Titre original : Jurassic World
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Colin Trevorrow
Distribution : Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Nick Robinson, Ty Simpkins, Vincent D’Onofrio, Omar Sy, Irrfan Khan, Judy Greer, B.D. Wong, Jake Johnson…
Genre : Aventure/Action/Fantastique/Suite/Saga
Date de sortie : 10 juin 2015
Le Pitch :
Parc à la renommé mondiale, Jurassic World accueille tous les jours plusieurs milliers de visiteurs et fait la joie des petits et des grands, venus admirer de nombreux dinosaures. Afin de continuer à surprendre son public, Claire Dearing, la responsable, a supervisé la création d’une nouvelle créature, entièrement originale, à partir de l’ADN de plusieurs dinosaures et d’autres animaux. Une évolution contre-nature qu’Owen, le responsable des raptors, voit d’un très mauvais œil. Celui que l’on nomme l’Indominus Rex ne tarde pas à lui donner raison et décide de se faire la malle de son enclos. Rapidement, le gigantesque monstre, d’une intelligence supérieure, sème le chaos dans le parc…
La Critique :
Le parc est enfin ouvert !
Il fallait bien justifier le retour sur le devant de la scène de la franchise initiée par Steven Spielberg, il y a presque 22 ans. La tentation de profiter des nouvelles technologies pour redonner vie au concept était trop forte et le timing parfait pour coller avec les canons des blockbusters modernes, toujours plus grands et toujours plus spectaculaires. Jurassic Park devait rouvrir au public et pour cela, personne ne s’est vraiment foulé pour offrir une justification valable. C’est comme ça et puis c’est tout. Une scène en particulier, dans laquelle un technicien porte fièrement un t-shirt du premier Jurassic Park, se charge de démontrer que la volonté des nouveaux patrons du parc est de ne plus penser au passé. En est-il de même pour la production du film ? Faire table rase de la première trilogie et en particulier du premier volet pour bâtir une nouvelle saga ? Oui et non.
Jurassic World est bel et bien une suite et non un reboot. Pas au sens strict du terme en tout cas. Cela dit, dans les faits, on remarque vite de nombreuses similitudes entre Jurassic World et Jurassic Park. Si on fait exception du fait que désormais le parc est ouvert et plein de potentielles victimes, l’histoire est la même. Alors non, définitivement, les scénaristes ne se sont pas foulés. Le milliardaire fantasque ? Le Hammond de Richard Attenborough n’est plus, mais quelqu’un d’autre a pris sa place. Le défenseur des dinosaures qui les considèrent non pas comme des attractions sur pattes mais comme des êtres vivants et qui mesure donc le danger qu’ils représentent ? Sam Neill n’est pas de la partie, mais Chris Pratt se charge d’intégrer à son personnage d’homme d’action, l’essentiel de son caractère. Les deux gamins qui n’en font qu’à leur tête ? Ils sont là aussi. La femme d’action ? Pareil. Bryce Dallas Howard ne joue pas exactement la même partition que Laura Dern, mais au fond, c’est du pareil au même. Rajoutez à la sauce un méchant et quelques seconds rôles chargés de d’assurer les arrières, laissez reposer, et servez chaud et bien saignant. Jurassic World n’est pas, par définition un vrai reboot, mais il annonce une nouvelle ère, s’approprie les codes sans les changer et promet une nouvelle saga.
On pouvait légitimement douter du bien fondé de la démarche, surtout si on avait découvert le premier épisode à l’époque de sa sortie en salle. Cependant, si on considère en effet la valeur ajoutée qu’apportent les effets-spéciaux modernes et la demande potentielle d’une nouvelle génération réceptive à ce genre de spectacle, Jurassic World est finalement plus légitime que quelques autres revivals des années 80/90. Surtout que dans le cas présent, le respect de l’œuvre originale est bien là.
Auteur d’un premier film remarquable (Safety Not Guaranteed), Colin Trevorrow s’est vu propulsé à la tête de cette énorme machine avec une mission des plus périlleuses. Ayant participé à l’écriture du scénario, il s’est investi et à donc tenu à ancrer son long-métrage dans une mythologie appartenant depuis belle lurette à l’inconscient collectif des cinéphiles. Sous le regard bienveillant de tonton Spielberg, producteur exécutif, Trevorrow ne s’est pas laissé démonter, malgré son manque d’expérience. D’une façon ou d’une autre, son film s’est alors transformé en gigantesque hommage à l’œuvre fondatrice, s’imposant du même coup des limites qui lui interdirent de surprendre ou de tracer son propre chemin. Même histoire, mêmes ressorts, reprise du fameux thème musical de John Williams (mais pas par John Williams), clins d’œil à Jurassic Park à la pelle, Jurassic World est une luxueuse remise à jour qui n’oublie jamais de veiller à ne pas piétiner son héritage. D’un côté, bien sûr, vu le monument dont il est question, c’est bien, mais d’un autre, comme notifié plus haut, il n’y a rien de mieux pour éviter de faire preuve d’audace. Au final, les spectateurs de plus de 30 ans réaliseront vite qu’ils ne seront jamais véritablement surpris, et les plus jeunes vont jubiler. La trame est bonne. Elle se coltine un méchant goût de déjà vu, mais elle reste savoureuse. Colin Trevorrow en a pleinement conscience et au risque de passer pour un élève studieux qui veut faire plaisir à son maître, il tient à faire les choses en grand. Sur un plan purement spectaculaire, et c’est la grande bonne nouvelle, le public ressort largement gagnant.
Tout le plaisir ne réside pas dans le fait de savoir où va se terminer le voyage. On le sait déjà, 5 minutes à peine après que les lumières ne se soient éteintes. Non, le plaisir se trouve dans l’exécution. Comment le chaos va-t-il s’organiser ? Quel tronche auront les nouveaux dinosaures (et les anciens) ? Comment vont-ils nous faire accepter les raptors apprivoisés ? À toutes ces questions, Jurassic World donne des réponses claires et précises et celles-ci s’avèrent très convaincantes !
C’est après une mise en place réglementaire que le rideau se lève sur les dinosaures, à savoir les vrais héros de la saga. Le show peut vraiment commencer !
Il est alors appréciable de goûter à la générosité d’un film plus que jamais concentré sur sa volonté de faire plaisir à son audience. Quand le fameux dino génétiquement modifié entre en scène, le rythme s’emballe et jamais il ne redescendra vraiment dans les tours. Très malin, voire carrément machiavélique, ce monstre sait attirer l’attention, avec ses attaques éclairs brutales, qui visent autant ses congénères que les humains. Bien que destiné à toute la famille, Jurassic World ne lésine pas pour montrer notre nouveau monstre à l’œuvre. Il croque et tranche. Le sang ne coule pas à flot, mais la violence n’est pas édulcorée à outrance, comme on pouvait le redouter. Colin Trevorrow sait que quand on met en scène une machine à tuer aussi parfaite, il est difficile de ne pas montrer de temps en temps ce dont elle est capable. Le contraire serait absurde, mais n’a-t-on pas vu l’année dernière un film de zombie dénué de la moindre goutte de sang ? Bref, on s’égare.
Peut-être un peu décevant au niveau de son design, l’Indominus Rex impressionne par sa sauvagerie . C’est le principal. On ne doute jamais qu’il puisse mettre un tel bordel et on tremble régulièrement quand il se retrouve en face de Chris Pratt et de ses potes. Bilan : oui, le coup du dino créé de toutes pièces craignait un peu sur le papier, mais à l’écran, ça le fait carrément.
Autre grosse nouveauté dont on redoutait qu’elle ne tire vers le bas toute l’entreprise : les raptors apprivoisés. Là aussi, la surprise est très bonne. Si ils ne se sont pas foulés pour ce qui est de l’intrigue principale, les scénaristes ont au moins réussi à introduire avec brio cette idée plutôt curieuse, en la rendant logique et efficace. En dire plus serait criminel, mais tout compte fait, les raptors sont toujours super cool et n’ont rien perdu de leur charisme. Ouf !
L’œil dans le rétro, Jurassic World avance droit dans ses bottes et utilise à bon escient son budget. Les producteurs ont dépensé sans compter et le moindre dollar se voit à l’écran.
Spectaculaire frénétique (le bouquet final est vraiment impressionnant), offrant quelques moments bien tendus, étonnement violent, calibré au millimètre, ce film fait le job jusqu’au bout. Les acteurs assurent également, parfaits dans des rôles en forme d’archétypes. Chris Pratt est le héros providentiel idéal, Bryce Dallas Howard est aventureuse et super sexy, Omar Sy s’en donne à cœur joie (bien qu’on ne le voit pas beaucoup encore une fois) et Vincent D’Onofrio est toujours ce monstre de charisme impressionnant quoi qu’il fasse.
Racontant la mise à sac d’une attraction XXL, Jurassic World est lui-même une attraction. Quand on sait ce qu’on va voir, rien n’est vraiment décevant. Affirmer que Jurassic Park est toujours le meilleur de la saga relève de l’évidence, de même que dire que Le Monde Perdu est supérieur à cette fastueuse remise à jour. Pourtant, avec ses fulgurances visuelles et ses somptueux effets, le petit nouveau s’élève au-dessus du troisième chapitre. Et tant pis si on préférait le T-Rex d’antan à son héritier en images de synthèse, car lui aussi sait se faire apprécier.
Divertissement généreux aux proportions montreuses, ce quatrième opus pose néanmoins une question cruciale pour la suite des opérations, vu qu’il est censé amorcer une nouvelle trilogie. Le prochain film devra se risquer à écrire sa propre histoire. Jurassic World a fermé la porte au schéma de base, c’est à dire la destruction du parc par ses résidents. Dans quelle direction la saga va-t-elle partir ? Pour l’instant rien n’est sûr à par une chose : le défi est de taille et l’erreur ne sera pas permise.
@ Gilles Rolland