Jean-Claude Delarue : «La SNCF ne fait plus son travail»

Publié le 11 juin 2015 par Lecriducontribuable

Cet entretien a eu lieu dans le cadre du numéro des Enquêtes du contribuable de juin/juillet 2015, «SNCF, ça déraille!». En kiosque. Numéro disponible sur notre boutique en ligne.

Quel est l’état du trafic SNCF à la mi-2015 ?

Il faut distinguer deux types de trafics : celui des trajets quotidiens et celui des grandes lignes. Ce n’est pas sur les grandes lignes, mais sur le réseau de proximité que la situation est la plus dramatique. Les usagers utilisant le train pour se rendre de leur domicile à leur lieu de travail vivent souvent un enfer, notamment en Île-de-France. Cette région concentre 20 % de la population et 70 % du trafic. Accumulation des retards, pannes à répétition, incidents de tout ordre, rames courtes au lieu de rames longues, les usagers sont traités comme du bétail. La SNCF doit rénover son réseau et améliorer les conditions de transport.

Depuis quand ces problèmes de trafic sont-ils devenus chroniques ?

Ils sont montés en puissance progressivement dans une sorte d’indifférence générale. Dans les années 70/80, tout se passait à peu près bien. Depuis, la SNCF et les pouvoirs publics se sont endormis et la situation n’a cessé de se dégrader depuis une vingtaine d’années. Le réseau ne se développe plus et il n’est pas assez entretenu, alors que le nombre de voyageurs augmente sans cesse. Dès 2008, nous avons été parmi les premiers à tirer la sonnette d’alarme sur les problèmes de maintenance. Aujourd’hui, personne ne les nie, mais si un effort massif n’est pas consenti en termes de maintenance, les problèmes vont s’aggraver.

Le drame de Brétigny aurait-il pu être évité ?

Je me garderai d’anticiper sur les conclusions de la justice. Toutefois, il semble que l’origine du drame soit liée à un problème de maintenance. Les cheminots tirent régulièrement la sonnette d’alarme, et pas seulement pour des motifs corporatistes.

La SNCF ne fait plus le job. On trouve de plus en plus de rails cassés. Faute d’entretien, la vitesse des trains est limitée à 50 km/h sur certains tronçons, alors qu’ils pourraient rouler à 120 km/h. Les équipements seraient vérifiés moins souvent qu’auparavant. Les câblages électriques sont parfois défectueux, par exemple, mangés par les rats ! La défaillance d’un câble électrique rendant impossible le passage d’un feu du vert ou rouge serait ainsi à l’origine de la collision entre deux trains dans les Landes, il y a quelques mois. Le câble avait peut-être été dévoré par les rongeurs. La SNCF devrait s’inspirer de British Rail qui a longtemps entretenu des chats chargés de faire la chasse aux rats le long des voies ferrées !

Vous avez l’intention de lancer une action collective contre la SNCF. Dans quel but ?

En association avec l’UFC Que Choisir, nous avons l’intention de lancer une action de groupe afin de permettre aux usagers d’obtenir une indemnisation au titre du préjudice subi lors des incessantes perturbations de trafic. Les juristes de l’UFC et de SOS Usagers sont en train d’évaluer la faisabilité de ce projet. Il y a déjà des précédents favorables. Un avocat domicilié à Melun a notamment obtenu réparation de la SNCF après qu’un retard de train lui a fait manquer une audience.

Comment la SNCF réagit-elle lorsque vous la contactez ?

Nous avons peu de contacts directs avec la SNCF qui reste trop souvent sourde à nos doléances. Avec la SNCF, on est un peu passé de la politique du « ferme ta gueule » à celle du « cause toujours »… C’est une grosse machine qui ne sait pas dialoguer. SOS Usagers est surtout en contact avec les élus. C’est à eux de cadrer la SNCF et d’influer sur la politique de transport ferroviaire. Heureusement, en France, une élection chasse l’autre et certains élus ont compris qu’ils ne peuvent plus ignorer la grogne des usagers.

La dégradation du trafic concerne-t-elle aussi le fret ?

Oui. Environ 10 % du fret passe par le rail. C’est peu. Le reste transite essentiellement par la route. Ce que beaucoup ignorent, c’est que la SNCF est le premier transporteur routier français. Tout se passe comme si elle privilégiait la route et non le rail quand il s’agit de se développer. Demain, elle pourrait être partie prenante dans la multiplication des lignes d’autocars rendue possible par la loi Macron.

Que pensez-vous de la politique tarifaire de la SNCF ?

C’est une véritable bouteille à encre. Sous prétexte de yield management, une technique de marketing qui consiste à faire la chasse aux places vides, les tarifs changent d’une minute à l’autre. Lorsque la SNCF dit qu’elle augmente ses tarifs de 1,25 %, on ne sait pas sur la base de quel tarif elle le fait.

Que pensez des grèves à répétition menées par les cheminots ?

La loi de 2007, qui contraint les syndicats à déposer un préavis de grève 48 heures avant d’entamer un mouvement a un peu amélioré les choses. Ce qui perturbe la vie quotidienne des usagers, ce sont les mouvements qui font suite à un incident. Le trafic est stoppé sans avertissement. Les usagers sont pris en otage. Dans certains cas, ce droit de retrait est légitime. Il est intolérable que des contrôleurs soient agressés. Il est, en revanche, anormal qu’un usager de province soit pénalisé parce qu’un contrôleur de la SNCF a été molesté en banlieue parisienne. Lorsqu’il se généralise, le droit de retrait devient absurde.

Propos recueillis par Didier Laurens

FUT-SP SOS Usagers : www.sos-usagers.com - contact@sos-usagers.com

Nouveau numéro ! «SNCF, ça déraille !»Les Enquêtes du contribuable de juin/juillet 2015 – 5,50€. En kiosque. Vous pouvez commander en ligne ce numéro. Également sur abonnement.

Le magazine des contribuables

Assistanat, syndicats, fraudes sociales, hauts fonctionnaires, aides publiques aux entreprises… Tous les deux mois, Les Enquêtes du contribuable approfondissent dans des dossiers didactiques un thème majeur de l’actualité économique et sociale. Ce magazine de conviction donne un coup de pied dans la fourmilière ! Revue de référence en matière d’argent public, Les Enquêtes du contribuable vous permettent d’être réellement informé des dérives grandissantes et cachées que connaît notre pays. Il porte un regard différent sur l’actualité qu’il analyse du point de vue des contribuables. Abonnement : 6 numéros par an pour 33€.