi lui faire miroiter ses rêves les plus fous. De quoi aussi attiser tout le Mal imaginable.
Ce très court roman se lit comme un petit conte du bout du monde. Il nous plonge d’abord dans un univers exotique sans lieu, sans époque, où les gens peuvent vivre d’amour et d’eau fraiche et où la richesse peut se trouver au fond du lagon. C’est dans un deuxième temps que la réalité les rattrape et que l’on se rend compte de notre point de vue de blanc colonialiste: l’indigène est obligé d’aller payer l’intervention du médecin, dans un monde où la simple idée de mercantilisme semble exclue. Dans ce jardin d’Eden, on sent que quelque chose couve, comme si l’humain occidental venait ternir le sacré.
La morale de l’histoire pourrait d’ailleurs être simpliste si elle n’en était pas si tangible. Cette perle, énorme, est invendable, lui dira-t-on. Un si gros trésor ne rentre même pas dans les codes financiers des blancs. Elle pourrait les sortir de la misère, sauver Coyotito, l’envoyer à l’université. Elle attire les voleurs, les meurtriers. Ils n’en dorment plus, ils se disputent, ils finissent même par se battre. Elle tient à la fois de la pomme de discorde, de la boite de Pandore. Là encore, le mythe s’invite dans notre monde trop matérialiste: elle n’y trouve pas sa place.
Tantôt poétique, tantôt charnelle, tantôt éthérée, la langue dans laquelle ce conte nous est narré permet une mise à distance à laquelle on n’arrive pas à souscrire tant le réalisme le plus cruel revient au galop. J’en reste sur une impression douce-amère.
La note de Mélu:
Une très jolie histoire.
Un mot sur l’auteur: John Steinbeck (1902-1968) est un auteur américain lauréat du prix Nobel en 1962. On le connaît surtout pour son oeuvre Les Raisins de la colère, dont le film remportera le prix Pulitzer. D’autres de ses oeuvres sur Ma Bouquinerie: