genre: drame (interdit aux - 12 ans)
année: 2002
durée: 2h09
l'histoire : Le tragique destin de Jean-Claude Romand, un homme qui, un matin de janvier 1993, assassina sa femme, ses enfants et ses parents, et tenta en vain de se suicider. Responsable de ce quintuple meurtre, ce "médecin" criminel s'était inventé une vie de mensonges pendant près de vingt ans.
La critique :
Tâche ô combien difficile de s'attaquer à l'affaire Jean-Claude Romand, tant le cas de ce faux médecin, relève à la fois de la pathologie mentale, de la perversité, de la mythomanie et de mécanismes complexes, avec pour conséquence l'explosion d'un homme tiraillé par ses propres mensonges. Bienvenue dans L'Adversaire, réalisé par Nicole Garcia en 2002 !
A l'origine, le long-métrage est l'adaptation d'un roman éponyme d'Emmanuelle Carrière. En tout cas, cette affaire interroge le cinéma français. En effet, l'année précédente, un autre film, L'Emploi du Temps, de Laurent Cantet, évoquait le même sujet. L'Affaire Jean-Claude Romand est encore récente, traumatisante et particulièrement douloureuse.
C'est probablement pour respecter l'anonymat de la famille que Nicole Garcia a changé le nom de son personnage principal. Ainsi, Jean-Claude Romand devient Jean-Marc Faure. Au niveau de la distribution, L'Adversaire réunit Daniel Auteuil, Géraldine Pailhas, François Cluzet, Emmanuelle Devos, Bernard Fresson et François Berléand. Certes, Daniel Auteuil est souvent caricaturé à des rôles comiques.
On se souvient, entre autres, de lui dans Les Sous-Doués, mais l'acteur a souvent cherché à diversifier ses rôles au cinéma. On l'a donc déjà vu sous des jours plus sombres, notamment dans L'Amour Violé, L'arbalète, 36 Quai des Orfèvres, ou encore Caché.
En l'occurrence, dans L'Adversaire, Daniel Auteuil trouve un rôle plus complexe qu'à l'accoutumée. Il est totalement habité par son personnage et livre une prestation de folie, à tel point que l'acteur devrait peut-être songer à jouer plus souvent les serial killer au cinéma. Mais Jean-Marc Faure n'est pas un psychopathe comme les autres. Encore une fois, son cas suscite de nombreuses interrogations.
Attention, SPOILERS ! Le 9 janvier 1993, Jean-Marc Faure a tué sa femme, ses enfants, ses parents puis a tenté, mais en vain, de se tuer lui-même. L’enquête a révélé qu’il n’était pas médecin comme il le prétendait depuis dix-huit ans et, chose plus difficile encore à croire, qu’il n’était rien d’autre. Près d’être découvert, il a préféré supprimer ceux dont il ne pouvait supporter le regard.
18 ans de mensonges. Voilà comment se résume principalement la vie de Jean-Marc Faure. La réalisatrice, Nicole Garcia, choisit de suivre la vie quotidienne de cet homme, véritable bombe à retardement. Pourtant, dans un premier temps, Jean-Marc Faure est décrit comme un homme tout à fait normal, marié, père de deux enfants et médecin à l'Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.).
Hélas, Jean-Marc Faure n'est pas médecin. Au mieux, il a passé sa première année à la faculté de médecine, mais n'a pas poursuivi ses études pour des raisons qui restent assez obscures. Paradoxalement, il parvient à mener la grande vie en empruntant de l'argent à ses parents et à des femmes qu'il séduit et qu'il extorque par la suite.
Mais évidemment, les dettes s'accumulent. Peu à peu, l'étau se resserre. Et c'est à partir de là que le film prend la forme d'une tragédie. La caméra de Nicole Garcia filme le visage de notre "héros" en gros plans, comme si ce dernier avait conscience de cette impasse inextricable et incoercible, se renfermant peu à peu sur lui. Le film suit donc le destin d'un homme replié sur lui-même, d'une placidité étonnante, silencieux, au visage coi, stoïque et figé. Le long-métrage nous plonge alors dans la psyché malade de cet homme morose, taciturne, calculateur, pervers et mythomane, à la psychopathie sous-jacente.
Encore une fois, le drame est inévitable, et tout un tas de questions taraudent le spectateur ébaubi : comment cet homme a-t-il pu mentir aussi longtemps à son entourage sans éveiller le moindre soupçon ?
Pourquoi autant de silence autour de ce personnage énigmatique, pourtant accusé (par certains de ses proches) du meurtre de son beau-père ? Nicole Garcia n'apporte pas vraiment d'éléments de réponse. L'entourage de Jean-Marc Faure apparaît à la fois comme les témoins silencieux de cette vie mensongère et comme les complices involontaires de cette mythomanie pathologique.
De ce fait, difficile de ne pas regretter certains choix opérés par Nicole Garcia. Elle évite par exemple de juger son psychopathe. Paradoxalement, en prenant cette position, elle opère également une certaine distance entre la gravité des meurtres (Jean-Marc Faure a tout de même assassiné sa femme, ses deux enfants et ses parents) et la personnalité maniaque de ce criminel.
Néanmoins, L'Adversaire reste un film choc et profondément dérangeant.
Note: 14.5/20