Un film de James Ivory (1992 - UK, Japon) avec Anthony Hopkins, Emma Thompson, Helena Bonham Carter, James Wilby, Samuel West, Adrian Ross Magenty, Nicola Duffett, Vanessa Redgrave
Une merveille !
L'histoire : Angleterre. Tout début du XXe siècle. Les enfants Schlegel, célibataires, Meg, Helen et Tilby, issus de bonne famille, mais pas vraiment fortunés, vivent à Londres et fréquentent à l'occasion les Wilcox, beaucoup plus riches. Madame Wilcox adore Meg, l'aînée des Schlegel ; malade, elle rêve de l'emmener visiter sa résidence à la campagne, Howards End, dont elle raffole. La jeune soeur, Helen, y a passé quelques jours et est tombée amoureuse d'un des fils Wilcox, qui s'est empressé de lui dire qu'il ne l'épouserait pas. Pas assez bien pour sa famille. Gros malaise. Mais les soeurs Schlegel sont des jeunes femmes bien élevées et savent rester à leur place. Et pourtant...
Mon avis : Un pur ravissement pour moi qui suis fascinée par l'ère victorienne. C'est une fresque somptueuse, plusieurs années de la vie de personnages qui évoluent au sein de cette époque qui connut un véritable bouleversement, avec l'avènement du capitalisme triomphant, le développement spectaculaire de la technologie, et l'amélioration des conditions de vie... pas pour tous, cependant.
En fait, précisons que nous sommes sur la fin de l'ère victorienne. Le film débute vers 1900, or la reine Victoria est décédée en 1901. La Belle Epoque s'achève et la guerre s'annoncera bientôt. Mais il n'en reste pas moins que Howards End nous offre un panorama somptueux sur cette période, avec une reconstitution minutieuse. Les maisons, qu'elles soient londoniennes ou campagnardes sont décorées avec toute la surcharge gracieuse qui caractérisait l'époque, le bois foncé, les fleurs partout, la porcelaine fine, les plantes vertes. Et tous ces merveilleuses voitures, si jolies, qu'on appele aujourd'hui des "tacots" ! Ivory nous emmène même dans un grand magasin (les premiers) et dans une banque où l'on voit les "gratte-papiers" d'antan, ceux qui passaient leurs journées à recopier des pages, parce qu'en ce temps-là, il n'y avait ni ordinateur ni photocopieur. Les costumes atteignent la perfection et le souci de l'authenticité va jusqu'à faire la distinction entre les années ! Vers 1910, la silhouette des femmes n'était plus la même qu'en 1900 ; on voit les robes de ces dames devenir plus étroites et sur la fin quelques chevilles qui se dévoilent. Magnifique.
Paysages sublimes, lumières sublimes, cadrages sublimes, netteté, couleurs impressionistes... que l'Angleterre est jolie ! J'ai été étonnée de voir ces merveilleuses scènes avec les petites fleurs bleues qui m'ont immédiatement rappelé Bright Star. Jane Camion a-t-elle copié Ivory ou rend-elle hommage au réalisateur ?
Nous évoluons parmi une riche famille, mais le film n'oublie pas néanmoins de souligner la différence de sort entre le bourgeois bien nanti et le petit employé d'assurance, dont la vie est déjà ballottée par les méfaits du capitalisme (licenciement, rachats d'entreprise, chômage...). Ce dont le monde bien né se fiche éperdument.
La réplique qui tue, Mr Wilcox à Meg :
- Les riches sont riches et les pauvres sont pauvres. Nous sommes désolés pour eux mais c'est comme ça.
Nous voyons aussi de nombreuses fois le célèbre Five O'Clock Tea, une vraie cérémonie, avec les jolies tasses à fleurs, les scones et le nuage de lait, qui rythme les journées, un rite immuable et si charmant. Je reprendrais bien un scone, moi. C'est là l'occasion pour ces dames, si les messieurs ne sont pas là (ou même avec eux, du reste), de discuter féminisme et avancées sociales pour les femmes.
Tous les personnages sont intéressants, bien campés, et les acteurs, ah les acteurs ! Même avec Hopkins et Thompson dans les rôles principaux, déjà il y a de quoi se damner ! Anthony est un génie, Emma est un bonheur.
Pour ceux qui aiment l'histoire, et/ou l'Angleterre, et/ou les grandes fresques romanesques... c'est un chef d'oeuvre absolu. Le film a reçu de nombreuses récompenses de par le monde, dont trois Oscars. Ce n'est pas volé !
Un film qui me donne envie de sauter immédiatement dans une machine à remonter le temps pour me retrouver... dans la famille Wilcox de préférence. Je suis dingue de ce film !