Joris-Karl Huysmans de son vrai nom Charles Marie Georges Huysmans, est un écrivain et critique d'art français (1848-1907). Huysmans était le descendant par son père, d'une lignée d'artistes peintres hollandais. Certains tableaux du plus célèbre de ses ancêtres, Cornelius Huysmans, peintre à Anvers au XVIIe siècle, figurent aujourd’hui au Louvre et c’est pour mieux évoquer ses origines hollandaises, que Huysmans adopta le prénom de Joris-Karl. A partir de 1876, Huysmans collabore en tant que chroniqueur d’art, à différents journaux pour lesquels il rédige des comptes rendus des Salons de peinture. Il prend la tête du combat visant à imposer l’Impressionnisme au public. Après sa conversion au catholicisme vers 1895 et relatée dans son roman En Route, il publie en 1898 La Cathédrale.
Les éditions de L’Herne viennent de rééditer Paris. Cette édition dans leur collection de poche Carnets, est complétée d’autres textes liés à la capitale, plus logique qu’une précédente édition dans leur collection Confidences (1994) comprenant en plus de Paris, un texte nommé En Hollande. Conclusion, ces deux ouvrages homonymes, ne font pas double emploi… Dans l’édition qui nous intéresse, les textes parus dans revues datent de 1901 ou 1902 (on ne sait pas vraiment) pour Paris et les douze autres de 1875 à 1885.
Ce que cet ouvrage ne dit pas mais qu’il faut savoir, c’est qu’après s'être retiré dans plusieurs monastères, Huysmans quitte Paris en 1899 pour s’installer définitivement dans le petit village de Ligugé, près de Poitiers, à proximité de l’abbaye bénédictine Saint-Martin. Là, il partage la vie quotidienne des moines et se prépare à devenir oblat. Mais en 1901, la loi sur les associations vient dissoudre la communauté de Saint-Martin, poussant les moines à l’exil et obligeant Huysmans à rejoindre Paris. Le texte éponyme, date de son retour dans la capitale, une ville qu’il ne reconnait plus, l’Exposition universelle de 1900 n’étant peut-être pas étrangère à ces chambardements, et ça nous vaut de délicieuses réflexions un peu réacs du genre « c’était mieux avant », comme nous en entendons tous les jours encore ! Son premier étonnement, le nombre incroyable de coiffeurs, « Leur nombre s’est en peu de temps singulièrement accru » et l’intérêt des gens pour leur apparence, ne pas avoir l’air vieux, grâce aux teintures de cheveux, dentiers etc. « les gens d’autrefois consentaient sans doute plus aisément à vieillir ». Ca sonne terriblement moderne, non ? Mais ce qui le choque le plus et le pousse à écrire vertement son dégoût, c’est l’esprit bourgeois et la course au faux luxe, dans l’aménagement des appartements ou des commerces. Pratiques commerciales vilipendées dans sa dénonciation prémonitoire des grandes enseignes (ici Le Bon Marché ou le Bazar de l’Hôtel de Ville) en future situation de monopole face aux petites boutiques.
Les autres textes nous promènent dans la capitale d’alors (Jardins du Luxembourg, boulevard Montparnasse, Vaugirard…) et en plaquant le calque de notre propre expérience des lieux sur les écrits de Huysmans, on s’amuse à comparer les différences, comme dans le fameux jeu des 7 erreurs des magazines anciens. L’écrivain s’avère un observateur précis et nous croque de délicieux portraits, des nounous des riches bourgeois aérant les gamins au parc Monceau ou bien des couturières travaillant dans les maisons de mode de la rue du 4 Septembre…
Pour ceux qui se sont déjà frottés à J.K. Huysmans et ont souffert à sa lecture, je précise que ce recueil n’est pas du tout dans la veine de ses romans. Ici tout est limpide et clair, sans excès de culture, dans un style très simple à lire.