Le 3 septembre 2014, le chef d'Al-Quaïda, Ayman al-Zawahiri avait annoncé dans une vidéo la création d'une nouvelle branche du mouvement islamiste radical sur le sous-continent indien.(1)
Objectif, selon les dires d'al-Zawahiri: se battre pour implanter un nouveau califat reliant la Birmanie, le Bangladesh et une partie de l'Inde.
C'est le taliban pakistanais Assim Oumar qui avait été chargé de la mise en place et de la direction de ce nouveau front djihadiste.
Moins d'un an plus tard, le réseau étant sur pied, Ehsanullah Ehsan, le porte-parole des talibans pakistanais, vient d'appeler officiellement les musulmans de Birmanie à prendre dès maintenant les armes et à “tuer au nom d'Allah”.
“Je m'adresse à la jeunesse de Birmanie, a-t-il lancé. Prenez les armes et tuez au nom d'Allah. N'ayez aucun doute! Allah est avec nous! Allah est grand!" (2)
Avant d'ajouter: “Nos centres d'entrainement, notre armement et toutes nos ressources sont à votre disposition“
La terrible instrumentalisation du peuple rohingya
Telle la communauté musulmane des Ouïghours, piégée en Chine entre l'enclume de l'oppression chinoise et le marteau du terrorisme d'Al Quaida, les Rohingyas se retrouvent aujourd'hui, d'un côté face aux persécutions du gouvernement birman et du groupe minoritaire extrémiste bouddhiste du moine raciste Wirathu, et de l'autre face à une tentative d' embrigadement et d'instrumentalisation par le mouvement djihadiste.
Les deux parties utilisent fausses rumeurs et dramatisation à outrance afin de chauffer à blanc ceux qui pourraient, d'un côté comme de l'autre, basculer dans le terrorisme, tandis qu'ONG et grandes structures internationales, comme le Haut Commissariat aux Réfugiés, tentent, comme elles le peuvent, de s'interposer, de canaliser, de protéger et d'organiser la survie des réfugiés. (3)
Victimes de la misère économique, de l'ostracisme et des persécutions gouvernementales, les Rohingyas fuient par milliers et tentent de rejoindre des pays plus “riches" comme la Thailande, la Malaisie ou l'Australie, qui refusent de les accueillir et les repoussent à la mer dans leurs embarcations de fortune. (4)
Malgré la rumeur persistante et récurrente de son “silence assourdissant”, Aung San Suu Kyi et son parti, la LND, ne cesse de dénoncer cette situation et ses violences (5) et d'appeler à oeuvrer pour la paix, le respect de toutes les ethnies (6) et la démocratisation réelle du pays dont le processus est quasi bloqué depuis plusieurs mois.
Mais Aung San Suu Kyi n'est que la chef de l'opposition, simple députée sans réel pouvoir, et le gouvernement lui interdit toujours de se présenter aux prochaines élections présidentielles de novembre prochain.
La campagne de diffamation contre Aung San Suu Kyi
L'écrivain Htin Lin Oo, ami d'Aung San Suu Kyi et membre de la LND vient même d'être condamné, sans que cela n'émeuve beaucoup de médias, à deux ans de prison pour “insulte à la religion”, (7) en raison de sa dénonciation publique des appels à la violence lancés par certains bouddhistes extrémistes.
Aung San Suu Kyi fait également l'objet d'une campagne permanente et récurrente de dénigrement visant à ternir son image et à l'isoler au niveau international. Ni l'ex-junte, ni les réseaux djihadistes, les uns comme les autres jouant la stratégie du chaos, n'ont intérêt à ce qu'elle prenne le pouvoir.
Pour le moment, ni la communauté des Rohingyas d'Arakhan, ni les Musulmans qui vivent à Rangoun et dans l'ensemble du pays en relative harmonie avec le reste de la population (cf le bel exemple de “vivre-ensemble” du Free Muslim Hospital de Rangoun , dirigé par le médecin personnel d'Aung San Suu Kyi et où soignent et sont soignés gratuitement, fraternellement et côte à côte chaque année des milliers de bouddhistes, de musulmans et de chrétiens (8 ) ne semblent prêts à écouter les sirènes du djihadisme.
Tous espèrent encore qu'en novembre 2015, malgré et contre les extrémistes de tous bords, jeteurs d'huile sur le feu et stratèges de la violence, de l'ostracisme et du chaos, Aung San Suu Kyi deviendra Présidente de la Birmanie et que le pays pourra enfin être totalement pacifié, réellement démocratisé et que toutes les ethnies qui le composent, auront le droit d'y vivre en harmonie et dans le respect mutuel.
Pour le moment, hélas, au vu de toutes ces menées, rien n'est moins sûr.
Même si l'on continue d'y croire, de tout notre coeur et de toutes nos forces, avec et pour le peuple birman, qui le mérite tellement après tant d'années de souffrance...
Pierre MARTIAL
Ecrivain-journaliste
Aung San Suu Kyi, site français d'information et de soutien à Aung San Suu Kyi et à la Birmanie / Myanmar