Le projet de loi 38 a pour objectif de modifier le mandat de
la Caisse de dépôt et de placement du Québec (la Caisse) afin de l’autoriser à
réaliser des projets d’infrastructures. Dans sa nouvelle entente avec Québec,
la Caisse devient à la fois développeur, propriétaire et exploitant de systèmes
de transport collectif. Jusqu'à maintenant, la Caisse se contentait d'être un
investisseur passif ou, à la limite, un actionnaire minoritaire dans de tels
projets.
À première vue, cette entente sera gagnant gagnant. Dans un
contexte où les besoins en infrastructures excèdent la capacité financière du
gouvernement et où la Caisse est à la recherche d’investissements dans les infrastructures,
le projet de loi 38 semble atteindre les objectifs des deux partis. De plus, il
est difficile d’imaginer que la Caisse soit
moins performante que l’Agence Métropolitaine de Transport ou le ministère des
Transports. Il suffit de se rappeler les fiascos du métro à Laval et
du train
de l’Est pour s’en convaincre.
Par contre, les risques qui découlent de cette entente sont
beaucoup plus importants que les bénéfices potentiels. Malheureusement, les
politiciens ne résisteront pas à l’envie d’utiliser la Caisse pour promouvoir
des projets électoralement rentables même si ceux-ci sont très risqués. La
Caisse n’est pas à l’abri des pressions politiques, bien au contraire. Comme
dit l’adage : les occasions font le larron. Nous avons plus que notre part
de larrons, la commission Charbonneau
nous l’a brutalement rappelé.
Selon le gouvernement, le projet de loi 38 permettra de
réaliser des projets d’infrastructures publiques qui autrement seraient
retardés. Mais est-ce une si mauvaise chose de retarder des projets que nous
n’avons pas les moyens de réaliser? Cette entente n’est-elle pas une nouvelle
façon de continuer de vivre au-dessus de nos moyens comme nous en avons pris
l’habitude depuis 50 ans?
Investisseur, développeur et exploitant de projets
d’infrastructures publiques sont trois rôles bien différents qui nécessitent
des expertises spécifiques. Les objectifs à court, moyen et long terme ainsi
que les critères de succès de chacun de ces rôles sont en concurrence entre
eux, voire conflictuels. Peu de gestionnaires, pour ne pas dire aucun, possèdent les qualités et le leadership requis
pour exécuter ces trois rôles simultanément et efficacement.
Mais cela est bien anodin comparé aux conséquences de l’inévitable
interventionnisme politique. Il faut être d’une naïveté incorrigible pour
croire que les politiciens au pouvoir, tous partis confondus, s’abstiendront de
faire pression sur les gestionnaires de la Caisse à des fins électoralistes.
Le modèle proposé par le gouvernement Couillard est un PPP à
l’image du modèle québécois dont la seule qualité est de le rendre plus
attrayant aux yeux des proétatismes. À mon avis, cet avantage a bien peu de
poids par rapport aux risques inhérents qui en découlent. Il est évident que
les politiciens ne pourront résister à l’envie d’utiliser la Caisse à des fins
électoralistes. Ils le font avec Hydro-Québec, la SAQ, Loto Québec et
Investissement Québec, alors pourquoi pas la Caisse?
Le cas d’Hydro-Québec est particulièrement éclairant. Elle
est non seulement la vache à lait du ministère du Revenu, mais elle est
constamment utilisée à des fins électoralistes. Tout y passe : activités
culturelles, développement régional, développement économique, environnement,
etc. À elle seule la filière
éolienne coûte aux consommateurs d’Hydro-Québec près de 700 millions de dollars
par année. Il ne faut donc pas se surprendre si Hydro-Québec est l’une des sociétés les moins
performantes en Amérique du Nord. Comme si cela n’était pas suffisant, le
gouvernement a confisqué 1,1 milliard de trop-perçus depuis 2008. C’est ni
plus ni moins un vol au dépend des consommateurs.
Comment la Caisse sera-t-elle protégée de ce vice inhérent
au modèle public public proposée? Les occasions d’interventions
politiques à des fins électoralistes seront nombreuses : le choix des
tracés, le choix des fournisseurs, les expropriations, les tarifs, etc.
représentent tous des occasions en or pour qui veut se faire du capital
politique. De plus, les dirigeants de la Caisse seront pris au piège entre les
intérêts des usagers et ceux des épargnants. Ne seront-ils pas tentés de
négocier des augmentations de cotisation aux régimes de retraite pour compenser
le manque à gagner d’un projet qui a mal tourné?
J’aimerais rappeler que la mission fondamentale de la Caisse
est de faire fructifier les milliards d’actif des régimes de retraite des
Québécois. Cela comporte suffisamment de risques et de défis sans en beurrer
une autre couche.
Il existe déjà un modèle d’affaires qui permet à la Caisse
de financer les projets d’infrastructure. Ce modèle est le partenariat
public-privé (PPP). Les succès du pont de l’autoroute 25 et de l’autoroute 30
sont des exemples concrets de la pertinence et de l’efficacité des PPP. Si la
Caisse juge que sa participation financière aux projets d’infrastructures
québécois contribuera à sa rentabilité, rien ne l’y empêche. Elle n’a qu’à
participer comme partenaire financier aux PPP intéressés à nos projets Il
n’est donc pas utile de créer un nouveau véhicule à la sauce interventionniste pour
y arriver.