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Ah! les farceurs !

Publié le 05 juin 2015 par Dubruel

~~d'après MÉMOIRES D'UN FARCEUR (LA FARCE) de Maupassant

Mes chers frères, mes chères sœurs, Nous vivons dans un siècle où les farceurs Ont des allures de croque-morts ...(qui se nomment parfois politiciens !).

On ne fait plus la vraie farce, La farce joyeuse, la bonne farce. Et pourtant, Quoi de plus amusant Et de plus drôle que la farce ? Ah ! Dans ma vie, J'en ai fait des farces. On m'en a fait aussi. Je veux en raconter deux aujourd'hui. La première que j'ai subie Et la suivante que j'ai infligée.

La première. J'allais chasser chez Yves G., Un ami gentleman-farmer. Il me fit une réception princière. On m'embrassa, On me cajola. Je pensais : ''On te prépare une farce, mon vieux ! '' Pendant le diner, la gaité Fut excessive, trop importante. On devait avoir dans l'esprit L'attente d'une plaisanterie Qu'on allait me destiner. Alors, Je ne laissais passer ni une intention, Ni un geste, ni une parole. Puis Je montais me coucher de bonne heure. En fermant ma porte à clé, j'ai entendu chuchoter dans le couloir. Surement, On m'épiait. J'inspectais murs, parquet, meubles et volets. Je n'aperçus rien de particulier. Je n'osais cependant pas me coucher : Le lit me paraissait suspect. J'ai tiré le matelas Au milieu de la pièce et enfin j'ai osé me glisser sous les draps. Toutefois, je suis resté éveillé pendant deux bonnes heures, Tressaillant au moindre bruit. Puis, tout me semblant être devenu calme dans le château, Je me suis endormi.

Je fus réveillé en sursaut. Venait de s'abattre sur moi un corps pesant. Et sur ma poitrine, J'ai reçu Un liquide brûlant, Un pot de confiture et trois tartines. J'ai cherché à reconnaître quelle était cette masse tombée sur moi. Je rencontrai une figure, des favoris, un nez. D'un bond, je me sauvai dans le corridor !

Au bruit, on accourut Et on trouva, étendu sur mon lit, André, le valet de chambre : En m'apportant le petit déjeuner, Il avait trébuché Sur mon lit. Son plateau s'était renversé. Ah ! Ce jour-là, on a ri !

L'autre farce que je veux conter, Je l'ai imaginée Quand j'avais quinze ans. Mes parents recevaient de temps en temps Une de leurs vieilles amies, hargneuse, Mauvaise, vindicative, grondeuse. Elle me détestait, je ne sais pourquoi. Et ne cessait de rapporter contre moi, Tournant en mal mes moindres actions, Mes moindres expressions. Oh ! La vieille chipie ! Elle s'appelait Mme Duby. Bien qu'âgée de quatre-vingt-six ans, Elle portait une perruque auburn Ornée de ridicules petits rubans de couleurs vives.

Moi, je la détestais du fond du cœur Et résolus de me venger De ses mauvais procédés. J'ai utilisé du phosphure de chaux. Quand ce produit est jeté dans l'eau Il s'enflamme, détone, dégage des vapeurs D'une épouvantable odeur. Donc, un soir, je pénétrai furtivement Dans la chambre de Mme Duby Et, pardon, mesdames, je saisis Le récipient blanc De forme ronde, caché Ordinairement à l'intérieur de la table de nuit. J'y déposai une poignée De phosphure de chaux Et me cachai À proximité Pour l'épier.

Mme Duby entra dans sa chambre bientôt. Quand elle fut prête à se coucher, Je mis l'œil à la serrure de mon ennemie. Elle ôta sa perruque, se dévêtit, Mit son râtelier dans un verre, Endossa un grand peignoir blanc, Fit sa prière, Puis s'assit sur l'instrument ...De ma vengeance.

J'entendis D'abord un léger bruit Puis des détonations en série. Je vis les yeux de Mme Duby S'ouvrir, Se fermer, se rouvrir. Quand apparurent les premières Petites flammes et la fumée mystérieuse, Elle se dressa, la mine patibulaire, Crut-elle à une maladie affreuse ? Songea-t-elle Que ces vapeurs, sorties d'elle, Allaient brûler sa chair Voire lui ronger les viscères ? Bref, elle poussa un grand cri Et s'abattit de tout son long au pied du lit.

Je courus dans ma chambre et m'y enfermai. J'écoutais. On allait. On venait. On parlait...Puis... on riait !

... Et je reçus de mon père une raclée Dont je me souviendrai !


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