Titre original : X+Y
Note:
Origine : Angleterre
Réalisateur : Morgan Matthews
Distribution : Asa Butterfield, Rafe Spall, Sally Hawkins, Eddie Marsan, Jo Yang, Martin McCann, Alex Lawther…
Genre : Drame/Histoire vraie
Date de sortie : 10 juin 2015
Le Pitch :
Adolescent souffrant d’autisme, Nathan est un prodige des mathématiques. Brillant, il fuit toute manifestation d’affection, tout spécialement depuis le décès de son père, duquel il était très proche. Sa rencontre avec un professeur marginal va être déterminante. Ayant su déceler l’incroyable potentiel du jeune garçon, ce dernier va le pousser à participer aux prochaines Olympiades internationales de mathématiques. Une compétition qui va le forcer à peut-être s’ouvrir au monde, et aux autres…
La Critique :
Ce n’est bien sûr pas un hasard si Nathan, cet adolescent souffrant d’autisme, s’est réfugié depuis l’enfance dans les maths. Seuls les nombres, les formules et autres théorèmes ont fait leur preuve quand il s’agissait d’offrir un cadre rassurant. De poser les limites d’un monde trop vaste, propice à des émotions trop difficiles à comprendre pour quelqu’un de différent. Avec leur caractère « certain » et précis, les maths conviennent à merveille à quelqu’un qui a du mal à trouver des repères auxquels s’accrocher.
C’est après avoir réalisé une série de documentaires portant sur l’autisme que le metteur en scène Morgan Matthews eut l’idée du Monde de Nathan. Désireux de couvrir une dizaine d’années de la vie d’un enfant pas comme les autres, le cinéaste débutant a opté pour la fiction, mais sans pour autant laisser sur le bas-côté la rigueur documentaire. C’est aussi pour cela qu’il conte une histoire vraie et tenait à y rendre justice. Coller à la réalité, ne pas s’envoler dans les extrapolations et toujours essayer de traduire à l’écran les ressentis et les doutes de son jeune protagoniste, semblaient tenir à cœur à Matthews, dont le long-métrage évite toute forme de sensationnalisme facile. Nous ne sommes dont pas chez Rain Man, et ce sans dénigrer d’une quelconque façon l’excellent film de Barry Levinson. Le Monde de Nathan est plus connecté à la souffrance de son « héros ». À cette peur constante de se retrouver perdu dans une masse de personnes qu’il considère comme normales, alors que lui a très bien conscience de ne pas l’être. En cela, la seule fantaisie que le réalisateur s’accorde sont ces allers-retours entre passé et présent, histoire de faire un pont entre une partie de l’enfance de Nathan, centrée sur sa relation fusionnelle avec son père, et le moment présent, alors que le jeune homme se sent seul et incompris.
Le but étant de souligner le décalage entre une enfance certes déjà marquée par la « différence » mais rendue plus rassurante grâce à la présence d’un père en phase, et l’adolescence, plus chaotique, avec un focus particulier sur la mère de Nathan, incarnée par l’excellente Sally Hawkins, mise de côté par son fils et impuissante quand il s’agit de percer des défenses en apparence bien trop solides.
Les forces du Monde de Nathan sont en quelque sorte aussi ses faiblesses. Le film n’est pas d’une cinématographie fantastique. Encore une fois, il se concentre sur les choses importantes, mais oublie un peu de lier le tout. Là est certainement visible le manque d’expérience d’un réalisateur appliqué mais encore trop hésitant et maladroit lorsqu’il s’agit d’accrocher son audience et de véritablement se démarquer.
Cela dit, et au fond, c’est le plus important, le message passe. L’émotion aussi. À plusieurs reprises, Le Monde de Nathan est bouleversant. Tout spécialement , et c’est étrange, quand il s’intéresse à l’entourage du personnage principal. À la mère, aimante mais souffrant d’un manque d’affection que son interprète traduit merveilleusement bien, sans trop en faire, toujours dans une justesse absolue, et à ce professeur un peu fantasque, touché par la sclérose en plaques. Incarné par le solide Rafe Spall, ce dernier est pour ainsi dire l’autre grand personnage du long-métrage. Mis à l’écart, comme Nathan, mais pour d’autres raisons, il se reconnaît dans ce prodige entravé. L’inverse étant tout aussi vrai. Les liens qui se tissent entre Nathan, qui cherche sans le savoir un père de substitution qui saura le comprendre, et le prof, pris d’affection pour son élève, qu’il souhaite préserver, mais en même temps très empathique envers la mère de celui-ci, chez laquelle il perçoit une détresse, sont très forts et Morgan Matthews parvient tout à fait à les mettre en valeur. Sans faire de l’ombre au protagoniste central, ce personnage secondaire complète le propos et s’avère lui aussi vecteur d’une émotion vibrante.
Sincère et touchant, Le Monde de Nathan est aussi très respectueux de son sujet. On sent également Asa Butterfield, découvert dans Hugo Cabret, de Martin Scorsese, complètement à l’écoute des questions soulevées. Il saisit parfaitement les enjeux et compose une partition savamment dosée. À son instar, le film n’en fait jamais trop. Non dénué de défauts, mineurs, il va jusqu’au bout de son propos, distille une émotion prégnante, sans être plombant ou trop sombre, et délivre un beau message. En soi, voici précisément le type de film qui ne laisse pas indifférent et qui a toutes les chances de faire couler quelques petites larmes.
@ Gilles Rolland