Pour lancer le nouveau parti sensé faire oublier les échecs et les scandales de l'UMP, Nicolas Sarkozy a pris deux décisions symboliques. La première est de réduire la République à une marque commerciale, par le choix provocateur du nouveau nom de son parti. La seconde est de choisir l'islam comme thématique de la première convention nationale de ce soi-disant nouveau parti, cinq jours après son congrès fondateur, prouvant ainsi que ce changement de nom n'est bien qu'une opération de marketing politique qui ne craint pas de tomber dans la publicité mensongère.
C'est donc officiel, après la revanche contre François Hollande, la plus grande obsession de Nicolas Sarkozy reste l'islam. Le plus inquiétant est que ça ne semble pas déranger grand monde dans son parti, à quelques rares exceptions près.
Quand on choisit de s'autoproclamer " Les Républicains ", ne serait-il pas plus logique de tenir sa première convention nationale sur les valeurs et les promesses de la République ? Pourquoi choisir de se concentrer ainsi d'abord sur le rapport d'une religion bien spécifique à la République, si ce n'est pour sous-entendre que l'islam serait la première menace envers la République ?
Cela rappelle les funestes débats sur l'identité nationale et l'islam sous la présidence du même Nicolas Sarkozy, avec cette même obstination à opposer ces deux notions, à entretenir l'idée pernicieuse qu'elles ne seraient pas compatibles. Et dans ce rapprochement sans vergogne avec les thèses du Front national, il y a toujours cette tentation de faire des musulmans ou présumés tels les boucs émissaires d'une France monolithique.
Pendant la campagne des départementales, alors que le FN était annoncé en tête dans les sondages, l'UMP choisissait par la voix de son chef d'entretenir les polémiques sur la pratique de l'islam en France, reprenant à son compte les argumentaires frontistes pour proposer d'interdire les menus de substitution dans les cantines, pervertissant ainsi le principe de laïcité pour en faire une arme contre les musulmans.
Ce sont ces comportements politiques réactionnaires et démagogiques qui créent un climat favorable au développement de l'islamophobie.
Ce n'est pas digne d'un grand parti de gouvernement, qui par son histoire, depuis le Général de Gaulle, n'a jamais failli à la République. Peut-être est-ce d'ailleurs pour cela que cette convention nationale sur l'islam se tient à huis clos, de manière un peu honteuse, pour éviter un étalement public de déclarations propres à catégoriser et caricaturer, à stigmatiser et à cliver.
Au Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis a choisi d'en finir avec les débats internes sur l'utilisation du mot islamophobie. Il a pour cela employé ce terme dans la motion qu'il a portée lors de l'actuel congrès du PS et qui a obtenu 60% des suffrages militants. Il ne s'agit en rien de dire que la critique de l'islam devrait être proscrite, comme certains le prétendent. Il s'agit tout simplement de reconnaître la réalité de propos et d'actes antimusulmans, distincts du racisme anti-arabe ou anti-noir, car c'est bien une pratique religieuse réelle ou supposée qui est ciblée. C'est une forme de discrimination contre laquelle nous devons lutter au même titre et avec la même force que contre le racisme et l'antisémitisme.
Face à la solidification d'un bloc réactionnaire en France encouragé non seulement par le FN mais aussi par une partie de la droite qui, de plus en plus souvent, n'a de républicaine que le nom, nous ne pouvons pas nous éparpiller dans des batailles sémantiques qui nous empêcheraient de reconnaître et de dénoncer des violences verbales et physiques dont sont victimes des personnes de confession ou de culture musulmane.
L'immense majorité des Français musulmans n'aspirent qu'à être traités comme des citoyens ordinaires, dans le respect de la laïcité, c'est-à-dire à la fois la séparation de la religion et de l'Etat et le respect de la liberté de culte dans des conditions respectueuses de tous. L'obsession de l'islam n'existe que chez ceux qui veulent instrumentaliser cette religion à des fins politiques, pas chez ceux qui ne veulent que pouvoir la pratiquer en paix.
Photo : Parti socialiste