Opposition et société civile - en pointe dans la contestation - ont notamment réclamé la mise en place d'une nouvelle Commission électorale nationale indépendante (Céni), selon eux illégitime depuis la démission et la fuite à l'étranger de deux de ses cinq membres.
Elles ont également exigé le désarmement des Imbonerakure - les membres de la ligue de jeunesse du parti au pouvoir, qualifiée de "milice" par l'ONU - et l'abandon par le président Pierre Nkurunziza de sa volonté de briguer un nouveau mandat - inconstitutionnel selon eux -, à l'origine de la crise qui touche le Burundi depuis fin avril.
"On ne peut pas organiser des élections aujourd'hui si on ne s'assoit pas ensemble pour négocier la mise en place d'une nouvelle Céni, si on ne se met pas ensemble pour négocier les conditions politico-sécuritaires de la tenue des élections, si on ne désarme pas les Imbonerakure, si Nkurunziza ne renonce pas à son troisième mandat", a affirmé à l'AFP Charles Nditidje, un dirigeant de l'opposition.
"Les conditions ne sont pas là, donc il n'y aura pas d'élections qui puissent être crédibles et donner des résultats acceptables pour la population", a-t-il souligné: "si les choses restent en l'état, nous considérons que ça sera une mascarade, une parodie d'élections et l'opposition n'y répondra pas".
M. Nditije s'exprimait quelques heures après que la Céni eut proposé, lors d'une réunion lundi soir, d'organiser le 26 juin les législatives - initialement prévues le 26 mai et reportées une première fois au 5 juin sous pression internationale - et de reporter la présidentielle du 26 juin au 15 juillet.
Opposition et société civile ont boycotté cette rencontre, estimant que la Céni n'existait plus après le départ de deux de ses membres, la loi prévoyant que ses décisions sont prises à la majorité des 4/5e.
Lors de cette réunion, le ministre de l'Intérieur Edouard Nduwimana a demandé à l'opposition de fournir deux noms pour remplacer les deux membres de la Céni démissionnaires, alors que l'opposition réclame une Commission totalement nouvelle.
Pacifique Nininahazwe, dirigeant de la société civile, a lui dénoncé sur son compte Facebook un calendrier publié dans la "précipitation", qui ne prend pas "en considération la résolution de désarmement des Imbonerakure" et a été élaboré sans "aucune consultation des partenaires" et "sans attendre la mise en place d'une autre Céni".
La candidature à un nouveau mandat de M. Nkurunziza - élu en 2005 et réélu en 2010 - a déclenché le 26 avril un mouvement de contestation émaillé de violences qui ont déjà fait une quarantaine de morts et poussé près de 100.000 Burundais à fuir vers les pays voisins.
La communauté internationale estime que le climat actuel ne permet pas d'organiser des élections crédibles et un sommet des chefs d'Etat d'Afrique de l'Est à Dar es Salaam, en Tanzanie, a réclamé le 31 mai le report des scrutins d'au moins un mois et demi, l'arrêt des violences et le "désarmement urgent des mouvements de jeunesse armés".
Lundi soir, le ministre Nduwimana a assuré que le gouvernement avait pris "l'engagement de suspendre l'exécution des mandats lancés contre les organisateurs des manifestations comme recommandé par le sommet" de Dar es Salaam, tout en demandant "à ces organisateurs d'arrêter les manifestations comme recommandé également par le sommet".
Il a également affirmé que la "Commission nationale en charge du désarmement" avait été chargée de "récupérer toutes les armes dans les deux semaines", auprès des groupes de jeunes affiliés aux partis, tâche que nombre d'observateurs jugent difficilement réalisable.
Mardi, des groupes de jeunes ont à nouveau tenté de se regrouper dans plusieurs quartiers contestataires de Bujumbura pour manifester, mais ont été rapidement dispersés par la police.
Dans les quartiers voisins de Cibitoke et Mutakura, la police a tiré en l'air pour disperser trois rassemblements d'une centaine de personnes chacun, selon un journaliste de l'AFP qui a aussi vu la police intervenir à Nyakabiga où des jeunes tentaient d'incendier des pneus.
Policiers et militaires quadrillaient aussi les quartiers de Musaga et Kanyosha empêchant tout rassemblement, selon des témoins.
Source : LePoint