Le foot, chez moi, c'est toute une histoire. Enfant, mon frère s'y est mis très tôt, avec ses copains de l'école. Et moi, j'étais traînée à ses matchs tous les week end par mes parents. Et finalement, plutôt que de m'amuser là-bas avec les grandes sœurs des autres joueurs, je regardais. Et j'ai aimé ça. Au point de vouloir jouer aussi. D'abord la seule gamine parmi des garçons un peu rustres mais qui ont fini par m'apprécier en tant que joueuse, puis dans une équipe strictement féminine (parce que passer 13 ans, les équipes mixtes, c'est fini). Et j'ai vraiment adoré ça. Pourtant, depuis toute petite j'entendais souvent cette fameuse phrase : "le foot, c'est un jeu de garçon, c'est pas pour les filles". Et pourquoi pas d'abord ?
La capitaine japonaise Homare Sawa brandit le trophée de la Coupe du monde 2011 en Allemagne.
PATRIK STOLLARZ / AFP
Si vous ne le savez pas, la Coupe du Monde 2015 de Football Féminin (la 7ème édition de la coupe) a débuté ce samedi 6 Juin au Canada, seul pays candidat pour organiser l'événement. La prochaine, ce sera en 2019, en France ! Pourtant, même en ne vivant pas dans une grotte, il est parfois difficile d'en entendre parler ... Pourquoi ? Parce que c'est "féminin".
Comme l'a si bien dit Sophia Aram dans sa chronique de ce matin sur France Inter : "quand c'est féminin, c'est toute la presse qui se réfugie dans une grotte plutôt que de traiter le sujet".
C'est vrai, les footballeuses, ça rapporte moins, ça brasse moins de sous : faut dire que leur salaire est presque inexistant si on le compare à leurs homologues masculins ... alors même qu'elles ont le même statut de professionnelles ! Pour une petite comparaison, prenons la Ligue des Champions et le PSG : le club avait promis aux hommes 1 "petit" million d'euros s'ils remportaient la coupe, alors que ces dames ne pouvaient espérer que 5000€ de prime soit 200 fois moins ... Choquant ? Oui (tout autant qu'il est choquant que les hommes touchent autant ... juste pour courir après un ballon, mais ceci est une autre histoire). Bon, après, il faut aussi prendre en compte que le foot féminin étant économiquement moins "riche", il y a moins de moyens ... mais un tel écart dans un même club, il y a de quoi s'arracher le short ... Reste que, en France, les 103 footballeuses professionnelles touchent en moyenne 3 500 euros brut par mois, hors primes. Ce qui est peu comparé aux 1 100 joueurs professionnels de Ligue 1 et Ligue 2, et leur 12 000 euros de salaire en moyenne – selon les derniers chiffres de la Ligue de football professionnelle. Même si les joueuses et celles et ceux qui les défendent ne cherchent pas un idéal d'égalité, il serait tout de même bon que tout cela soit un peu plus équilibré ...
C'est vrai, aussi, c'est moins regardé ... ah mais non, attendez, c'est surtout moins diffusé ! Ba oui, difficile de regarder quand aucune chaîne ou presque n'achète les droits pour retransmettre les matchs ... En fait, pour être visible, le foot féminin doit gagner. C'est bien parti pour.
Parce que les Bleues ne sont pas de piètres joueuses, comme semblent le penser bon nombre d'hommes "bien pensants". Contrairement aux Bleus, qui ont d'ailleurs perdu hier contre la Belgique, les footballeuses françaises ont de très bons résultats : 4ème à la dernière Coupe du Monde et aux JO de 2012, si elles sont dans les trois premières au Mondial 2015, on les verra aux JO de 2016, et pour cette Coupe du Monde 2015 elles ont toutes leurs chances face aux USA, à l'Allemagne ou le Canada, mais surtout, elles sont 3ème au classement de la FIFA ! Là où les Bleus avaient lamentablement échoués en Afrique du Sud, l'année d'après (2011 donc), les Bleues, elles, étaient en demi-finale, dont la retransmission avait atteint le record d'audience, battu seulement en Janvier dernier par le match de handball France-Espagne du Mondial Qatari.
Laura Georges et Eugénie Le Sommer font partie d'une excellente équipe de France de football féminin.
FRANCK FIFE / AFP
Depuis un an, l'équipe de France, entraînée par Philippe Bergeroo, a battu toutes les grandes nations du foot féminin : la Suède en février 2014 (3-0), l'Allemagne (double champion du monde 2003 et 2007) en octobre 2014 (2-0), le Brésil (finaliste du Mondial 2007) en novembre 2014 (2-0) ainsi que les Etats-Unis (double champions du monde 1991 et 1999) en février 2015 (2-0) et le tenant du titre japonais en mars 2015 (3-1).
Avec de tels résultats, il est assez énorme de voir qu'on les traite encore simplement comme "des femmes". Voilà, ce ne sont pas des joueuses, ce sont des femmes en tenue de foot. Sérieusement ? Oui, si on en croit Metronews qui, non content de survoler le sujet, appâte ses lecteurs en promettant moult photos des "plus belles joueuses de la Coupe du monde féminine". Ah oui, là ça parle bien de joueuses, on progresse. Mais pourquoi limiter ces joueuses à leur beauté, chose que la publication ne fait pas avec ces messieurs, sans parler de ce qu'elles font sur le terrain ?
C'est que ce doit être dur d'admettre que ces joueuses redonnent au football ses lettres de noblesse : elle jouent un "football fair-play" et plus technique, elle ne se roulent pas dans la pelouse au moindre bobo, elle se donnent à fond alors même qu'elles sont payées au lance-pierre (par rapport aux hommes), leurs actions sont belles et elles savent tout autant que les hommes faire des buts spectaculaires.
Nuançons tout de même les choses : la visibilité et la médiatisation du football féminin progresse, dans le bon sens (au point que le jeu vidéo FIFA16 va enfin accueillir des équipes féminines !), sans aucun doute grâce aux bons résultats et au fait qu'elles font parler d'elles, comme le montre Laura George pour Le Monde, assurant que le foot féminin est un "sport à la mode" qu'il faut encourager. Je ne peux qu'être d'accord.
Il faut oublier, enfin, cette histoire de "ce sport est pour les garçons". Dans l'absolu, aucun sport ne devrait être réservé aux filles ou aux garçons, la mixité dans les compétitions internationales le prouve. A part pour la natation synchro ... mais bon. Tenez, prenez l'équitation : j'entend souvent que ce sport c'est un "truc de fille" mais savez-vous que si effectivement ce sport compte 80% de femmes, à très haut niveau ce sont pourtant les hommes qui dominent (avec par exemple 100% d'hommes pour l'équipe de France d'attelage) ? Pauvres clichés ...Et les tendances de tous les sports vont dans le sens d'une augmentation des femmes : entre 2008 et 2014, la D1 du foot féminin comptait 14% de femmes en plus, et le Top8 du Rugby (équivalent du Top14) était augmenté de 18% de joueuses !
Il y a aussi cette histoire débile comme quoi une footballeuse est forcément lesbienne. Alors oui, il y a tout pleins de lesbiennes chez les footballeuses. Il y en a aussi côté footballeurs, simplement eux, ne s'assumant qu'en fin de carrière en général (ou pas du tout) forcément, ça se voit moins. Mais il y a aussi énormément d'hétéros. Tiens, dans mon équipe, quand je jouais : sur les 15 à 17 joueuses, il y avait quoi ... allez, une ou deux lesbiennes à tout casser. Non, jouer à un sport dit "de mec" ne fait pas de nous des lesbiennes. D'ailleurs en dehors du terrain, certaines pouvaient être diablement féminines, au point que personne n'aurait pu dire quel sport elles pratiquaient. Donc voilà, rien à voir, faire du foot ne nous prive pas de notre féminité. J'aurais même tendance à dire que c'est tout le contraire. Tout comme faire de la danse ou de la gymnastique ne rend pas les garçons homo. Tout comme le rugby c'est pas que pour les boeufs bourrins. Tout comme le golf et l'équitation ne sont pas des sports que pour les riches, ni que la pétanque est un sport de poivrots ou uniquement pour les gens du sud (ni un sport "de français" d'ailleurs, certains des meilleurs joueurs étant belges ...). Les clichés, ça va bien cinq minutes.
Pour finir, je n'aurais qu'une chose à dire : faites le sport que VOUS voulez, dans lequel VOUS vous sentez bien, épanoui, heureux, qui VOUS plaît vraiment.
Et pour regarder les Bleues et leurs adversaires pendant le Mondial 2015, c'est :
- Par ici sur le site officiel de la FIFA
Sur quelques chaînes de TV françaises :