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Duplessis (6) : La mort de Duplessis

Publié le 11 juin 2015 par Jclauded
En septembre 1959, les dirigeants de l’Iron Ore Company, compagnie qui exploite le minerai de fer à Shefferville suite à une entente avec le gouvernement du Québec, invitent le premier ministre Maurice Duplessis à venir les rencontrer à la mine pour le weekend de la fête du travail. Ils veulent permettre à Duplessis de se reposer et aussi de discuter avec lui de projets d’avenir. En effet, depuis un certain temps, Duplessis est fatigué au point qu’il ne veut pas accepter cette invitation car il ne se sent pas l’énergie d’entreprendre ce long voyage en avion. Gérald Martineau, son ami politique de toujours, décide de le persuader d’y aller car il sait que le chef de l’Union Nationale est las et que quelques jours en dehors de son bureau de Québec, dans l’air du grand nord, lui permettront de se ravigoter. Finalement, Duplessis accepte. Maurice Custeau, député de Montréal-Jeanne-Mance, Lucien Tremblay, député de Maisonneuve, Gérard Thibeault, député de Montréal-Mercier et Jacque Bureau neveu du premier ministre l’accompagnent.
Duplessis est vraiment exténué à son arrivée au chalet-hôtel en bois où il logera. Il se repose, dort, mais se lève tôt. Il va mieux. Le 3 septembre durant l’après-midi, alors qu’il est seul dans le salon du chalet avec Maurice Custeau, debout, parlant à ce dernier, il ressent soudainement un malaise, sa voix ralentit, son visage grimace, il porte la main droite vers sa tête, pivote sur lui-même et s’effondre lourdement au sol, presque dans les bras de Custeau. Celui-ci va vers lui mais voyant la gravité de la situation, crie à l’extérieur pour attirer l’attention de Martineau. Le médecin est appelé. On le dépose sur son lit et le médecin l’examine et le traite. Duplessis a fait une hémorragie cérébrale. Martineau appelle la secrétaire du premier ministre à Québec, mademoiselle Cloutier, pour l’aviser de ce qui arrive et lui demande de ne pas répandre la nouvelle. Le lendemain, la presse a vent de la condition de Duplessis et le 5 septembre, la radio rapporte la gravité de la maladie du PM et annonce qu’il est en danger de mort. Son agonie se termine dans la nuit du 6 au 7 septembre lorsque Maurice Le Noblet Duplessis décède. C’est le jour de la fête du travail. Il avait 69 ans. 
Le corps de Maurice Duplessis est placé dans un cercueil que Martineau a fait venir de Québec. Les journalistes qui sont vite arrivés à Schefferville sont témoins de l’évènement. Le cercueil est drapé d’un drapeau du Québec et transporté jusqu’à l’avion qui le transportera à la capitale. À son arrivée, le corps est remis à un entrepreneur de pompes funèbres qui l’embaumera. Puis, il est porté à l’hôtel du Parlement et placé dans la salle de l’Assemblée législative qui devient une chapelle ardente. Plus de 100 000 personnes viennent rendre hommage à Maurice Duplessis en une seule journée. Beaucoup de Canadiens-français sont profondément touchés et en pleurs. Le lendemain matin, le corps est acheminé vers Trois-Rivières, la ville de résidence du défunt. Il est exposé au Palais de justice où Duplessis avait plaidé comme avocat au début de sa carrière professionnelle. Il y a tellement de monde qui veut lui rendre hommage que le Palais de justice reste ouvert jusqu’à tard dans la nuit. Puis, le 10 septembre, un cortège funèbre l’accompagne jusqu’à la cathédrale l’Assomption où une messe de requiem est célébrée pour le repos de son âme. Le cortège est ouvert par le Royal 22ième régiment et sa fanfare dont le grand tambour résonne au rythme de pas funèbres. Des centaines de soldats de ce régiment, avec leur haut chapeau en poil d’ours, longent le parcours de la procession funèbre et aident ainsi à retenir la foule. Le PM du Canada John Diefenbaker dirige les centaines de dignitaires, ministres et députés de l’Union Nationale et du Parti progressiste-conservateur du Canada et autres, habillés en redingote et chapeau haute forme, qui suivent le long corbillard noir de marque Cadillac, entouré de dix policiers de la police provinciale dans leur costume d’apparat et leur casque blanc de style police britannique avec pointe métallique sur le dessus. Quarante-six landaus qui portent 1 600 tributs floraux suivent. Plus de 60 000 personnes longent les rues et sont venues dire un dernier adieu à ce personnage qui a été pendant 32 ans député de Trois-Rivières et qui a tant marqué la politique au Québec. Les policiers transportent la bière de la dépouille de Duplessis à l’intérieur de la cathédrale.  Les québécois sont venus en grand nombre pour être présents aux funérailles de Maurice Duplessis. Plusieurs sont arrivés tôt le matin à Trois-Rivières, en auto, longtemps avant que ne débutent les funérailles. Ils s’approchèrent de la cathédrale le plus possible et malgré que la majorité des sièges aient été réservés pour les dignitaires et la population trifluvienne, plusieurs trouvèrent moyen d’entrer dans la cathédrale et assister à la cérémonie religieuse debout à l’arrière du lieu saint. Ils en restèrent marqués longtemps.  Après les funérailles, le cortège se reforme et marche vers le cimetière Saint-Louis où le cercueil de Maurice Duplessis sera enterré dans le lot familial qui domine la ville, près de son père et de sa mère. Dès la fin de la cérémonie, plusieurs se sont vite rendus au cimetière afin d’être témoins de l’inhumation. Ils sont agglutinés près de la grande croix blanche qui marque le lot de la famille Duplessis. Personne ne s’objecte à leur présence et ils deviennent des témoins privilégiés de l’enterrement de leur idole auquel assistent le PM Diefenbaker, les anciens ministres de Duplessis, de nombreux évêques et prêtres, trois célébrants, leurs deux enfants de chœur et huit policiers de la police provinciale qui ont transporté la bière couverte du drapeau du Québec jusqu’au lieu de l’inhumation et qui demeurent au garde-à-vous près d’elle. Au dernier moment, ils enlèvent et plient respectueusement le drapeau québécois et descendent le corps de Maurice Duplessis au fond de la fosse. Le cercueil est en métal gris. Le drapeau qui avait couvert le cercueil de Maurice Duplessis de Schefferville à Québec et qui avait été conservé par mademoiselle Cloutier, la secrétaire personnelle de Duplessis, sera remis par elle, en 1971, à l’abbé Pierre Gravel qui fut un propagandiste acharné de la reconnaissance officielle, à Québec, du drapeau fleurdelisé et qui conserva une immense gratitude envers Maurice Duplessis pour sa proclamation du 21 janvier 1948.Maurice le Noblet Duplessis a marqué son époque. Bon politicien, il est demeuré 18 ans au pouvoir, la plus long règne de tous les premiers ministres du Québec. Cette longue période a créé de profondes frustrations chez ses adversaires qui avaient aussi le goût du pouvoir. Ils n’ont pas manqué de salir sa réputation, le traitant de dictateur, de corrompu, de tyran, de vendu à l’Église catholique, sans mœurs électorales… et cela malgré qu’il gagnait toujours ses élections avec de fortes majorités. On le disait dépassé, manquant d’initiative, malgré qu’il ait modernisé le Québec, payé sa dette et bien défendu son autonomie politique. Sa contribution majeure pour le Québec et le Canada fut ses batailles pour l’évolution des relations fédérales-provinciales. Les débats qu’il a gagnés et les gains qu’il a obtenus ont permis au Québec de maintenir son destin, issu de son passé. Alors que le Canada et les Canadiens hors-Québec  voulaient réviser radicalement le pacte confédératif qui a créé le pays, Duplessis à résisté totalement. Le parti libéral du Québec de son époque cautionnait les politiques fédérales et les interprétations de la constitution et du fédéralisme canadien par les Saint-Laurent, Trudeau et autres. Ce parti accusait Duplessis de manque de collaboration avec Ottawa. Durant ses années de pouvoir, lors de la deuxième guerre mondiale, le parti libéral du Québec avait cédé au fédéral, entre autres, le contrôle des impôts directs, l’assurance-chômage… L’avocat Duplessis, de retour au pouvoir, put rétablir les positions du Québec à cause de ses connaissances légales et des perspectives juridiques en découlant. Ces qualités sont fondamentales pour un premier ministre québécois dans un pays comme le Canada qui a une constitution confédérale. Malgré cela, le parti libéral dans l’opposition continuait de dénoncer ce qu’il qualifiait de négative, l’attitude de Duplessis face à Ottawa. Duplessis descendait d’une famille de juristes, conservateurs en politique, dont les traditions historiques et juridiques venaient des Pères canadiens-français de la Confédération. Les prédécesseurs de Duplessis, aussi des avocats comme le libéral Alexandre Taschereau, le libéral Lomer Gouin, le conservateur Arthur Sauvé défendaient tous « l’autonomie provinciale » et s’opposaient à ce qu’Ottawa intervienne dans ce champ d’activités qui permet au peuple canadien-français du Québec de s’administrer le plus possible lui-même.Duplessis connaissait bien l’histoire du Québec. Il n’était pas séparatiste. Par contre, il n’acceptait aucunement de nouvelles définitions des clauses protectrices des droits du Québec dans le pacte constitutionnel. Il a même affirmé devant ses collègues, premiers ministres des autres provinces, qui l’accusaient d’être un obstacle à l’évolution du Canada : « Si l’on considère la présence du Québec au sein de la confédération comme un obstacle, nous sommes prêts à nous retirer ».  Duplessis savait comment ses ancêtres avaient combattu le roi d’Angleterre qui voulait angliciser et « protestantiser » la Nouvelle-France. Il savait que leur résistance avait résulté dans l’Acte de Québec de 1774 qui créa la province de Québec et restaura à ses habitants le droit de garder sa langue, ses institutions et sa religion dans l’Empire britannique. Cet acte fut des plus importants quant aux droits des peuples dans le monde car il censura le roi qui avait pris pour la Nouvelle-France une initiative personnelle contraire au droit international de l’époque selon lequel un peuple civilisé conquis ne pouvait être privé des institutions et des lois qui lui sont propres. Puis, la création du Haut-Canada anglais et du Bas-Canada catholique et français a maintenu le statuquo. Plus tard, la réunification des deux Canada créa un conflit de relations entre les deux groupes linguistiques qui se régla par un arrangement cahoteux de double majorité et finalement par la Confédération de 1867. Duplessis était familier avec le débat qui mena à la Confédération. Londres, qui voulait régler les conflits, avait permis au Québec de conserver ses coutumes, ses traditions ancestrales et ses institutions particulières. Le gouvernement anglais restaura la province de Québec à ses frontières de 1791 et créa une fédération qui permettait le partage des pouvoirs entre un gouvernement central et des provinces. À cause du Québec, les pouvoirs aux provinces étaient indispensables pour qu’un peuple puisse s’administrer lui-même avec ses lois et ses institutions fondamentales. Et les pouvoirs du gouvernement central et de ceux des provinces sont exclusifs. Suite :  Duplessis (7) :  La commission royale d’enquête Salvas
Publiés à ce jour :Duplessis (1) : l’Union NationaleDuplessis (2) : Mackenzie King et Louis Stephen Saint-LaurentDuplessis (3) : Les antiduplessistesDuplessis (4) : L’impôt provincialDuplessis (5) : Autonomie… autonomie

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