Tout le monde ici connaît Stan Lee et les comics Marvel des années 70, la bonne époque du Bronze age. Et bien Marvel, ce n'est pas que cela, même si aujourd'hui avec le recul nous avons peine à le croire. Comix books est un ouvrage qui va nous emmener faire un petit tour du côté des comics underground et pas n'importe lesquels puisqu'il s'agit de la production éditée par Marvel et Stan Lee lui-même. Underground certes, mais pas trop, comme vous pouvez le comprendre; ne vous attendez pas non plus à trouver des planches pornographiques ou des discours politiques urticaires : ici on joue avant tout la carte de l'humour, du décalage et de l'expérimentation. Pour ce faire Stan Lee est aller cherché Denis Kitchen, un éditeur indépendant dont la maison d'édition battait de l'aile au début des années 70, et de cette rencontre va naître Comix Book, une parution qui n'explosera pas de record de longévité mais qui va proposer un contenu alternatif bien différents de ceux auxquels la maison des idées nous avait toujours habitué. En fait, c'est une créature hybride qui se retrouve en kiosque (et pas seulement dans les magasins spécialisés, généralement tenus et fréquentées par la communauté hyppie), que Marvel n'assume jamais pleinement (pas de logo ou de nom ronflant sur la couverture, mais une édition par voies interposées et semi-confidentielle). Récupérer certaines planches n'a pas été une mince affaire, pas mal d'entre elles ont été détérioré, perdu, et il a même fallu recourir à des scans de piètre qualité pour compléter l'ensemble. Si nous avons aujourd'hui une version française à nous mettre sous la dent (petit tour de force) c'est bien entendu à Stara que nous le devons, puisque comme à l'accoutumée cet éditeur s'en est allé repêcher de la BD poil à gratter qui pousse en dehors des sentiers battus et que l'on a pas trop l'habitude de se voir servir à table en guise de dessert.
Pour convaincre les artistes d'aller frayer chez le grand méchant loup, il a fallu mettre de l'argent sur la table. Ce qui est logique, car Marvel n'en était pas dépourvu, tout du moins pas autant que les petites structures exsangues écrasées par un marché qui avait fini par trop s'éparpiller, et des décisions de justice mortifère pour la vraie culture underground. 100 dollars la page, et voilà que nous pouvons lire des oeuvres aussi étranges, absurdes, sarcastiques, ou visionnaires, comme Panthea (de Trina Robbins), une héroïne mi femme mi lionne qui caricature les pulps d'antan à la sauce féministe, l'infâme Flip the Bird (de John Pound) un corbeau sans scrupule et à la morale ultra douteuse, We Fellow Travellers (En recherche et en cheminement, de Justin Green) une Bd auto référencée et mâtinée d'introspection psychologique et spirituelle, ou le parodique Wonder Person (Trina Robbins) qui propose une version décalée de Wonder Woman et de ses amis de Dc comics (!) avec une amazone qui tombe enceinte et doit élever sa progéniture. Durant 150 pages, ce sont des grands noms de la Bd à venir qui défilent (Alex Toth, Art Spiegelman, Kim Deitch, Howard Cruse...) entre expérimentations, franche rigolade, prise de risque mesurées et grand écart casse-gueule. Comix Book n'aura finalement duré que le temps de cinq numéros, avant que des considérations économiques, mais aussi une vraie volonté industrielle et politique de mettre fin à l'expérience, ne pousse Marvel à fermer les robinets qui alimentaient cet ovni parmi d'autres comics au ton fort différent. Aujourd'hui nous pouvons découvrir en Vf une première anthologie salutaire qui vient mettre en lumière un pan de l'histoire des bande-dessinées proposées par la Maison des Idées, mais aussi et tout simplement un témoignage précieux sur le comic-book américain et la contre-culture, dans les années 70. Un travail d'intérêt général que nous offre Stara Editions, dans lequel il est fort possible que le lecteur curieux trouvera son bonheur.
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