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François Hollande en défenseur central lundi, puis Michel Platini hier ont dû voler au secours de Manuel Valls dans l’affaire du Falcon Poitiers-Berlin qui vire à l’affaire d’État. Selon l’ex-numéro 10 des Bleus et président de l’UEFA, "le Premier ministre est venu samedi soir à Berlin à mon invitation pour parler de l’Euro 2016 de football". Pourtant la réunion prévue sur le sujet avait été annulée trois jours plus tôt. Et Manuel Valls avait embarqué dans le jet gouvernemental ses deux fils, aussi passionnés de football et supporter du FC Barcelone (et du PSG) que papa, né Catalan. Le voyage, estimé à €16 000 tout de même, n’a certes pas coûté plus cher avec ces deux "passagers privés" en plus. Mais il pose une simple question : si la finale avait opposé le Bayern Munich à la Juventus de Turin, l’aficionado du Barça, Manuel Valls, aurait-il répondu à l’invitation ? En Suède ou au Royaume-Uni, des pays où un député qui convertit les points fidélité de ses déplacements professionnels en un billet gratuit pour un week-end en famille est viré sans préavis. Un dirigeant politique n’aurait même pas imaginé monter dans un avion de la flotte gouvernementale pour assister à un match de foot sans lien avec son équipe nationale. Mais sous les ors de notre République imprégnée de culture latine et de traditions monarchiques, un Premier ministre se retrouve vite hors sol.
Pourtant réputé comme un communiquant politique de niveau Ligue des Champions, intransigeant sur les notes de frais des députés, impitoyable à l’égard de l’ex-secrétaire d’État Thomas Thévenoud, dédaigneux de l’impôt citoyen, Manuel Valls a été pris en position flagrante de hors-jeu. Une première faute personnelle depuis son arrivée à Matignon. D’ordinaire si prompt à assumer ses actes, il a commencé par prendre de haut les questions sur la polémique et par ignorer les réactions agacées des militants PS, abandonnés en plein congrès. Avec un air de mauvaise foi, sa défense repositionnée sur l’aspect professionnel du déplacement à un an de l’Euro 2016 est aussi poreuse que celle des Bleus encaissant quatre buts face aux Belges pour cause de… légèreté. Et sa présence, pourtant justifiée, dans la loge de Roland-Garros, dimanche, a accentué cette impression d’un week-end plus plaisir sportif que devoir militant. "Dans ma ville de Tourcoing, aux kermesses de quartier, les gens ne parlent que de ça" constate le député du Nord, Gérard Darmanin. Le parti "Les Républicains" n’en rajoute pas mais n’est pas mécontent de cette "égalisation balle au centre" après les railleries du PS sur le déplacement Paris-Le Havre en jet privé de Nicolas Sarkozy pour un meeting. "Droite Fouquet’s contre gauche Falcon, match nul au bling-bling", s’amusaient les internautes comparant l’escapade à Berlin à la soirée de Nicolas Sarkozy après l’élection en 2007. Sur les réseaux sociaux, aux machines à café des bureaux, au café des sports, le Falcon tourne en boucle au-dessus des conversations. Sur le thème "tous profiteurs de nos impôts", les dégâts dans l’opinion sont considérables. Cet aller-retour risque aussi de coûter cher au teigneux Manuel Valls, sur le plan politique.FG