On apprend aujourd'hui (RTL info) qu'un couple hispano-britannique a "porté plainte à la Commission européenne" pour cause de "discrimination".
En effet, l'inscription de l'enfant du couple a été refusée dans une crèche flamande (région néerlandophone du Nord de la Belgique, hélas bien connue du droit communautaire) au motif que le couple refusait de signer une déclaration sur l'honneur selon laquelle la langue pratiquée au sein du foyer était le flamand. Au-delà du côté ubuesque de la situation, que chacun jugera, il n'est pas inintéressant d'en profiter pour rappeler quelques principes de contentieux communautaire.
En effet, que signifie "porter plainte à la Commission"? Existerait-il donc une mystérieuse procédure de "plainte" pour violation du droit communautaire pour les particuliers?
Que nenni. A dire vrai, il s'agit plus prosaïquement de la possibilité offerte par la Commission européenne pour les particuliers de dénoncer les atteintes au droit communautaire commises par les Etats membres. Un formulaire est d'ailleurs téléchargeable en ligne. Voyez également la Communication de la Commission sur les relations avec les plaignants (COM(2002)141).
C'est sur base de cette plainte que la Commission pourra décider souverainement de lancer la lourde procédure de constatation de manquement prévue à l'article 226 CE à l'encontre de la Belgique...
Quid en cas d'inaction de la Commission? La solution qui vient immédiatement à l'esprit serait pour le particulier de lancer à l'encontre de la Commission en recours en carence (article 232 CE). Hélas, trois fois hélas, le Tribunal (compétent en matière de recours des particuliers contre les institutions) n'a pas admis cette possibilité. Il a jugé qu'est irrecevable "le recours en carence intenté par une personne physique ou morale et visant à faire constater qu'en n'émettant pas un avis motivé à l'encontre d'un État membre, la Commission s'est abstenue de statuer en violation du traité. En effet, d'une part, la Commission n'est pas tenue d'engager contre un État membre une procédure en manquement, mais elle dispose, au contraire, d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire excluant le droit pour les particuliers d'exiger d'elle qu'elle prenne position dans un sens déterminé. D'autre part, dans le cadre de la procédure en constatation de manquement régie par l'article [226] du traité, les seuls actes que la Commission peut être amenée à prendre sont adressés aux États membres, de sorte que les personnes physiques ou morales, n'étant pas destinataires potentiels de ces actes, ne peuvent se prévaloir de l'article [232], troisième alinéa". (Arrêt du 1é novembre 1996, SDDDA, T-47/96). La Commission ne se prive pas de rappeler ce principe dans sa communication précitée ("Ces mesures administratives ne modifient toutefois pas la nature
bilatérale de la procédure en manquement visée à l'article 226 du
traité CE").
Le particulier n'est toutefois pas totalement démuni puisque la Cour de Justice a créé de toute pièce - notamment dans ses célèbres arrêts Francovich (C-6/90) et Brasserie du Pêcheur (C-46 et 48/93) - la possibilité de saisir les tribunaux nationaux afin d'engager la responsabilité extracontractuelle de l'Etat membre qui manque à ses obligations communautaires. Une compensation pécuniaire pour le dommage subi est mieux que rien!