Publié le 13 juin 2015 par Universcomics
@Josemaniette
Prendre la suite d'auteurs réputés comme Stan Lee ou Roy Thomas n'est pas une chose aisée. C'est probablement aussi pour cela que le mensuel Thor avait fini par battre sérieusement de l'aile, à l'orée des années 80. Plutôt que de fermer boutique, Jim Shooter eut la bonne idée d'appeler Walter Simonson en renfort, en 1983. Celui-ci avait déjà usé ses crayons sur le personnage, mais le travail de l'encreur Tony De Zuniga n'avait pas laissé un souvenir impérissable du produit fini. Simonson avait été séduit dans sa jeunesse par la mythologie liée au fils d'Odin, et il va entreprendre un vaste chantier de rénovation, de réappropriation de l'univers d'Asgard, au point de laisser une empreinte indélébile dans la longue histoire de Thor. Pour commencer, le scénariste choisit de rompre avec le passé immédiat, qui n'avait plus grand chose à apporter au personnage. Il décide par exemple de mettre un terme à la double identité Thor/Donald Blake, privant ainsi le lecteur du coté mortel du héros, et de ses amourettes avec les terriennes, mais en échange, il escogite un nouveau guerrier appelé à devenir l'égal du grand blond avec un marteau, un certain Beta-Ray Bill. Dernier survivant d'une race alien vouée à la destruction, pourchassée par des goules cosmiques, BRB défait le divin Thor en combat singulier, avec un coup de pouce d'Odin le Père, qui dans sa sagesse avait entrevu la noblesse et la grandeur d'âme de l'antagoniste. Thor est séduit par la vaillance de Bill, lui même en réalité impressionné et respectueux de ces preux Asgardiens qui l'ont accueilli avec bienveillance. Au final les deux rivaux deviennent de véritables amis, et Bill également se voit doté d'un marteau qui lui est propre (Stormbreaker), possédant des caractéristiques similaires à Mjolnir. Au passage c'est lui qui emporte momentanément le coeur de la belle guerrière Lady Sif, fatiguée de voir qu'on la réduit trop souvent au rôle de potiche à défendre. Thor retourne sur Terre et s'en va chercher du boulot, et un appartement, comme tout bon nouvel arrivant à Manhattan. Un petit coup de main de la part de Nick Fury lui permet de travailler sur un chantier, avec une paire de lunettes et une queue de cheval, histoire de s'inventer l'identité de Sigurd Jarrlsonn, pour vivre en toute quiétude parmi les humains (clin d'oeil à la double vie de Superman/Clark Kent, qui effectue même un cameo dans un épisode). Comme il célibataire, la perfide Lorelei (soeur de l'Enchanteresse) décide le suivre, et de le charmer à coups de potions magiques, afin d'en faire son esclave personnel. Ne croyez-pas que le Thor de Simonson soit un roman à l'eau de rose, car voici que les premiers grands défis arrivent à l'horizon. Avec notamment Malekith, et le démon Surtur. Malekith est le roi des elfes noirs, et il désire mettre la main sur l'écrin de tous les hivers, première étape vers une destruction massive. Surtur, lui, est un démon du feu que seul Odin avait pu vaincre autrefois, et qui prépare sa vengeance page après page, épisode après épisode, dès lors qu'on le voit forger une arme qui devrait lui permettre de provoquer Ragnarok, la fin de tout pour Asgard. Certes, on pourra reprocher à Simonson d'être un peu trop verbeux et de proposer des dialogues parfois ampoulés (la Vf en ce sens souffre de la traduction de Geneviève Coulomb, dans les Intégrale Thor, qui fait preuve d'une grande richesse lexicale certes, mais qui déroute par un choix de termes à la limite du ridicule par endroits) mais le scénariste se rattrape bien en ajoutant une ironie notable à son propos, et en multipliant l'action, les rebondissements, les sous-trames qui s'enchevêtrent avant de se rencontrer véritablement. Coté dessin, son style est remarquable. Il tire les leçons du maître Jack Kirby, et impose des personnages colossaux, de véritables forces de la (sur)nature comme ce Surtur gigantesque, ou le dragon Fafnir. Dans les scènes de bataille, on appréciera en oute son sens de l'onomatopée, sa capacité à reproduire les sons de la lutte et à les rendre partie intégrante des vignettes, voire de la construction de la planche elle même. Pour lire tout ce cycle, il existe un Omnibus en Vo, de presque 1200 pages, qui est malheureusement épuisé et se vend d'occasion à des chiffres fous (200 euros...). En France, Panini a présenté le Thor de Simonson dans une série d'Intégrales, mais là aussi les volumes ne sont plus présents en librairie, et la spéculation a fini par s'emparer du phénomène. Je regrette personnellement que la décision de nous offrir ce Thor par Simonson, en format Omnibus géant, n'ait pas encore été prise. Ce serait un juste hommage pour ce monument d'inventivité de l'histoire Marvel, un des grands tournants des années 80, et les dieux asgardiens n'y ont jamais été aussi bien dépeints. Un oubli à réparer, un jour prochain. A lire aussi : Bien plus tard, le Thor de Straczynski et Coipel.