Droit maritime européen (avec de vrais morceaux de plage paradisiaque)

Publié le 03 juin 2008 par Duncan
 CJCE, arrêt du 3 juin 2008, Intertanko et al., Aff. C-308/06.
Les occasions sont rares de s'intéresser à la législation communautaire en matière de droit maritime.
Deux questions se posaient dans cette affaire introduite suite à une question préjudicielle en appréciation de validité (article 234 CE):
  1. Peut-il y avoir un contrôle de la validité de la  directive 2005/35, relative à la pollution causée par les navires et à l'introduction de sanctions en cas d'infractions, par rapport à la Convention de Montego Bay et la Convention Marpol 73/78?
  2. Cette directive enfreint-elle un principe général de sécurité juridique en employant les termes "négligence grave" à l'article 4 de la directive.
En photo: Montego Bay!

Sur la première question, la Cour de Justice rappelle les deux conditions nécessaires afin que la validité d'un acte de droit dérivé puisse être contrôlé à l'aune du droit international.
Tout d'abord, la Communauté doit être liée par ces règles.
Ensuite, a Cour ne peut procéder à l’examen de la validité d’une règlementation communautaire au regard d’un traité international que lorsque la nature et l’économie de celui-ci ne s’y opposent pas et que, par ailleurs, ses dispositions apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises.
Sur la convention Marpol, la Cour constate que la Communauté n'est pas liée par celle-ci. L'ensemble des Etats membres sont certes parties à la Convention, "cependant, en l’absence d’un transfert intégral des compétences précédemment exercées par les États membres à la Communauté, cette dernière ne saurait, en raison du seul fait que tous ces États sont parties contractantes à la convention Marpol 73/78, être liée par les règles figurant dans celle-ci, qu’elle n’a pas elle-même approuvées" (point 49).
Sur la Convention de Montego Bay, bien que la Communauté soit dans ce cas liée, la Cour va malgré tout écarter la possibilité d'apprécier la validité de la directive par rapport à la dite Convention car celle-ci "ne met pas en place des règles destinées à s’appliquer directement et immédiatement aux particuliers et à conférer à ces derniers des droits ou des libertés susceptibles d’être invoqués à l’encontre des États, indépendamment de l’attitude de l’État du pavillon du navire" (point 64).
La deuxième grande question portait sur le contrôle de l'article 4 de la directive par rapport au principe de sécurité juridique.
La Cour rappelel que "le principe général de sécurité juridique, qui constitue un principe fondamental du droit communautaire, exige, notamment, qu’une réglementation soit claire et précise, afin que les justiciables puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence" (point 69).
In casu, la Cour constate que "que l’article 4 de la directive 2005/35, lu en combinaison avec l’article 8 de cette dernière, oblige les États membres à sanctionner les rejets par des navires de substances polluantes s’ils ont été commis «intentionnellement, témérairement ou à la suite d’une négligence grave», sans définir pour autant ces notions". Toutefois, il importe selon elle "de souligner, tout d’abord, que ces différentes notions, notamment celle de «négligence grave» visée par les questions posées, correspondent à des critères d’engagement de la responsabilité ayant vocation à s’appliquer à un nombre indéfini de situations qu’il est impossible d’envisager à l’avance et non à des comportements précis susceptibles d’être détaillés dans un acte normatif, de droit communautaire ou de droit national" et qu'il "convient de constater que ces notions sont pleinement intégrées et utilisées dans les systèmes juridiques respectifs des États membres" (points 72 à 74).
Il n'y a dès lors pas de violation dudit principe et donc aucun élément permettant de remettre en cause la validité de la directive.