[Critique] LOIN DE LA FOULE DÉCHAÎNÉE
Titre original : Far from the Madding Crowd
Note:
Origine : Angleterre/États-Unis
Réalisateur : Thomas Vinterberg
Distribution : Carey Mulligan, Matthias Schoenaerts, Michael Sheen, Tom Sturridge, Juno Temple, Jessica Barden…
Genre : Romance/Drame/Adaptation
Date de Sortie : 3 juin 2015
Le Pitch :
En pleion époque victorienne, Bathsheba Everdene vient d’hériter de la ferme de son oncle. Elle reprend donc les rennes non sans difficultés au sein d’une société régie par des hommes. Libre, jeune et gracieuse, elle désire s’épanouir seule et sans mari. Sa vie amoureuse se verra chamboulée par l’arrivée de trois hommes : le berger Gabriel Oake, le riche voisin Mr. Boldwood et le Sergent Troy…
La Critique :
Décidément, 2015 semble être l’année de Matthias Schoenaerts ! L’acteur belge ne cesse d’enchaîner les films, et ses prestations sont souvent remarquées. Sa performance dans De Rouille et d’os sorti en 2012, lui valut de remporter le César du meilleur espoir masculin l’année d’après. On peut d’ailleurs observer que c’est à partir de ce moment-là que la carrière de l’acteur a vraiment décollé, bien qu’il y eut bien sûr juste avant le très salué Bullhead. Récemment, on a pu apprécier ce talentueux comédien dans le petit bijou Quand vient la nuit, un super polar, où il donne la réplique à Tom Hardy, Noomi Rapace ou encore James Gandolfini. Polymorphe et caméléon, Matthias Schoenaerts nous a aussi bluffé dans les bottes du jardinier André Le Nôtre pour Les Jardins du Roi (pour ne citer qu’eux).
Dans Loin de la foule déchaînée, Matthias Schoenaerts est bien accompagné puisqu’il est entouré notamment de la très intéressante Carey Mulligan, qui explose depuis Drive, et qui semble vouloir prendre son temps en faisant attention à ses choix. L’actrice interprète ici le rôle principal de l’histoire, à savoir celui de Bathsheba Everdene. Elle n’en est d’ailleurs pas à sa première interprétation dans une adaptation d’une œuvre littéraire. Au casting figurent également Michael Sheen, impeccable dans la peau du personnage touchant qu’est William Boldwood, mais aussi Tom Sturridge qui joue le Sergent Troy de manière remarquable. En somme, aucune fausse note, le casting général est parfait. Et cerise sur le gâteau, ce petit monde évolue sous la houlette du réalisateur danois Thomas Vinterberg, qui a signé le fantastique La Chasse, ayant remporté de nombreuses récompenses internationales.
Le réalisateur change donc de style avec son dernier film en décidant d’adapter un roman très célèbre de Thomas Hardy (paru en 1874), dont l’histoire se déroule à l’époque victorienne. Au final, le résultat est plutôt réussi ! Comme dit plus haut, l’interprétation y est pour beaucoup mais pas seulement. Le long-métrage a cette immense qualité de baigner dans une atmosphère à l’esthétisme très soigné. Couleurs, lumières, cadres ou encore costumes, tout est très étudié et raffiné. À noter que les costumes ont été modernisés (tout comme ce fut le cas dans Les Jardins du Roi). Le film multiplie les atmosphères différentes ce qui lui confère un univers assez riche. Ainsi on passe des couleurs froides et nocturnes d’une forêt aux allures gothiques et mystérieuses, aux champs d’une nature foisonnante baignée par la chaleur du soleil.
On comprend en réalité que ces différentes ambiances sont métaphoriques car elles symbolisent les trois relations de la protagoniste principale. Trois relations, trois univers différents, même si cela ne saute pas forcément aux yeux dès le départ.
Là où le fameux réalisateur danois est à saluer, c’est qu’il parvient à rénover une histoire romanesque déjà très appréciée des lecteurs (le roman est considéré comme l’un des plus grands classiques de la littérature anglaise), et dont la seconde adaptation cinématographique réalisée en 1967 par John Schlesinger a également été très saluée. Thomas Vinterberg modernise l’histoire tout en la magnifiant, notamment par le biais des techniques cinématographiques modernes. L’histoire en elle-même est de toute façon très moderne pour l’époque victorienne, où le fonctionnement de la société était encore régi entièrement par les hommes. Carey Mulligan interprète donc cette femme forte, Bathsheba Everdene, déterminée et un peu « sauvage », qui n’aspire tout simplement pas à se marier, si ce n’est par amour véritable. Et qui désire également y arriver seule et par elle-même. L’aspect féministe et égalitariste est mis en perspective lors de scènes importantes, où le personnage principal s’impose non sans effort. Ce qu’il y a d’intéressant parallèlement au plaidoyer féministe, c’est aussi de voir les ravages d’une passion amoureuse déchue. Bathsheba Everdene en porte en effet physiquement les souffrances.
Lenteur, tension, douceur et ambiance champêtre sont au rendez vous de Loin de la foule déchaînée dont la gestion de la lumière, on insistera sur ce point, donne au film son cachet si particulier. L’insistance portée sur la nature donne une dimension joyeuse au métrage, malgré les drames qui le parsèment. Une rivière qui ruisselle, un papillon qui se pose sur une fleur, la vie à la ferme … tout ceci représente la vie, la joie, et en cela le film est particulièrement agréable. La langueur permet finalement d’accentuer une tension palpable qui mène à un bouquet final servi sur un plateau d’argent. Sublime.
@ Audrey Cartier
Crédits photos : 20th Century Fox France