Hier soir, à 19 heures, a lieu la soirée de clôture du mandat de Françoise Courvoisier, directrice du Poche de 2003 à 2015. Et le Poche fait salle comble. On joue à guichets fermés. Ils le sont d'ailleurs: il n'y a que des invités. Le parterre est rempli à ras-bord de chaises, serrées les unes contre les autres, comme pour se donner un peu plus chaud... En bas, au bar, un grand écran plat est disposé devant d'autres chaises encore...
Le public est composé d'acteurs, que Françoise Courvoisier place toujours "au coeur de la représentation", d'auteurs, de metteurs en scènes, de directeurs de théâtre, de journalistes, d'abonnés, de personnalités politiques, etc. bref, que du beau monde, ceci dit sans ironie, venu rendre hommage à la directrice, à l'auteur, à la metteur en scène, à la comédienne...
Avant que la rétrospective ne commence, Castou interprète en tenue de femme de ménage d'aéroport, pardon, de nettoyeuse de surface, la chanson, L'hôtesse de l'air, de Jacques Dutronc, qui rêvait toute sa vie d'avoir les fesses à l'air... Le ton de la rétrospective est donné: elle sera joyeuse, même s'il y a beaucoup de pièces tristes, difficiles ou dures, parmi la centaine du répertoire, qui a été joué ici pendant douze ans.
Avec bonheur et humour, Françoise Courvoisier fait la rétrospective des douze saisons au cours desquelles elle a été maîtresse à bord du Poche. Des photos des pièces qui ont été montées défilent sur un écran, en un diaporama impressionnant, qui trouve écho dans les nombreuses affiches aux murs de la salle, réalisées par le graphiste Jean-Marc Humm.
De temps en temps elle s'emmêle (volontairement?) dans les noms des quatre cents comédiennes et comédiens qui ont passé sur les planches du Poche, des douze photographes (un par saison), des metteurs en scène, des auteurs etc. Le public rit... Alors, elle se tourne vers Caroline Fujisé, son assistante de direction, ou vers le public qui lui donnent immanquablement la bonne réponse.
Pendant un "intermède", prennent la parole trois personnalités: Thomas Boyer, Président de la Fondation d'art dramatique, Sami Kanaan, Maire de Genève et Conseiller administratif au Département de la culture et du sport de la ville, et Joëlle Comé, Directrice du Service cantonal de la culture, ceux qui tiennent les cordons de la bourse...
Thomas Boyer donnent quelques chiffres: 220'000 spectateurs en douze ans, des salles remplies à 90% en moyenne (quel théâtre dit mieux?), 79 créations... sur la centaine de pièces jouées, dont les auteurs sont tous des contemporains (à quelques rares exceptions près, telles que Britannicus de Jean Racine), avec pour seul critère de choix que le public ne s'y ennuie pas...
Sami Kanaan lit un texte magnifique sur le théâtre et s'adresse à Françoise Courvoisier pour lui demander ce qu'elle en pense. Elle le trouve beau, sincèrement. En fait, le Maire de Genève révèle qu'il est d'elle et que c'était son message d'introduction en 2003... Pour finir, il émet des doutes sur les trois mois de vacances que Françoise Courvoisier prétend s'accorder cet été: c'est long trois mois...
Joëlle Comé, pour décrire tout ce que Françoise Courvoisier a fait au Poche, dresse un inventaire de verbes évocateurs, tels que "brûler" ou "tracer". Elle explicite le sens à leur donner en l'occurrence. Cette énumération judicieuse finit par cerner "le verbe", qui fut à l'honneur ici, pendant toute la durée de son mandat.
La rétrospective reprend. Françoise Courvoisier a laissé tomber ses notes, qui, au fond, l'embarrassaient et qui lui sont apparues superflues. Elle a pris conscience que ses commentaires des photos projetées sont bien meilleurs quand ils lui viennent spontanément à la bouche et qu'elle se souvient d'anecdotes pittoresques en laissant librement émerger des souvenirs.
Parmi les nombreux noms qu'elle cite, il y a certes des disparus. Mais elle n'insiste pas. Ne sont-ils pas de toute façon toujours présents, sinon dans les mémoires, du moins dans les coeurs? A chaque nom cité, dans la salle il y a des frémissements. Ils proviennent de ceux qui se souviennent... et ces fidèles sont nombreux.
La soirée s'achève par des petits cadeaux que Françoise Courvoisier distribue aux politiques, à tout le personnel du Poche, y compris des "bulles de savon". Elle-même reçoit deux grands bouquets de fleurs. Puis elle transmet "le ballon" - il a déjà les clés - à son successeur, Mathieu Bertholet, tandis qu'une complice allume sur scène, symboliquement, une bougie en forme de cochon, comme elle en a tant reçu pendant ces douze ans...
Francis Richard