Aujourd’hui, on arrête d’être sérieux, et on fait un petit article what the fuck sur une drolatique et perspicace légende maya : la légende du Tunkuluchu (prononcer à l’espagnole : tounkouloutchou). Avouez, avec un nom pareil, ça ne peut être que cool. Libre adaptation d’un conte d’origine maya, je remercie ma professeur d’iconographie mayaniste, qui m’a fait découvrir cette histoire.
Hiboux, céramique maya. Kerr number : 4861, mayavase.com.
Il était une fois le tunkuluchu – qui signifie, comme chacun sait, « hibou » en maya. C’était le piaf le plus sage de tout le règne ornithologique. On sait pas trop si c’est parce qu’il vous regarde toujours avec des yeux ronds comme des capsules de bière – ce qui le rend, vous en conviendrez, particulièrement impressionnant – ou si c’est parce qu’il possède l’habilité de tourner sa tête à 180 degrés – là encore, plutôt balèze – mais en tout cas, c’était le boss de la sagesse, le grand manitou totémique, le Merlin de la paroisse, le Salomon de la té-ci, bref, un mec plutôt hype. C’était lui qu’on allait voir en cas de problème majeur.
Fort de cette réputation, un beau jour, il se retrouve invité à la soirée du siècle, ou plutôt du cycle – si on veut rester maya. La cérémonie est présidée par notre Seigneur le roi des oiseaux, dont le nom est étrangement tu dans le récit. Le tunkuluchu, stupéfait de tant d’honneur, décide de participer aux festivités, et se pare de ses plus beaux atouts, pour briller de mille feux lors de la réception, telle Cendrillon en pantoufles de vair.
Quelle ne fut pas la surprise alors, de son hôte et des invités lors de son arrivée ! En effet, comme tout Rafiki qui se respecte, Tunkuluchu a la réputation de ne pas trop aimer participer aux liesses collectives. Mais là, il recueille tous les suffrages, et se fait inviter à la table du roi – lui-même, en plumes et en os.
Mais alors, problème. Car à la table de sa majesté, on peut pas trinquer avec un verre d’eau. Faut être un bonhomme, un vrai, il faut boire du balché – c’est une boisson alcoolisée maya, faite à base de racines et de maïs. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, Tunkuluchu est complètement ivre ; il faut dire qu’il n’a pas l’habitude. Je ne sais pas si vous avez déjà été ivres dans votre vie, mais en général, c’est là que les ennuis commencent. En plus, là, tout le monde est bourré.
Ca ne rate pas avec notre Tunkuluchu, d’autant que, cerise sur le gâteau, entre en scène un humain. Et les humains, ça met toujours le bordel. Ce Maya passe aux abords de la fête et s’indigne du capharnaüm provoqué par les oiseaux. Bien décidé à mettre fin à cette orgie bien païenne, notre homme s’introduit dans la fête. Seulement, l’homme est corruptible, ce n’est pas peu de le dire, et à la vue du balché, il commence, lui aussi, à boire de tout son saoul. Après tout, ils sont bien sympas ces volatils.
Revenons à nos hiboux. Notre Tunkuluchu est le plus ivre de tous. Il crie, il hurle, il est incontrôlable. Agacé par tant de vacarme, le Maya décide de lui rabattre un peu le caquet, et commence à s’en prendre à lui, en s’attachant à lui arracher consciencieusement les plumes… Le hibou devient la risée de l’assemblée réunie.
Plat au hibou, Kerr number 8797, mayavase.com.
Le lendemain, réveil difficile pour notre sage sylvestre. Emergeant de sa torpeur, le tunkuluchu réalise qu’il s’est ridiculisé à vie. La communauté aérienne a tranché : Tunkuluchu ne sera plus considéré comme le sage du village. Pour notre druide, c’est l’infamie. Relégué au vulgaire rang de Madame Irma, Tunkuluchu ne peut plus contenir sa rage : tous ces malheurs ont une cause, une source : l’homme. L’homme devra payer.
Le hibou, pour le peuple maya, a une double signification : c’est un oiseau sage mais c’est aussi un animal de mauvaise augure : qui entend le chant du hibou, est assuré d’une mort prochaine. Car, depuis ce jour fameux, Tunkuluchu, amer, a ruminé sa vengeance. Nuit et jour, il rôde dans les cimetières afin de s’enivrer de l’odeur de la mort, jusqu’à ce qu’il soit à même de la reconnaître. Quand l’heure arrive, le tunkuluchu se positionne près de l’habitation où il identifie les humeurs morbides et hulule pour annoncer au Maya que sa fin arrive.
Alors, quelle morale associez-vous à ce conte venu d’un autre temps ? Les Mayas étaient un peuple riche, plein d’esprit et d’imagination. Le conte du Tunkuluchu nous sonne ainsi d’une manière étrangement moderne. Il mêle un esprit vivace et une observation aigüe des comportements à une morale didactique et cultuelle autant qu’à une part mystique. Ajoutons à cela que la force de ce conte réside dans un esprit bien particulier, qui mêle vie et mort, un côté rieur et un côté sombre, qui se côtoient sans s’absoudre mutuellement. Dans cette légende imagée, le Maya est puni pour son orgueil, et la morale s’en trouve renforcée d’une denrée bien particulière : l’humilité ; face aux dieux, face aux vivants et face à la nature.
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