Pfiouh, cela faisait bien longtemps qu’un roman ne m’avait pas happée à ce point ! J’ai eu l’impression en le lisant de revenir à mes années d’adolescence, quand une lecture m’absorbait pendant plusieurs jours et primait sur toutes mes autres activités.
Mary Yellan, c’est un peu un Rémi Sans-Famille féminin. Son histoire a lieu au début du XIXe siècle. Orpheline à 23 ans, elle n’a plus pour seule famille qu’une tante qu’elle n’a pas vu depuis bien longtemps. Or sa tante Patience vit sur la lande de Cornouailles, loin de tout, elle s’est mariée à un homme nommé Joss Merlyn, tenancier de « l’Auberge de la Jamaïque » dont le nom seul fait frémir tous les habitants à mille lieues à la ronde…
Et c’est comme ça que notre petite Mary, arrachée des douceurs du Devon, va devoir affronter un être mi-homme mi-ogre qui se livre à d’étranges trafics la nuit, en attendant de trouver le moyen de sauver sa pauvre tante des griffes de l’oncle Joss…
Et moi qui croyais que ce roman se déroulait en Jamaïque… C’est un roman qui ressemble à l’âpre lande de Cornouailles : sombre, versatile, mystérieux. Sous la plume de Daphné du Maurier, l’auberge de la Jamaïque devient un lieu où la vie et la mort jouent à cache-cache. Mary est une superbe héroïne romanesque, un peu garçon manqué, courageuse, forte et sensible à la fois. Elle fait face à la vie en essayant de comprendre et de changer le cours des choses. On s’identifie complètement à elle, à ses peurs, ses initiatives téméraires, ses battements de cœur… Pour moi, c’est la définition du héros d’aventure qui nous entraîne après lui en imagination. Mais Mary Yellan est plus que cela puisqu’elle est parfaitement consciente qu’en tant que femme, elle devra en faire deux fois plus qu’un homme pour arriver à ses fins. Les caractères sont bien trempés, presque outranciers, comme certaines scènes macabres que la lande renferme (parfois littéralement, dans ses sables mouvants).
Mary connaîtra l’amour là où elle ne s’y attendait pas. L’amour est parfois proche de la haine. Et puis il y a l’étrange vicaire Francis Davey qu’elle rencontre chaque fois qu’elle est en détresse et auprès de qui elle puise un peu d’une étrange paix…
J’ai lu des avis sur la blogo qui trouvaient ce roman « cucul » mais j’assume complètement mon côté fleur bleue ;-)
La traduction de Léo Lack, de l’édition de 1941, est superbe : une écriture limpide, mais assez incarnée aussi, sans fioritures. A la mode des romanciers d’autrefois je dirais, même si ça fait un peu réac de le dire de cette façon ;-) J’avais déjà lu et aimé Rebecca de Daphné du Maurier, et ce roman me confirme qu’elle est un très grand écrivain. Sa biographie « Manderley for ever » publiée récemment par Tatiana de Rosnay me fait de l’œil… Mais j’attendrai d’avoir lu plus de livres d’elle avant de m’y plonger.
J’ai en tête maintenant, de voir toutes les adaptations cinéma ou télévisée des livres que j’ai lus pour le mois anglais (quand il y en a) ! Bon pour l’instant, je n’ai lu que Pride & Prejudice (article à venir) et celui-là… Mais j’ai de la chance, c’est le grand Alfred Hitchcock lui-même qui a adapté l’Auberge de la Jamaïque (il y a aussi une série plus récente de la BBC : double plaisir !) (Apparemment, celui de Hitchcock n’est pas très réussi :-( ) (Pourquoi est-ce qu’en France on n’adapte plus tous nos chefs d’oeuvre littéraires au cinéma ou à la télé ?).