je voudrais anticiper sur le jour des révélations
(Joseph de Maistre, Soirées de Saint-Pétersbourg,
Xe entretien, Œuvres Complètes, t. V, Vitte, 1884, p. 172.)
L'ensemble de l'œuvre de Joseph de Maistre, s'éclaire donc d'un jour nouveau lorsque l'on effectue ce rapprochement avec la doctrine de l'illuminisme, et l'on est très souvent frappé par l'étroite intimité des points de vue, des analyses et des certitudes, au point que Maistre peut apparaître à bon droit, comme un authentique " Prophète " de ce christianisme original qu'il désigna lui-même comme un " christianisme transcendant " [3].
Sous cette appellation, c'est toute la perspective métaphysique de l'illuminisme mystique, état de rupture de l'homme déchu en quête de l'Unité perdue, qui se trouve traduite et développée, avec un rare talent, il est vrai, et un style magnifique, sous la plume de Maistre au fil de ses écrits.
II. Joseph de Maistre et Louis-Claude de Saint-Martin
Maistre sans connaître encore Saint-Martin, avait copié de sa main, trois discours aux initiés lyonnais, au titre suivants :Les deux hommes, comme on peut l'imaginer, échangent longuement sur de nombreux sujets. En 1793, Maistre dira d'ailleurs, dans son " " Les voies de la Sagesse ", " Mémoire "à Vignet des Etoles, : " M. de Saint-Martin est un gentilhomme français de 35 à 40 ans, de mœurs fort douces et infiniment aimable. Je le connais. On n'aperçoit rien d'extraordinaire dans ses manières ni dans sa conversation ".[6] Les lois temporelles de la justice divine ", le " Traité des bénédictions " ; Maistre nous dit, dans son " Journal inédit " en date du 4 décembre 1797, " j'ai consacré trente huit heures et treize minutes à cette transcription. " [5]
Maistre poursuit ses lectures et se plonge dans les écrits Eckartshausen, recopiant directement en allemand des passages entiers de " Jacob Boehme (1575-1624) que lui fait découvrir Saint-Martin, il s'ouvre également avec enthousiasme à La Nuée sur le Sanctuaire ". Emmanuel Swedenborg (1688-1772), l'auteur de la " Nouvelle Jérusalem ", et étudie avec attention Karl von
III. Des liens étroits avec l'illuminisme mystique
a) Un franc-maçon du Régime écossais rectifié en exilSouffrant en son encontre d'une certaine suspicion, de par ses nombreuses et " quasi " publiques attaches maçonniques, Maistre s'en ouvre à un ami, Il lui fait donc parvenir un " Vignet des Etoles, de manière à être blanchi des reproches dont on l'accuse à tort. Mémoire " retraçant l'ensemble de son parcours initiatique, texte qui nous est précieux rétrospectivement pour la connaissance qu'il nous donne des profonds rapports établis par Maistre avec le monde des loges de 1774 à 1792.
Il serait toutefois illusoire d'imaginer, comme de pieux auteurs le soutiennent un peu rapidement, que les relations maçonniques de Joseph de Maistre cessèrent par injonction de sa Majesté Victor-Amédée III.
I l est avéré par exemple que Maistre est en rapport de 1794 à 1795 avec Henri de Cordon, chanoine de Saint-Jean, comte de Lyon, ecclésiastique Grand Profès du Régime écossais rectifié, qui fut délégué de la province de Bourgogne au Convent des Gaules en 1778. Il est lié également, dès son arrivée en avril 1793, à la loge de Lausanne.
b) Un initié au sein de l'illuminisme mystique
Il ne faut pas, par ailleurs oublier, que la Suisse était à cette
D'autre part on sait de manière certaine aujourd'hui que Maistre magnétisait, et s'exerçait sérieusement à développer ses " dons " fluidiques auprès de ses amis émigrés royalistes.
Il dévore " Le Nouvel Homme " de Saint-Martin, se plonge dans
IV. Influence de la pensée d'Origène chez Joseph de Maistre
Joseph de Maistre déclarait dans son Mémoire au duc de Brunswick (1781), qu'il espérait " ajouter au Credo quelques richesses ", et il ne fait aucun doute, comme on le constate, que ces richesses provenaient des différentes " lumières " reçues au sein du monde de l'illuminisme mystique.
En effet, celui qui allait devenir le lecteur assidu de Clément d'Alexandrie (v.150-v.215) et d' Origène (v.185-v.252), trouva en effet dans le Régime écossais rectifié dont il fut membre en à Chambéry en Savoie jusqu'en 1792, une doctrine qui allait s'accorder à merveille avec les propres convictions qu'il arrêtera par la suite à la lecture de certains auteurs des premiers siècles du christianisme, et qui lui donna accès à des connaissances surprenantes au sujet de la création du monde, le sens spirituel des Écritures, de l'ordre naturel et surnaturel, et sur bien d'autres points encore.
Ceci l'amenant d'ailleurs à affirmer : " Le christianisme dans les premiers temps, était une vraie initiation, où l'on dévoilait une véritable magie divine. " ( Mélanges B). Il en conclut donc dans ses registres, ce qui apparaît à l'évidence lorsqu'on examine sérieusement le sujet, que la doctrine d'Origène relativement à la chute d'Adam et l'origine du monde matériel, " est encore aujourd'hui la base de toutes les initiations modernes. " ( Ibid.).
Ainsi, l'examen des registres inédits de Maistre, nous montre que la découverte d'Origène date de 1797, année où il copia et annota de nombreuses pages du Père alexandrin ( Mélanges B, pp. 51 ss.). Maistre le désigna alors comme " l'un des plus sublimes théologiens qui aient jamais illustré l'Église ", mais cette date de 1797, prouve éloquemment, que la rencontre avec Origène s'est produite bien après la période initiatique au sein du système willermozien, où le comte chambérien accéda aux Instructions secrètes, réservées aux Profès et Grands Profès, qui exposent une doctrine en tous points identique aux thèses du Traité des Principes.
Dans les registres conservés, sous les titres de Mélanges A et B, Religion E, Extraits E et F, - que nous publions sous le titre de " Pensées inédites sur l'initiation ", dans le " Joseph de Maistre, prophète du christianisme transcendant " [11] -, sont dévoilées les multiples références à la pensée d'Origène, dont en particulier le passage suivant, mettant en lumière le lien entre la conception d'Origène, considérant que la création du monde matériel ne fut pas produit par l'effet de la bonté de Dieu, mais est une conséquence de la Chute, ayant entraîné les âmes à être enfermées dans des corps de matière : " Saint Augustin ( Cité de Dieu, XI, 23) a mal compris Origène [12], quand celui-ci dit que la cause de la matière est non la bonté de Dieu seule, mais que les âmes, ayant péché en s'éloignant de leur créateur, ont mérité d'être enfermées en divers corps comme dans une prison selon la diversité de leurs crimes, et que c'est là le monde (matériel) qu'ainsi la cause de sa création (du monde physique) n'a pas été pour faire de bonnes choses, mais pour en empêcher de mauvaises. L'opinion dont il s'agit n'a rien de commun avec le manichéisme. On peut observer qu'elle est encore aujourd'hui la base de toutes les initiations modernes. " (2 décembre 1797, Mélanges B, p. 302).
Maistre résume donc ainsi sa conviction à propos du christianisme primitif, suite à sa lecture d'Origène: " Le christianisme dans les premiers temps était une initiation où l'on dévoilait une véritable magie divine. " (Mai 1797, Mélanges B, p. 518).
Pour lui les contradictions, les crises, les égarements, l'aveuglement manifeste des hommes, témoignent de la domination du mal qui a blessé et abîmé
Maistre pense que puisque plus rien n'est situé à la place qui est la sienne, puisque nulle chose n'est là où normalement elle devrait être, tout est mal, tout est sous l'emprise universelle de la Chute, tout vit courbé, ployant sous le poids de la corruption et du vice. Comme le rappelle l'Ecclésiaste : " Il n'y a point de juste sur terre " ( Eccl. VII, 20). Pour le dire clairement, à présent, toute forme d'existence est concrètement " animée ", et ce dès sa conception, par le père du mensonge. Maistre affirme : " Le mal a tout souillé, et dans un sens très vrai tout est mal puisque rien n'est à sa place. (...) Tout les êtres gémissent et tendent avec effort vers un autre ordre des choses. " ( Oeuvres Complètes, t. I, p. 39).
Le mal correspond ainsi à la rupture de l'ordre primitif et son essence s'exprime par l'oeuvre de division accomplie contre " l'Unité " située à la base et au fondement invisible du Principe. Le mal est venu rompre l'harmonie céleste du " Royaume de Dieu ", ce qui fait que depuis ce moment terrible subsiste une fracture permanente, une lutte entre deux forces antagonistes qui se livrent un combat impitoyable, Maistre écrit : " Il n'y a rien de si évident dans l'univers que l'existence de deux forces opposées qui se contrarient sans relâche. Il n'y a rien de bon que le mal ne souille et n'altère... " ( Mélanges B (inédit), p. 303 ; 22 oct. 1797).
. " (
La matière est donc, en quelque sorte, le résultat d'une dégradation, la conséquence d'une faute, une authentique prison dont il convient de travailler à s'extraire en se réconciliant avec Dieu, en œuvrant courageusement à " réintégrer " notre véritable condition première et originelle dont nous avons été malheureusement déchus. Les âmes souffrent de cet enfermement au sein de la matière, elles endurent leur douloureuse soumission à l'empire du temps, elles sont condamnées à expier leur faute dans le plus total des isolements ; supportant avec difficulté la division elles n'ont pas d'autre désir plus impératif que de retourner à " l'Unité ".
Il est donc tout à fait significatif de voir considérer, à la suite des penseurs du courant illuministe et dans le prolongement de son attachement à la pensée d'Origène dont on sait sa distance d'avec une approche littérale de l'Écriture, que les dogmes fixés par l'Église sont issus d'une contrainte de l'Histoire, et qu'ils constituent même une sorte " d'obstacle ", de barrière réelle à la transmission vivante de la Foi, qui serait " Joseph de Maistre mille fois plus angélique " sans les définitions dogmatiques.
Maistre rajoute : " Après avoir entendu la Sagesse des nations, il ne sera pas inutile, je pense, d'entendre encore la philosophie chrétienne. Il eût été sans doute bien à désirer, a dit le plus éloquent des Pères grecs [ ndr. s. Jean Chrysostome], que nous n'eussions jamais eu besoin de l'écriture, et que les préceptes divins ne fussent écrits que comme ils le sont par l'encre dans nos livres; mais puisque nous avons perdu cette grâce par notre faute, saisissons donc, puisqu'il le faut, une planche au lieu du vaisseau, et sans oublier cependant la supériorité du premier état. Dieu ne révéla jamais rien [par écrit] aux élus de l'Ancien Testament ; toujours il leur parla directement, parce qu'il voyait la pureté de leurs cœurs ; mais le peuple hébreu s'étant précipité dans l'abîme des vices, il fallut des livres et des lois. La même marche s'est renouvelée sous l'empire de la nouvelle révélation ; car le Christ n'a pas laissé un seul écrit à ses apôtres. Au lieu de livres il leur promit le Saint-Esprit. C'est lui, leur dit-il, qui vous inspirera ce que vous aurez à dire. " [14]
Cette conception d'un christianisme non-dogmatique, laissé à l'inspiration de " l'Esprit ", pourrait apparaître assez étonnante sous la plume de Joseph de Maistre, or, il n'en est rien, c'est au contraire le témoignage du plus profond de sa pensée à l'égard d'une religion qu'il souhaite purifiée, dépouillée de tous les artifices, une religion de la relation immédiate à la " Transcendance ", ce en quoi consiste, effectivement, le " christianisme transcendant " dont il se fait le chantre, et d'une certaine manière le " Prophète ", en prédisant son avènement prochain.
et le royaume de Dieu arrivera sur la terre comme au ciel."
C'est ce que décrivit parfaitement Émile Dermenghem (1892-1971), lors de la publication en 1928, de son Joseph de Maistre Mystique : " C'est une idée analogue que Joseph de Maistre suggère lorsqu'il parle des" habits de peau " (note 3. Soirées, IIe entr., p. 292). La Genèseappellerait ainsi selon l'interprétation théosophique, les corps matériels actuels dont Adam et Eve furent revêtus après la chute. Il évoque de même la réunion des sexes dont la dualité fut une conséquence du Mal. Jésus-Christ, note-t-il(note. 1., p. 293) Mélanges A(inédit), p. 580), reviendra et règnera sur la terre, selon saint Clément, contemporain des Apôtres, ''Lorsque ce qui est en dehors, (...) lorsque la vie ou la génération extérieure sera devenue semblable à la vie intérieure ou angélique. Alors il n'y aura qu'une naissance. Il n'y aura plus de sexe. Le mâle et la femelle ne feront qu'un et le royaume de Dieu arrivera sur la terre comme au ciel." Clément d'Alexandrie (note. 2. Avec le mystique anglais Law, The spirit of prayer, 1 repartie, p. 86-87. Il cite aussi Maïmonide, et Platon (l'homme double du Banquet). Cf. ci-dessus, IIIe partie, chap. I), ajoute Maistre, cita ces paroles dans le siècle suivant avec quelques altérations ; il cite une réponse semblable du Sauveur à Salomé qui lui faisait même question : ''Lorsque vous aurez déposé le vêtement cde honte et d'ignominie (il s'agit évidemment du corps actuel) ; lorsque les deux deviendront uns, que le Mâle et la Femelle seront unis et qu'il n'y aura plus homme ni femme.'' Et Maistre commente : ''Lorsque ce qui est en dehors, etc..., c'est-à-dire lorsque la vie ou la génération extérieure sera devenue semblable à la vie intérieure ou angélique. Alors il n'y aura qu'une naissance. Il n'y aura plus de sexe. Le mâle et la femelle ne feront qu'un et le royaume de Dieu arrivera sur la terre comme au ciel." " [15]
" Le christianisme, tel que nous le connaissons,
De ce fait Maistre déclare : " Le christianisme, tel que nous le connaissons, est au véritable christianisme ou christianisme primitif, base de toutes leurs spéculations, ce qu'une loge bleue, autrement nommée loge d'apprentis et compagnons dans la franc-maçonnerie ordinaire, est à une loge de hauts grades. Ce christianisme réel, désigné chez les Allemands par le nom de ''christianisme transcendant'', est une véritable initiation ; il fut connu des chrétiens primitifs, et il est accessible encore aux adeptes de bonne volonté. Ce christianisme révélait et peut révéler encore de grandes merveilles, et il peut non seulement nous dévoiler les secrets de la nature, mais nous mettre même en communication avec les esprits. " [16]
l'
théologien, membre du Consistoire de Hesse-Darmstadt,
, 1803) - et dont il n'ignore évidemment ni l'identité, ni le lien qui fut le sien avec la franc-maçon, créateur des " : "
Ce qu'exprime le livre de Starck - un que des théosophes comme Augustin Barruel, tout en confirmant ses préventions à l'égard des disciples d' qui ne sera publié qu'à titre posthume par son fils Rodolphe, en 1859, et qui expose de manière remarquable la pensée du comte chambérien au sujet de la nature, des sources et de " l'objet " réel auquel se consacrait la franc-maçonnerie mystique fondée sur le " " [Les martinistes et illuministes] Johann August von christianisme transcendant ". Cette analyse, dans laquelle fut éclairée la position du rapportent tout à l'amour de Dieu, et quoique ce principe excellent soit mêlé chez eux à beaucoup d'alliage plus ou moins répréhensible, il suffit cependant pour leur rendre excessivement chers les écrivains mystiques de l'Église romaine. Ce sont leurs guides et leurs oracles (Sainte Thérèse, saint François de Sales, Fénelon, madame Guyon, etc.). Ils pensent assez communément que les chrétiens de toutes les communions sont sur le point de se réunir sous un chef qui, suivant l'opinion de plusieurs, doit résider à Jérusalem.(...) Ce même système s'oppose à l'incrédulité générale qui menace tous ces pays ; car, enfin, il est chrétien dans toutes ses racines ; il accoutume les hommes aux dogmes et aux idées spirituelles ; il les préserve d'une sorte de matérialisme pratique très remarquable à l'époque où nous vivons, et de la glace protestante, qui ne tend à rien moins qu'à geler le cœur humain. Quant aux martinistes mitigés et aux piétistes qui se bornent à attendre des merveilles, à spéculer sur l'amour divin et sur le règne de l'intérieur, il ne paraît pas que Sa Majesté Impériale ait rien à craindre politiquement de la part de ces hommes..." (Cf. Quatre Chapitres inédits sur la Russie, ch. IV " De l'Illuminisme ", 1859). martinisme dans son rapport à la doctrine de Martinès de Pasqually, en établissant un lien avec le piétisme, est absolument essentielle
Par ailleurs, ce qui est tout à fait connu et notoire aujourd'hui, c'est que sa nomination comme ambassadeur à Saint-Pétersbourg, poste qu'il occupera de 1803 à 1817, lui fournira l'occasion d'entretenir de nombreux rapports avec la très florissante maçonnerie Russe et l'important milieu théosophique de ce pays.
X. ThéocratieSur le plan "métapolitique", ce qui signifie selon la conception maistrienne une dimension purement "" Providentialiste" de l'Histoire dans laquelle c'est Dieu qui intervient directement dans les événements qui surviennent au cours du temps, parfois sous la forme de châtiments sévères infligés aux Princes et aux Nations lorsqu'ils s'éloignent des principes sacrés et transcendants - métapolitique qui pour lui était inséparable d'une perspective théologique et eschatologique -, Maistre considérait que le monde devait se conformer aux enseignements de la Révélation divine, unique fondement des lois. Il écrit d'ailleurs de manière assez catégorique : On ne peut attaquer une vérité théologique sans attaquer une loi du monde " ( Du
pour se voir dévolu l'archétype éternel du Saint Empire."
Ainsi l'insistance sur l'infaillibilité, source de toute souveraineté légitime, qui fait l'objet d'un" On notera à ce propos que
" Le livre du Pape par M. le Comte de Maistre est bien bon à méditer ."
(Fonds Willermoz, BM de Lyon, MS 5898).
Enfin, est intéressant de souligner sur ce sujet, que Jean-Baptiste Willermoz - assidu aux réceptions et deux lettres, l'une du 8 octobre 1820 et l'autre du 18 juin 1821, envoyées par un certain Raimond, Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte, à Willermoz, dans lesquelles on peut lire, dans la première des deux : "
Ces jugements, destinés à Willermoz, et émanant de la plume d'un initié, sont, nous semble-t-il, la meilleure et plus pertinente illustration qu'il se puisse se donner, " symboliquement ", à un examen des rapports existant entre Maistre et le courant de la maçonnerie écossaise au XVIIIe siècle, démontrant ainsi l'admirable intimité de cette œuvre avec la doctrine de l'illuminisme, dont on pourrait dire qu'elle en est, dans une langue que tous s'accordent à reconnaître comme étant d'une exceptionnelle pureté et beauté de style, la plus parfaite et pénétrante traduction de ces fondements essentiels jamais écrite jusqu'à ce jour.
Joseph de Maistre, après une vie entièrement consacrée à la recherche de la "Vérité", s'éteignit le 26 février 1821 ; s a dépouille, en forme d'hommage posthume, comme on le faisait uniquement pour les membres de la Compagnie de Jésus, fut solennellement et pieusement déposée dans la crypte de l'église des martyrs, chapelle nécropole des jésuites à Turin.
Le gouvernement de la Divine Providence, la compréhension métaphysique de la Chute originelle et l'analyse de ses conséquences aboutissant à la nécessaire mise en œuvre du travail de " Réintégration ", la perspective eschatologique devant nous conduire au pieds de la Sainte Montagne portant en son sommet l'Agneau de Dieu ( Agnus Dei), d'où se manifestera à la fin des temps la Jérusalem Céleste, la doctrine de Joseph de Maistre, exposée dans son œuvre est celle qu'il reçut dans les cercles initiatiques dirigés, de Lyon, par Jean-Baptiste Willermoz dans lesquels il n'a trouvé selon ses propres paroles : " que bonté, douceur et piété même à leur manière. " ( Soirées XIe Entretien).
L'attente de cette religion renouvelée inspire ces lignes à Maistre, où tel un visionnaire, il annonce : " Pour hâter ces temps libérateurs, Maistre, en forme d'instante prière, déclare : " Plus que jamais nous devons nous occuper de ces hautes spéculations, car il faut nous tenir prêts pour un événement immense dans l'ordre divin, vers lequel nous marchons avec une vitesse accélérée qui doit frapper tous les observateurs. Il n'y a plus de religion sur terre: le genre humain ne peut demeurer dans cet état. Des oracles redoutables annoncent d'ailleurs que Cédons à l'amour et entrons dans la voie royale qui aboutit à la Cité Sainte. "
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1 - Joseph de Maistre, prophète du " christianisme transcendant "
1. Note de Joseph de Maistre, 1816. Dossier " Illuminés ", archives du comte Rodolphe de Maistre.
2.J. Rebotton, Introduction, in. Joseph de Maistre, Oeuvres, vol. II, op. cit, p. 27.
3. Lorsque Maistre écrit dans le XIe Entretien des ", que l'on trouvait sous la plume de certains auteurs du courant illuministe. On pourrait donc penser que Maistre adopte le terme " La résolution de la difficulté nous est cependant fournie par un autre texte de Maistre qui n'était pas destiné à la publication, à savoir les " Maistre fait donc bien référence dans les Soirées, à un, lorsqu'il parle du christianisme " transcendantal ", la suite est importante Soirées en évoquant le christianisme professé par les illuminés allemands : " C'est ce que certains Allemands ont appelé le christianisme transcendantal. Cette doctrine est un mélange de platonisme, d'origénianisme et de philosophie hermétique, sur une base chrétienne ", il traduit l'expression d'outre-Rhin : " Transzendental Christentum transcendantal ", avec toutes les implications philosophiques afférentes signalées par le dictionnaire, et dont les " transcendantaux " en métaphysique offrent un déploiement sémantique et herméneutique d'une prodigieuse richesse, qui fut d'ailleurs largement utilisée par Emmanuel Kant (1724-1804). Quatre chapitres inédits sur la Russie " - issus de pages confidentielles édités par le fils de Joseph Maistre, le comte Rodolphe de Maistre, à titre posthume à Paris, (Librairie Auguste Vaton, 1859). Voici ce qu'on peut y lire : " Ce christianisme réel, désigné chez les Allemands par le nom de " christianisme transcendant " : " connu des chrétiens primitifs, et accessible encore aux adeptes de bonne volonté ". christianisme transcendant, est une véritable initiation ; il fut connu des chrétiens primitifs, et il est accessible encore aux adeptes de bonne volonté. " (Cf. Quatre chapitres sur la Russie, chapitre quatrième, " De l'illuminisme ", op.cit., pp. 91-128).
4. Une étude de Dominique Clérembault sur le siteCes liens doctrinaux et spirituels furent mis en lumière, non seulement par les biographes de Joseph de Maistre depuis sa disparition, mais également, et c'est ce que fait apparaître cette étude, par Maistre lui-même dans certains de ses ouvrages. Voici ce qu'écrit Dominique Clairembault : " Philosophe Inconnu, en trois parties, montre les liens
5. Dermenghem, Joseph de Maistre Mystique, éditions du vieux colombier, Paris, 1948, p. 46.
7. et de , l' (
. Froidefont, Théologie de Joseph de Maistre, Éditions Classiques Garnier, 2010, pp. 14-15.
9. R. Triomphe, Joseph de Maistre. Étude sur la vie et sur la doctrine d'un matérialiste mystique, Droz, 1968, p. 438.
10. Voir J.-M. Vivenza, La doctrine de la réintégration des êtres, La Pierre Philosophale, 2 Joseph de Maistre et le Régime Écossais Rectifié, Dossier H, l'Âge d'Homme, 2005. ème édition, 2013, ainsi que
11. En 1922, dans . Ces fragments n'avaient depuis jamais été réédités, malgré leur valeur de premier ordre dans la compréhension de la pensée maistrienne. Comme le rappelle É. Dermenghem : " parcours cette immense collection''(...) Le Correspondant, Émile Dermenghem (1892-1971) publiait des " fragments inédits " Joseph de Maistre fait allusion, au début du neuvième entretien des Soirées de Saint-Pétersbourg à "ces volumes immenses " où il écrivait, "depuis plus de trente ans", tout ce que ses lectures lui présentaient de plus frappant. ''Quelquefois, dit-il,
12. Saint Augustin écrit à propos d'Origène : " Ils prétendent que les âmes, dont ils ne font pas à la vérité les parties de Dieu, mais ses créatures, ont péché en s'éloignant de leur Créateur; qu'elles ont mérité par la suite d'être enfermées, depuis le ciel jusqu'à la terre, dans divers corps, comme dans une prison, suivant la diversité de leurs fautes; que c'est là le monde, et qu'ainsi la cause de sa création n'a pas été de faire de bonnes choses mais d'en réprimer de mauvaises. Tel est le sentiment d'Origène, qu'il a consigné dans son livre ''Des principes''. " (S. Augustin, La Cité de Dieu, XI, 23).
13. J. de Maistre, Essais sur le principe générateur des constitutions politiques et des autres institutions humaines, 1809 .
15. Émile Dermenghem, Joseph de Maistre Mystique, La Colombe, op. cit., pp. 292-293.
16. J. de Maistre, Quatre chapitres inédits sur la Russie, Publiés par son fils le comte Rodolphe de Maistre. Paris. Librairie d'Aug. Vaton, éditeur, rue du Bas, n° 50 - 1859.
18. Voici ce qu'expliqua Johann August von Starck concernant le projet d' Adam Wesihaupt et des
19. G. Durand, Un Comte sous l'acacia : Joseph de Maistre, Editions Maçonniques de France, 1999, p. 107.
20. Il est, à juste titre, significatif que la phrase de l'épigraphe qui figure sur la page de garde du livre " Du Pape ", ne soit pas celle d'un Père de l'Eglise où d'un pieux auteur, mais paradoxalement extraite du poème homérique " l'Iliade ", phrase révélant nettement la pensée intérieure du comte savoisien, indiquant sans détour :
Au sujet des conceptions " théocratiques " de Joseph de Maistre et Louis-Claude de Saint-Martin, voir : Appendice V. La théocratie selon Joseph de Maistre et Saint-Martin, in J.-M. Vivenza, L'Église et le sacerdoce selon Louis-Claude de Saint-Martin, La Pierre Philosophale, 2013, pp. 393-415.
22. J. de Maistre, Soirées de Saint-Pétersbourg , XIe Entretien, 1821.