Devenir un(e) Guerrier(e) : Apprendre à agir tout en lâchant prise

Publié le 09 juin 2015 par Moutassem @HMoutassem

L’action dans le lâcher-prise est un concept qui résume bien la double nécessité à laquelle la femme et l’homme moderne doivent faire face: celle d’agir avec entrain et conviction tout en gardant un certain recul.

Dans la cadre de la pratique de la méditation, j’avais déjà dans un précédent article parlé du subtil équilibre entre persistance et lâcher-prise. Découvrons ici, comment apprendre à agir sans se perdre dans l’attente des résultats, est essentiel dans tous les aspects de la vie. Découvrons comment devenir un guerrier ou une guerrière.

Le guerrier de l’action juste

La première fois que j’ai été exposé à la notion de guerrier en tant que voie de développant c’est en découvrant le travail de Carlos Castaneda (voir profil plus bas). Cette notion de guerrier est associée au chamanisme – tradition issue de sociétés proches de la nature comme les habitants de la Sibérie, les Amérindiens d’Amérique, les peuples d’extrême Asie ou encore les aborigènes d’Australie – qui considère l’acte de vivre en présence comme étant une finalité en soi. Le guerrier est celui qui agit du mieux qu’il peut sans s’inquiéter du fruit de ces actes.  

Ce guerrier-là n’est pas en guerre contre les autres, mais en lutte contre la complaisance qu’il porte en lui. Ce sentiment qui nous fait désirer le résultat avant l’acte et qui nous fait souffrir lorsque nos désirs ne sont pas satisfaits.

Dans son parcours initiatique Carlos Castaneda a appris, auprès du chaman Yaqui Don Juan, ce que veut dire être un guerrier, un « homme de connaissance ».

Carlos Castaneda (1925-1998), originaire du Pérou, est un jeune ethnologue et anthropologue de l’Université de Californie qui voulait consacrer sa thèse aux plantes hallucinogènes du Mexique. Il rencontre un vieux sorcier yaqui qui entreprend de lui faire comprendre les raisons de sa curiosité. C’est le début d’une longue initiation destinée à faire de l’apprenti un « homme de connaissance ». Castaneda interrompt son expérience au bout de quatre ans et en tire la matière de son premier livre, L’herbe du Diable et la petite fumée. Puis, persuadé de l’importance décisive de l’enseignement du sorcier, Castaneda revient près de lui. Castaneda publiera les années suivantes plusieurs ouvrages (par certains considérés comme romanesques) relatant ses prises de conscience au cours de son parcours. 

Dans son parcours auprès de son enseignant yaqui appelé Don Juan, Carlos est à maintes reprises exposé à ce qu’est un guerrier.

Pour Don Juan « ce qui importe pour un guerrier c’est de parvenir à la totalité de soi-même. » Il faut travailler sur soi pour développer du « pouvoir personnel » pour parvenir à vivre en pleine lucidité.

Don Juan fait souvent la distinction entre l’homme « moyen », celui qui n’a pas encore développé suffisamment de pouvoir personnel et de discernement, et le guerrier.

 L’homme moyen cherche la certitude dans les yeux d’un spectateur et nomme cela confiance en soi. Le guerrier cherche à être impeccable à ses propres yeux et appelle cela humilité. L’homme moyen est suspendu à son semblable, tandis que le guerrier n’est suspendu qu’à lui-même. 

Développer le pouvoir personnel c’est développer la capacité de vivre en conscience en se libérant des préjugés et des peurs inconscientes. La personne qui augmente son pouvoir personnel est celle qui peut appréhender le monde avec un regard neuf libéré des attentes.

Tout ce que nous faisons, tout ce que nous sommes, repose sur notre pouvoir personnel. Si nous en avons suffisamment, il suffira peut-être d’un simple mot pour que le cours de notre vie change. Mais si nous n’avons pas assez de pouvoir personnel, on aura beau nous révéler la sagesse la plus magnifique, cette révélation ne fera pas une sacrée différence. 

Mais pour qu’une personne décide de développer son pourvoir personnel, encore faut-il qu’elle soit consciente qu’un changement est nécessaire.

Un guerrier débute avec la certitude que son esprit n’est pas équilibré; puis, à force de vivre avec une maîtrise de soi et une lucidité totales, mais sans hâte ni contrainte, il fait vraiment de son mieux pour acquérir cet équilibre. 

Pour acquérir cet équilibre, l’apprenti guerrier doit faire taire le dialogue interne et se libérer ainsi de ses conditionnements et de ses habitudes qui le limitent.

Chaque fois que le dialogue cesse, le monde s’évanouit et des facettes extraordinaires de notre personnalité font surface, comme si elles avaient été profondément gardées par nos paroles. Tu es comme tu es parce que tu te dis à toi-même que tu es ainsi.

Prendre conscience de son dialogue interne c’est également prendre conscience que notre perception de la réalité est limitée par ce dialogue. Pour pouvoir voir, et l’on pourrait remplacer voir par développer la pleine conscience, il faut regarder au-delà des idées préconçues et vivre l’expérience à travers notre être.

Le dialogue intérieur est ce qui te donne une base. Le monde est comme ceci ou comme cela parce que nous nous disons à nous-mêmes qu’il est comme ceci ou comme cela.

Voir n’apparait que lorsque le guerrier est capable d’interrompre le dialogue intérieur. 

Comme l’explique, Don Juan, la personne en quête de sens doit adopter les bons comportements jusqu’à ce qu’ils portent leurs fruits. Selon le sorcier Yaqui les hommes sont tous victimes de leurs complaisances et de leurs croyances, et seul un comportement exemplaire pourra les libérer.

Nous sommes tous victimes des mêmes mystifications. La seule façon de les surmonter est de persévérer dans le comportement du guerrier. Le reste vient tout seul.

Qu’est-ce que le reste? lui demanda Carlos.

La connaissance  et le pouvoir. Les hommes de connaissances possèdent les deux. Cependant aucun d’eux ne peut dire comment il les a acquis. La seule chose qu’ils savent c’est qu’ils ont continué à agir comme des guerriers et qu’à un moment donné tout a changé.

Le but pour Don Juan est de vivre pleinement la vie. Dans d’autres traditions, on parlerait de vivre au moment présent. Mais l’objectif reste le même: faire pleinement l’expérience de la vie qui nous est donnée.

 L’expérience véritable est d’être un homme, et ce qui compte c’est d’être en vie; le petit détour que nous sommes en train de prendre maintenant, c’est la vie. La vie en soi est suffisante, elle s’explique de soi-même et elle forme un tout. Un guerrier comprend tout ça et vit en conséquence. 

Le guerrier agit en étant pleinement présent sans se laisser distraire par ses désirs et ses attentes. Il est dans une action portée par l’attention. Il agit avec entrain alors même qu’il a lâché prise.

Que l’on soit parent, artisan, employé, ou artiste … on peut agir tel un guerrier en s’impliquant pleinement dans chaque action. Peu importe le résultat, l’important est de donner le meilleur de soi-même: être totalement présent dans chacun de nos actes.

Pour an savoir plus sur le parcours de Carlos Castaneda, je vous recommande de lire Histoires de pouvoir dont sont tirés les extraits cités dans cet article.

Pour calmer votre « dialogue interne », voilà l’accès à une série de méditations guidées: cliquez ici.

Sources: Photo haut de page de Arman Zhenikeyev / Histoire de pouvoir de Carlos Castenada (ed. folio) 

Voilà un article qui pourrait aussi vous intéresser: Comment allier persévérance et lâcher prise.