Comme si ses yeux n’éclipsaient pas tous les autres

Publié le 09 juin 2015 par Mentalo @lafillementalo

J’étais arrivée un peu en avance, pour changer, je savais qu’il en serait heureux. J’attendais derrière la grille où les élèves s’agglutinaient par vagues, comme s’il était soudain devenu si urgent de s’enfuir de cet endroit. La grille était fermée à clé, ils se chahutaient, se bousculant du coude ou des pieds. Il faisait chaud, et la chaleur ajoutait à l’envie pressante de liberté.

Il est arrivé avec le dernier groupe d’élèves, quelques filles au regard doux et visage angélique parsemé de taches de rousseur. Son visage s’est éclairé quand il m’a aperçue. Comme si je n’étais pas venue rien que pour lui, comme si mon esprit ne voyait pas que lui, comme si ses yeux d’un bleu incroyable n’éclipsaient pas tous les autres,  il m’a fait un grand signe de la main, un de ceux que les petits de maternelle font lorsqu’ils aperçoivent leurs parents émus dans le public lors du spectacle de la fête scolaire. Il a souri comme un cadeau que je garde précieusement, pour le jour où il préférera que je le laisse au coin de la rue, pas la peine de m’embrasser, maman.

La clé de la grille se faisait attendre, la trentaine d’élèves s’imptientait maintenant. Il attendait sagement, tout son corps tendu vers moi, son cartable d’enfant toujours trop large pour ses épaules. Il m’a semblé si petit encore, mon presque collégien, mon moelleux au chocolat, mon coeur de nougat, derrière les têtes brunes, les visages presqu’adolescents et les sacs Eastpack. Est-ce obligé de grandir, est-ce obligé d’être à nouveau le plus petit quand on n’est déjà pas dans les plus grands? Comment fait-on pour être blasé? Doit-on vraiment s’endurcir et s’entraîner à ne plus laisser l’eau envahir l’océan de ses yeux ?  Comment fait-on pour ne pas trembler à l’idée de la prochaine rentrée?