Pour sauver l’euro, et les choix démocratiques, il faut une zone euro décentralisée par Philippe Legrain

Publié le 06 juin 2015 par Blanchemanche
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Quelles réformes nécessaires pour une Europe décentralisée respectueuses des choix démocratiques ?Il n’y a pas besoin de grands changements institutionnels pour résoudre la crise actuellement en cours dans la zone euro. En effet, ce qui est strictement nécessaire, c’est dans un même temps, de restructurer les banques et les dettes (principalement privées, parfois publiques) et de soutenir la demande intérieure dans la zone euro, en permettant ainsi un ajustement structurel équilibré de la zone monétaire dans son ensemble. Concrètement, ceci signifie des mesures visant à accroître les investissements et des réformes axées sur le renforcement de la productivité – plutôt que celui de la «compétitivité» grâce à la modération salariale – tandis que l’Allemagne et les autres pays excédentaires joueraient leurs rôles dans cet ajustement en stimulant véritablement leurs demandes intérieures. Ces politiques auraient pu être mis en œuvre dès 2010 dans le système institutionnel en place à l’époque, et de la même manière, pourraient l’être aujourd’hui.Mais pour que l’euro fonctionne mieux à l’avenir, des changements importants de gouvernance sont nécessaires. Malheureusement, sur ces questions, la zone euro a pris un mauvais virage pendant la crise. Les intérêts des banques allemandes et françaises ont été systématiquement privilégiés par rapport à l’intérêt général des citoyens de la zone euro. En effet, les mauvais prêts de ces banques dans d’autres pays, qui sont à l’origine de la crise, se sont transformés en obligations financières entre Etats de la zone euro. C’est pourquoi la zone euro est maintenant déchirée entre pays créanciers – principalement l’Allemagne – et pays débiteurs, les institutions européennes devenant les instruments des créanciers pour imposer leur volonté aux pays débiteurs. La règle du «non-renflouement» («no-bailout») a été violée lors du renflouement des créanciers étrangers de la Grèce devenue insolvable. Cette violation a accru le sentiment des contribuables allemands d’être responsables des dettes de tout le monde, conduisant de fait à une centralisation économique inflexible et politiquement dangereuse des politiques fiscales et budgétaires à Bruxelles (par les procédures de contrôle). Les dangers d’avoir une banque centrale excessivement indépendante avec un biais naturellement déflationniste, agissant le plus souvent en dehors de son mandat, et d’une manière ouvertement politique, se sont également révélés.En principe, transformer la zone euro en un gouvernement plus fédéral sur les aspects financiers serait logique. Ceci impliquerait la création d’un Trésor de la zone Euro avec un budget qui lisserait automatiquement les périodes de reprise et de ralentissement économique dans la zone euro, et qui pourrait également fournir une relance budgétaire discrétionnaire si nécessaire. Mais ceci est politiquement irréalisable pour le moment.Une meilleure option, plus pragmatique, réside dans une zone euro décentralisée. Il s’agirait de combiner le strict minimum d’intégration nécessaire pour renforcer la zone euro avec beaucoup plus de souveraineté des autorités nationales sur la politique budgétaire et fiscale et donc un choix plus démocratique.Mais même dans une union monétaire décentralisée, les questions financières ne peuvent pas être correctement traitées localement. La zone euro a besoin d’une union bancaire réelle et complète, avec des règles communes plus strictes, une autorité de supervision bancaire unique véritablement indépendante et un mécanisme commun efficace pour la restructuration et la résolution des risques systémiques financiers dans la zone euro qui ne sollicite pas au coup par coup les contribuables.Idéalement, le superviseur de toutes les banques de la zone euro devrait être une autorité autre que la BCE, qui s’est révélée prompte à défendre les intérêts du monde financier et du système bancaire. L’autorité de résolution pourrait ainsi être calquée sur la Federal Deposit Insurance Corporation des États-Unis (FDIC).La règle de non-renflouement serait rétablie et, avec elle, une plus grande liberté pour les gouvernements nationaux de répondre aux diverses situations économiques et à l’évolution des choix politiques, contraints par la volonté des marchés à leur prêter et, finalement, par la possibilité de défaut.Pour éviter les crises de liquidité, la BCE serait mandatée pour agir comme un prêteur de dernier ressort aux gouvernements solvables. Pour faire face aux crises de solvabilité, les dettes gouvernementales seraient restructurées rapidement, idéalement avec un mécanisme indépendant créé dans ce but, avec le FMI plutôt que le mécanisme européen de stabilité (MES) fournissant alors des prêts conditionnels jusqu’à ce qu’un gouvernement retrouve l’accès au marché.Puisque les gouvernements solvables seraient ainsi protégés contre une attaque sur leurs obligations par la BCE, les « effets de contagion » pourraient rapidement être contenus. Les banques qui ont été ruinées par une restructuration des dettes souveraines devraient être recapitalisées par leurs créanciers (si viable) ou fermées (sinon). Ce serait une incitation pour les banques à détenir moins d’obligations du gouvernement en premier lieu.Idéalement, la BCE serait également réformée. Son statut pourrait être réécrit pour stipuler que son objectif principal est de promouvoir le bien-être de tous les citoyens dans la zone euro, par le maintien de la stabilité des prix tout en soutenant les politiques économiques générales de l’Union et le maintien de la stabilité financière. Il serait nécessaire de coopérer avec les autorités fiscales et budgétaires, agissant de concert dans l’Eurogroupe. Ce statut fixerait son objectif d’inflation, qui devrait être symétrique. Il serait responsable devant un comité de parlementaires européens et nationaux qui serait en mesure de contraindre Conseil président et des gouverneurs de la BCE à fournir un témoignage régulier et de censurer la BCE quand elle outrepasse son mandat ou ne parvient pas à atteindre son objectif. Pour une grave violation de son mandat – par exemple, menaçant de priver certains citoyens de la zone euro de leur droit de continuer à utiliser l’euro comme monnaie légale – le président de la BCE pourrait être rappelé à l’ordre et une procédure de révocation pourrait même être instituée.Les règles du mandat concernant les déséquilibres macroéconomiques devraient être symétriques et proportionnée, de sorte que des excédents courants sont traités de la même manière que les déficits, avec comme critère central la taille absolue du déséquilibre. Les règles devraient également être appliquées de façon impartiale; jusqu’à présent, la Commission européenne a donné à l’Allemagne un passe-droit permanent. Les décisions collectives – que ce soit par l’Eurogroupe, la Commission européenne ou de la BCE – seraient rendues responsables devant la démocratie représentative, à la fois des parlementaires européens et nationaux, avec un comité mixte mis en place à cet effet, tandis que la plupart des décisions resteraient dans les mains nationales.Les avantages d’une zone euro décentralisée sont clairs: plus grande liberté économique pour les décideurs politiques nationaux, une véritable réactivité à l’évolution des préférences politiques de leurs citoyens, les banques et les Etats-souverains insolvables traités rapidement et équitablement.Au lieu d’un contrat de la zone euro écrit selon les intérêts étroits de l’Allemagne en tant que créancier, nous avons besoin d’une union monétaire qui fonctionne pour tous ses citoyens. Mais, en fin de compte, une zone euro plus libre, plus juste, plus prospère et plus démocratique est aussi dans l’intérêt éclairé de l’Allemagne.5 Juin 2015

@plegrain

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