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[Web2Day] « L’innovation frugale porte en germe la promesse d’une égalité »

Publié le 05 juin 2015 par Pnordey @latelier

Au Togo, le WoeLab propose à tout quidam de venir créer des services correspondant à une problématique locale. Un modèle qui facilite l’entrepreneuriat et la collaboration en mode ouvert.

Entretien avec Sénamé Koffi Agbodjinou, fondateur du WoeLab, hub technologique installé dans un quartier de Lomé, basé sur le principe du Low High Tech. L’Atelier a échangé avec Sénamé dans le cadre du Web2Day, où il intervenait dans le cadre d’une table ronde sur ce mode d’innovation. Nous l’avions déjà rencontré pour L’Atelier numérique, pour parler innovation au Togo.

L’Atelier : Vous avez créé la Woelab, espace d’innovation partagée basé sur le principe du Low High Tech, ou innovation frugale. Dans quel contexte et pour répondre à quels besoins avez-vous lancé cette initiative ?

Sénamé Agbodjinou : Je suis architecte et anthropologue de formation, spécialisé dans le néo-vernaculaire. Je cherchais à voir comment les espaces anciens pouvaient répondre aux besoins modernes. Je me suis vite rendu compte que cela était plus facile à réaliser dans des villages que dans les villes, car les villes appartiennent aux décideurs, aux entreprises. Au contraire en Afrique les villages appartiennent au lieu, comme l'église, l'arbre à palabres, et au moment : mariages, baptêmes, fêtes... Le village est aussi le temps long. Les lieux dédiés à la cohésion sont peu nombreux dans les zones urbaines, et il y a moins de moments de rassemblements, car les gens sont là depuis moins longtemps. J'ai alors considéré l'intérêt pour les technologies comme quelque chose de fédérateur. Je me suis dit que les barcamp pouvaient permettre de créer des moments de rencontre, et les fablab seraient le lieu. Quant au temps long, cela pouvait être OpenStreetMap.

J'ai du coup monté le projet d'un archicamp de trois semaines, avec des villageois, des experts, tous rassemblés dans une école primaire, dans le but de créer des solutions pour le quartier. À la fin nous avons estimé qu'il fallait pérenniser cela, et le Woelab est né.

Aujourd'hui, nous avons un réseau de start-up incubées toutes nées et lancées par des villageois faisant face à de vrais problèmes locaux, et sans compétences technologiques au départ. Nous sommes toujours très ancrés dans le local. Le modèle des start-up que nous incubons doit correspondre aux besoins des gens situés dans un rayon d’1 kilomètre. Nous voulons d'ailleurs répliquer le Lab dans chacun des quartiers de Lomé, avec la volonté de créer une monnaie collaborative des que le réseau sera bien installé.

Les pays occidentaux s’intéressent de plus en plus à l'innovation frugale. En quoi ce mode d'innovation est-il porteur de croissance sur ce marché?

Je pense que notre projet, et l'innovation frugale en générale, est holistique et touche au mouvement collaboratif, au partage, au mouvement maker, social, écologique... Nous sommes le seul hub tech à être ouvert à tous. Nos membres sont des maçons, des couturiers...

« En France on veut faire du frugal suite à des problématiques éthiques (...) En Afrique, on en fait pour vivre mieux. »

Il est difficile de dire si notre fonctionnement est inspirant car ce n'est pas la même dynamique. En France on veut faire du frugal suite à des problématiques éthiques, une situation de crise... En Afrique, on en fait pour vivre mieux. Pour nous l'enjeu est de professionnaliser ce que l'on faisait déjà, alors qu'en Occident il s'agit de passer de structures lourdes, industrielles, à quelque chose de plus personnalisé. Qu’elle que soit la motivation, l’intérêt est réel !

enfants africains

Est ce que le modèle frugal facilite l'accès à l'entrepreneuriat ?

C'est possible. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a en germe la promesse d'une égalité. Et des petits acteurs peuvent être plus facilement écoutés. Par exemple les premiers contrats décrochés par nos start-up l'ont été avec le ministère de l'agriculture et celui de l'économie numérique! Ce dernier a fait travailler notre start-up ‘nativ qui fait de la couverture d'événements et de la stratégie médias sociaux avec une équipe de personnes formées aux réseaux sociaux  sur la mise en place d'une politique réseaux sociaux, et community management.

À l'échelle internationale, l'Occident est en train de se remettre en question, et l'Afrique a la possibilité d'industrialiser ses process, sans être trop bousculée et sans stopper l'économie informelle sur laquelle elle repose.

Comment dès lors s’inspirer des modèles existants pour les répliquer ?

Il ne faut pas standardiser. Si l'on souhaite reproduire un fonctionnement en mode innovation frugale, il faut bien partir du contexte et ne pas plaquer. Le jugaad n' est pas que dans les moyens, il est aussi dans l'ouverture. Toutes nos start-up font ainsi un comité ouvert une fois par semaine, dans lequel tous les membres peuvent donner leur avis et suivre l'actualité de la jeune entreprise. Du coup si un jour il faut rencontrer un client ou signer un contrat et qu'aucun membre de la startup concernée n'est la, il peut être remplacé par quelqu'un du Lab sans difficulté. Ce type d’ouverture peut être répliqué et utile à tout type d’organisation !


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