The Smell of Us // de Larry Clark. Avec Lucas Ionesco, Diane Rouxel et Théa Cholbi.
Le cinéma de Larry Clark est parfois difficile à comprendre dans le sens où la fascination fétichiste de ce réalisateur pour les skateurs a délivré tout un tas de films plus ou moins bons tout au long de sa carrière. On a eu l’excellent Kids, le très bon Wassup Rockers et quelques films entre qui n’étaient pas toujours à la hauteur (Marfa Girl, son précédent film que j’avais trouvé assez redondant dans sa manière d’explorer les relations adolescentes). Dans mon esprit, The Smell of Us est le premier film parisien du réalisateur, une occasion de se plonger dans notre belle capitale et dans le monde des skateurs français qui se retrouvent pour certains au Trocadéro à Paris. Mais Larry Clarke n’a jamais voulu faire du monde du skate une finalité. Cela a toujours été le point de départ d’histoires complètement différentes qui avaient juste des personnages provenant de cet univers. Larry Clark continue aussi sa provoque, tantôt fascinante, tantôt assez étrange : que cela soit une scène de pieds à caractère sexuelle ou encore la façon dont ces pauvres garçons tentent de gagner de l’argent comme ils peuvent en couchant avec ceux qui voudraient bien payer pour être avec eux. Ce que retranscrit Larry Clark dans ce film est bien moins vide que certains de ses films.
Paris, Le Trocadéro.
Math, Marie, Pacman, JP, Guillaume et Toff se retrouvent tous les jours au Dôme, derrière le Palais de Tokyo. C’est là où ils font du skate, s’amusent et se défoncent, à deux pas du monde confiné des arts qu’ils côtoient sans connaître. Certains sont inséparables, liés par des vies de famille compliquées. Ils vivent l'instant, c’est l’attrait de l’argent facile, la drague anonyme sur Internet, les soirées trash "youth, sex, drugs & rock’n’roll".
Toff, filme tout et tout le temps…
Je dirais même qu’il parvient ici à montrer à coeur ouvert une réalité que l’on semble vouloir nier. Il y a quelque chose de très adolescent mais pas seulement car le film veut aussi parler de la sexualité de ces adolescents, de leur façon de vivre, de faire la fête, etc. Il y a donc toujours une façon pour lui de mettre en scène la jeunesse qui me fascine car c’est brut, sans filtre, sans fioritures. On se retrouve donc avec le script qu’il a écrit, aussi rugueux peut-il être. Je me demande d’ailleurs si au fond, The Smell of Us n’est pas l’une des oeuvres les plus intéressantes du cinéaste qui semble parfois faire la synthèse de ce qu’il a déjà proposé par le passé. On voit le réalisateur divagué de scènes en scènes, semblant être aussi perdu dans la vie que ces adolescents qui se raccrochent à la vie comme ils peuvent. Tout au long du film, il y a presque une notion noire où l’espoir n’est pas permis. C’est d’ailleurs pour cela que la fin est tout ce qu’il y a de plus tragique (même si je trouve qu’il a enrobé la chose de façon très soft pour le coup, sans en faire un mélodrame). Peut-être qu’au fond le but de The Smell of Us était de faire un film sans tomber dans le mélodrame cafardeux.
Le mariage du cinéma de Larry Clark et de ce Paris que l’on n’a pas toujours l’occasion de retrouver me plaît. On retrouve le regard aiguisé du réalisateur, sa façon de brutalement passer de sa caméra à un vieux camescope dont l’image serait altérée. C’est un choix de montage qui rappelle le côté très artisanal de ce cinéma qui cherche à montrer les corps nus dans toute leur splendeur. Le film ne veut pas là aussi mettre de filtre et mettre les corps à nu autrement. Il veut nous montrer une réalité et puis c’est tout. Dans ses scènes les plus érotiques, le film est assez soft. Dans mes souvenirs on a déjà connu beaucoup plus dans des films comme Kids, Ken Park, etc. C’est un mal pour un bien. Je n’ai pas besoin de voir du sexe à profusion pour comprendre ce que Larry Clark veut nous raconter. Finalement, The Smell of Us est donc un film assez mature qui prouve que Larry Clark a beau sembler raconter la même chose, il le fait ici avec tellement de maturité, que cela change de certains regards plus adolescents sur un univers (le skateur) qui le fascine et le fascinera probablement toujours. Mais il fait aussi ici une sorte de synthèse de ce qu’il a fait précédemment, changeant de continent afin de nous en montrer un point de vue totalement différent. P.S. : Lucas Ionesco, connu ni d’Eve ni d’Adam, est la révélation de ce film.
Note : 8/10. En bref, la brutalité du cinéma de Larry Clark retrouve toute sa splendeur dans The Smell of Us.
Date de sortie : 15 janvier 2015