«Votre attention s’il vous plaît… Suite à un problème sur la ligne… Suite à la préparation du train… Suite à des travaux sur le réseau… Suite à un problème de personnel… Le train en direction de Saint-Etienne aura 20 minutes de retard ». Ces messages, les usagers de la ligne Lyon-Saint-Etienne, les entendent quotidiennement. Une antienne. Chaque jour, les trains ont entre 5 et 30 minutes de retard ou sont supprimés à la dernière minute.
« Les passagers qui prennent cette ligne pour aller travailler vivent un enfer quotidien, tempête Mathieu Gouttefangeas, cofondateur de l’Association de défense des usagers du Lyon-Saint-Etienne (ADULST). Et, tant que la SNCF n’aura pas de concurrent, elle continuera à faire ce qu’elle veut ! »
En Picardie, le directeur général de la SNCF chargé des trains régionaux et Intercités a été sommé, fin mars, de se présenter devant le Conseil régional pour expliquer la thrombose du trafic. Retards, rames vétustes tombant fréquemment en panne, difficultés de maintenance et erreurs dans la gestion des personnels sont à l’origine des difficultés, a-t-il admis.
Mêmes problèmes en Aquitaine, « La ligne Bordeaux-Le Verdon-sur-Mer est à pleurer ! » déplorent les usagers en pointant du doigt le délabrement du réseau et les 630 trains supprimés en 2014. En Provence, dans le Var, les usagers ont calculé que seulement 42% des trains étaient à l’heure en février et mars 2015. Les choses ne sont pas près de s’arranger. Un audit interne de la SNCF, dévoilé au mois d’avril dernier par le site Mediapart, révèle que les trains roulent sur de l’à-peu-près. Des boulons manquent sur les voies ferrées, d’autres sont desserrés.
Sur la sellette depuis des années, les passages à niveau nourrissent aussi les croque-morts. En 2014, SNCF Réseau a recensé une centaine de collisions. Elles ont provoqué la mort de 25 personnes et 17 blessés graves. Pour réduire le nombre de victimes, la SNCF met au point des détecteurs de présence. Ils préviendront le conducteur dès qu’un véhicule est stoppé sur les rails en stoppant le train avant même que l’obstacle soit visible. Alors que ces équipements sont déjà installés dans certains pays de l’OCDE, comme le Japon, la SNCF prévoit de les tester à partir de 2016. Après, les suicides (un par jour en moyenne), ces collisions sont la seconde cause de mortalité ferroviaire.
Postes d’aiguillage et caténaires
Fin 2014, la SNCF a envoyé à la réforme les trains équipés d’une voiture ambulance. Ils permettaient aux handicapés lourds de se rendre dans la cité mariale. Dorénavant, c’est le TGV ou rien. Ce choix ne fait pas l’affaire des grands malades, car la porte d’entrée des trains à grande vitesse, moins large que celle des trains Corail, est trop étroite pour leur donner accès aux wagons. Les pèlerins ne sont pas les seuls à savoir que la SNCF ne fait pas de miracles. Quoique…
L’entreprise parvient à faire patiner ses trains sous un soleil de plomb. En cause, la lubrification des roues. « Tous les trains ont besoin d’un système de graissage entre la roue et le rail pour limiter l’usure », indique la SNCF en précisant que certaines rames équipées d’un système de graissage intégré sont parfois victimes de la hausse des températures. La chaleur « rend l’huile plus fluide et provoque des amas de graisse sur certains endroits du rail, le tout engendrant des défauts d’adhérence sur la ligne », précise-t-elle. Du coup, la ligne L du Transilien, qui traverse d’est en ouest l’agglomération parisienne, est devenue moins ponctuelle qu’une ligne pourtant déjà fameuse pour ses retards, celle du RER A, qui dessert notamment Versailles.
Ces problèmes de lubrification sont peu de choses par rapport à ceux des postes d’aiguillage. Le 23 juillet 2014 restera de sinistre mémoire pour les usagers du train. Ce jour-là, ils ont été des dizaines de milliers à poireauter sur les quais de la gare d’Austerlitz après l’incendie d’un poste d’aiguillage de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Première hypothèse : un circuit électrique défectueux dans un des bâtiments attenant au poste d’aiguillage pourrait être à l’origine du sinistre. Seconde hypothèse : le cheminot présent dans le poste d’aiguillage le jour de l’incendie aurait mal écrasé le mégot d’une de ses cigarettes, ce qui aurait déclenché le sinistre. L’agent SNCF de 55 ans était sous l’emprise de l’alcool, selon Le Figaro. Après avoir bu plusieurs canettes de bière fortement alcoolisée (7 degrés), il s’est endormi avant d’être réveillé par les flammes !
Boire un petit coup est assez fréquent à la SNCF si l’on en croit la vidéo cachée faite par un cheminot, et mise en ligne par Le Point, en juin 2014. On y voit une bouteille d’eau minérale dans laquelle les cheminots d’un poste d’aiguillage de Paris-Ouest puisent à intervalles réguliers pour se rincer la glotte. Elle contient du rhum-piment-citron. A un moment, un aiguilleur est sur le point de diriger un train sur une mauvaise voie. Il se rattrape in extremis et se ressert un verre pour se remettre de ses émotions…
Outre les postes d’aiguillage, la SNCF bute contre des problèmes chroniques avec ses caténaires. Une vraie malédiction. En, avril 2015, un train a dû être stoppé en pleine voie au niveau de Saint-Ouen-l’Aumône (Val-d’Oise) et ses passagers évacués. En 2008, des problèmes du même type avaient déjà paralysé le trafic à la gare de Paris-Montparnasse et à Aubagne. Depuis, les incidents se répètent, comme en Bretagne, où la rupture d’un élément a provoqué l’interruption du trafic durant 24 heures entre Paris et Brest, en février dernier. En janvier, c’était une caténaire défaillante qui avait provoqué l’interruption du trafic dans le tunnel sous la Manche. Une habitude à prendre… En novembre 2014, 1 300 passagers de l’Eurostar venant de Londres étaient déjà restés bloqués durant 6 heures à Lambersart (Nord) pour la même raison. Comme quoi, à la SNCF, une caténaire peut en cacher une autre…
Alexis Constant
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La SNCF cache-t-elle la vérité ?
Après le déraillement de Brétigny, en 2013, la SNCF a affirmé que le nombre d’anomalies « notables »recensées en 2012 se limitait à 126. Faux a rétorqué la CGT cheminots. Selon elle, plus de 1 000 incidents de sécurité, dont 211 déraillements, ont été enregistrés en 2013. La SNCF « restreint les informations » afin de calmer les esprits, affirme la centrale qui reproche à la direction de la SNCF son manque de « transparence ». Et, il est vrai que, côté transparence, la CGT est une experte ! A. C.
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