Youth de Paolo Sorrentino sortira en Septembre 2015. Comme beaucoup, à l’exception de quelques privilégiés, ce sont ici des impressions personnelles qui appuient l’envie de découvrir la seule oeuvre de la sélection 2015 du Festival de Cannes. Peut-être il y a là, et à suivre, de l’extrapolation. Lors de la projection, peut-être que le sens principal sera la déception ou la pleine satisfaction. Une chose est sûre : Youth a été promeut et livre une promesse. Celle de livrer un ou des messages cinématographiques capables de nous masser dans nos salles de cinéma favorites.
Un passage de flambeau au cinéma
Le réalisateur italien ne conçoit pas une oeuvre inédite : il rend un sujet actuel intéressant.
Le réalisateur italien opère un hommage délicat. Michael Caine, habitué depuis quelques années aux rôles de mentor, retrouve Mr. Harvey Keitel, autre figure inoubliable du cinéma de Quentin Tarantino ou de Taxi Driver. Deux figures adoubées par les spectateurs qui ont, donnons l’expression, littéralement vieilli avec le cinéma. Tous deux ont une moyenne de 80 ans environ tout en comptant sur des projets de cinéma pour le futur. Il arrive pourtant à un point où, dû à un vieillissement naturel, ni les check-up esthétiques à l’américaine, ni les remises en forme, ni rien, n’ira contre l’évidence du temps qui avance. Contrairement à un Brad Pitt vieilli à la Benjamin Button, le troisième âge est mis en valeur avec l’idée d’un esprit jeune dans un corps qui accuse le temps. Face à eux, Rachel Weisz et Paul Dano représentent 40 années en moyenne. Ce ne sont pas non plus des jeunes premiers mais bien une « autre génération » d’acteurs, de talents divers. Le sens le plus beau à cette réunion de personnalité semble être l’idée d’un dialogue entre les réservistes du cinéma et ces autres têtes amenées à marquer la sphère du cinéma par leurs visages et leurs contrats. Aucun des groupes ne livre son adieu au cinéma : chacun permet d’incarner des êtres vivants identifiés par leurs âges, leur sexe, leurs parcours différents.
Youth a le mérite de conjuguer deux générations d’acteurs. Le casting se découpe schématiquement en deux groupes très nets directement mis en avant par l’affiche du film. Michael Caine et Harvey Keitel, duo du troisième âge, seront amenés à comprendre, jouer et être en contact avec quelques jeunes visages comme Rachel Weisz ou Paul Dano. Ces deux catégories d’âge ont peu d’occasion de se réunir, surtout si l’on regarde sur côté de Quartet de Dustin Hoffman (2013) ou à l’extrême inverse de Sping Breakers, variant tour à tour du club du troisième âge à l’âge adolescent et désirant la vie des adultes … Youth fera partie de ces films qui osent la nuance tout en ayant la particularité de se développer en monde clos où les Alpes serviront de décor principal.
En quelques images, les idées principales prennent place. Il ne s’agit ni d’un film bilan sur la vieillesse ni un film voué à la jeunesse. Entre les deux groupes, s’installent des regards entre père et fille (Michael Caine et Rachel Weisz ont ce rôle.), entre homme et femme, entre les inquiétudes des uns et les perspectives des autres. Respectueux sans niaiserie, l’intérêt est celui (Ou pourrait être.) celui d’une société active sur les personnes qui ont consacré leur vie de labeur « à autre chose » …
Une sensibilité à fleur de peau
La direction de la photographie, assurée par Luca Bigazzi, est à la fois statique et particulièrement remarquable.
Y compris l’affiche voulue marquante, l’ensemble de la direction photographique amène à qualifier le film par sa douceur. Malgré un sujet loin d’être simple à réaliser et à traiter, le choix se porte sur un message empreint d’un optimisme serein ou inquiet, émotionnel et méticuleux, coloré, agréable. L’amateur de cinéma est face à un exercice particulier où l’action est remplacée par une image composée avec exigence. Le résultat fourni par Luca Bigazzi, en quelques regards, s’approche de l’idéal de capter le mouvement. Ici, le temps passe. Petit à petit, l’art et la manière donnent la sensation de prendre conscience d’une vie de cinéma et ce, pour l’ensemble des acteurs.
Colorée, le monde de Youth transmet une impression étrange allant de la curiosité au vif intérêt.
Youth confirme une impression étrange autant dans son scénario que dans ses propos. Il n’est pas question d’un dernier film ou d’un dernier duo formé avant la fin. Il y est question d’humour, de faits sociaux, d’un cinéma qui trouble la frontière entre la fiction et la réalité. De Michael Caine à Harvey Keitel, Paolo Sorrentino dirige des acteurs-personnages qui sont au coeur de leur existence, à ce temps précis, à ce moment donné. Là se confirme l’hommage au monde du cinéma : après une jeunesse à l’écran, bien des succès et des films moins notables, la pellicule devient témoin de cet autre âge, d’une autre manière de vivre.
La curiosité vis-à-vis de Youth équivaut à une promesse singulière au cinéma. Du moins, voilà à peu près la position personnelle attendue du seul film de la sélection 2015 de Cannes qui a su capter l’attention d’un cinéphile amateur. Reste à voir les effets de cette attente : peut-être un coup de coeur, voire de l’indifférence ou l’amer goût de la déception. Rendez-vous avec le cinéma italien en Septembre 2015.