Assurément, Clovis Cornillac fait son entrer dans la réalisation par la grande porte. Un peu, beaucoup, aveuglément, on sera prêt à le suivre dans ses futurs projets. Il vient de nous offrir une belle romance flirtant entre sensibilité à fleur de peau et sensualité à fleur de notes.
Machin (Clovis Cornillac) vit seul, seulement visité par son meilleur ami Artus (Philippe Duquesne, l’un des créateurs de Les Deschiens). Créateur de jeu de société, il travaille depuis sept ans sur la conception d’un casse-tête très compliqué. L’appartement attenant est lié au sien par un mur très fin et l’on entend tout. Pour préserver sa tranquillité, il fait peur à ses nouveaux voisins pour les faire fuir. Mais la dernière arrivée, Machine (Mélanie Bernier) ne se laisse pas abattre.
Machin (Clovis Cornillac)
Littéralement habité par Chopin d’une part et part Serge Lama d’une part, un peu, beaucoup, aveuglément convoque ces génies de la musique comme autant de muses pouvant inspirer l’amour. Bougre, renfermé sur lui-même, Machin est hostile à toute relation humaine. Il n’accepte que son meilleur ami. Aussi, lorsque Machine l’empêche de se concentrer, en premier lieu, il craque et devient véritablement exécrable. S’ensuit une joute hilarante où l’un et l’autre des protagonistes rivalise d’ingéniosité pour avoir le dernier mot. Cornillac cristallise ici le pire que l’on ai tous pu vivre avec nos voisins et c’est sûrement pour cela que ça fonctionne si bien. Idée déjà exploitée, Cornillac affuble ses deux protagonistes principaux d’amis légèrement décalés, ce qui agit comme un révélateur à travers un miroir déformé. Artus est négligé tandis Machin est maniaque. Machine est timide alors que sa sœur Charlotte (Lilou Fogli) est libertine. Pourtant, les deux bidules cachent bien leur jeu. La relation qu’ils vont voir naître est plus folle qu’Artus et Charlotte réunit.
Machine (Mélanie Bernier)
On parle souvent de comédie romantique, pourtant la comédie franche prête rarement à une romance de qualité. C’est en cela que nous préférons que la poésie prenne parfois le pas sur les sketchs. Ce que Cornillac a amplement privilégié.Il cultive un agréable mélange entre romantisme idéalisé et métaphore de l’amour 2.0. Les deux voisins se retrouvent derrière une cloison, se parlent et développent des sentiments amoureux sans se voir. Ils pourraient être derrière un écran. Pendant un temps, le charme agit. C’est surtout l’intermédiaire de la musique classique qui leur permet de se lier. Cornillac a ici la très belle idée de faire le lien entre musicalité et sensualité. Encouragée par Machin, Machine se laisse transporter par le son de piano. Elle n’a jamais joué aussi bien que lorsque son être entier fait corps avec la musique. C’est paradoxal, Machin qui range son appartement au centimètre prêt renoue avec la spontanéité lorsqu’il écoute Machine jouer. Machin et Machine s’offre une relation onirique qui sied très bien à une représentation cinématographique et permet, grâce au procédé astucieux de la cloison, de sublimer la mise en scène.
Artus (Philippe Duquesne) et Machin (Clovis Cornillac)
Si Un peu, beaucoup, aveuglément ne fait pas pour autant l’apologie de l’amour platonique, c’est néanmoins une belle invitation à réapprendre la découverte patiente de l’autre . Une proposition que l’on ne peut qu’apprécier à l’heure où l’on nous assène tant de comédie tristement libidineuses. Cornillac se révèle, derrière la caméra, idéaliste, sensible et passionné.
Boeringer Rémy
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