L’ambiance morbide nous saisit dès le début, un policier haut gradé ayant commis un horrible crime familial, tuant sa femme et ses jumelles. Conclusion immédiate des médias : crime abject égale monstre. Même si cette enquête et cette cause devant la Cour traversent le roman, avec son jeune inspecteur en mal de patron (en congé pour dépression), le projecteur sera plutôt braqué sur Laura, en deuil de son patron mort subitement. Elle travaille dans une maison d’édition et, suite au décès subit de son oncle, un jeune a pris les rênes pour reconstruire à sa façon. Manque de pot, il a la flamme pécuniaire plus que littéraire. Son portrait m’a fait penser à celui de Blaise Renaud (ce propos n’engage que moi !).
Laura et son mari, Bernard, journaliste en début de dépression, sont les personnages principaux, si on exclut le magistrat. Celui-ci, ami de feu l’éditeur contacte Laura pour lui proposer un manuscrit écrit à l’encre mauve. Que le manuscrit soit à l’encre mauve m’a tout de suite donné un indice sur son importance dans l’histoire. Peut-être, qui sait, aurais-je un peu plus cru à la naïveté de Laura, sinon.
Laura est la femme sympathique par excellence. Éplorée par le départ de son patron qui la choyait, complètement dépassée devant la force magnétique de ce magistrat qui insiste, la coince, la harcèle pour se faire éditer. Il la somme de n’en parler à personne, pas même à son mari. Le plus surprenant est qu’elle accepte. J’ai eu maille à partir avec cette passivité soumise chez une femme de cette trempe. Nous lisons le manuscrit en même temps que Laura et je n’ai pas vu dans ces lignes à l’encre mauve matière à obnubiler le jugement d’une personne. Ces réticences m’ont retenue d’embarquer à fond dans cette intrigue.
Heureusement, je le répète, plusieurs histoires et personnages rayonnent autour de Laura. À commencer par son mari, bon bougre un peu endormi (pour ne rien voir du malaise de sa femme !), la savoureuse relation entre les détectives, les en-dessous des meurtres familiaux, intrigants jusqu’à la dernière ligne. Et que dire des personnages hauts en couleur,: le magistrat, tout un numéro, avec plusieurs tours dans son sac et son ancienne amante, femme digne et affirmée.
On ne s’ennuie pas, une action n’attendant pas l’autre, le style est fluide, coule semble-il, sans effort, comme la ballerine qui sourit en exécutant une arabesque complexe.
Malgré que je me sois butée à la plausibilité du comportement de Laura, je sors de ce roman avec une furieuse envie d’écrire à l’encre mauve. De préférence, un manuscrit.