Mark Waid poursuit son run sur Daredevil, et nous n'allons pas nous en plaindre. Si ce n'est l'impression que les deux premiers épisodes sont un peu forcés (il fallait bien que DD se mette au diapason de Original Sin...), pour le reste on retrouve l'identité et le ton du scénariste, qui aura vraiment marqué de son empreinte le personnage, tout comme Samnee au dessin, dont le style faussement naïf, et très ingénieux et inspiré dans la construction des planches, aura fait date. et j'en viens à ce que j'entends parfois. A savoir : pourquoi défendre et porter aux nues ce Daredevil là, alors que la prestation de Bendis ou Brubaker, juste avant, atteignait des sommets qui nous échappent depuis? Ma réponse est claire : Car ces deux Daredevils là n'ont rien à voir. Dans le premier cas, la série était (re)devenue un polar urbain froid et désespéré, où chaque action, chaque décision, plongeait le héros phare dans une spirale insidieuse qui finissait par le piéger dans un étau, et faire voler en éclat sa double vie, ses certitudes, et sa santé mentale. Matt Murdock renouait avec ses démons dépressifs, et se perdait parfois dans un infini océan de noirceur, échappant à la noyade au prix de mille efforts héroïques. Ici le ton est plus léger, badin, uniquement en apparence. En réalité on ne peut pas dire que le Daredevil de Waid soit léger ou récréatif, entre le cancer de Foggy Nelson, Matt qui doit révéler à tous qu'il est Daredevil, des épisodes où on le voit privé de tous ses sens et emprisonné chez Fatalis ou face à un ennemi implacable qu'il ne peut combattre... mais jamais le héros aveugle ne succombe à son coté sombre. Comme le dessin le laisse à comprendre, c'est l'aspect positif, enjoué, bondissant du personnage qui est mis en valeur, un Daredevil qui peut chanceler mais jamais tomber, qui saute de tuiles en tuiles (métaphoriques) comme il le fait de toit en toit. Un Daredevil qui se rapproprie les bons mots, l'envie de vivre, de croquer la pomme à pleines dents, et qui aime à nouveau la vie et ce qu'il fait. Mark Waid a admirablement pris le contrepied de Bendis et Brubaker, et nous a emmené sur d'autres chemins, avec un Diable cornu différend, mais si attachant.