L'aménagement international et le démembrement des territoires

Publié le 05 juin 2015 par Fmariet

Laurent Davezies, Le nouvel égoïsme international. Le grand malaise des nations, Paris, Seuil, 1995, 106 P.
La réflexion mise en œuvre dans cet essai est servie par l'actualité récente du nationalisme en Europe : Catalogne, Ecosse, Wallonie, Chypre, Italie du Nord, décomposition de l'empire sovitétique, etc.). La réflexion sur la fragmentation territoriale et politique apparait indissociable de celle portant sur la mondialisation. Et ce postulat constitue déjà un important recadrage conceptuel, qui n'en reste pas là : que valent les notions, admises sans examen, d'auto-détermination (référendum), de nation, d'indépendance nationale, de décentralisation, d'identité (cf. L'identité de la France, de Ferdinand Braudel), de fédération ?
Comment un territoire, une aire, deviennent-ils une nation, à quelles conditions ? Quel rôle jouent la taille, l'histoire, la langue, l'école, le marketing, le folklore (cf. Médias et constructions nationales) ? Les petits pays sont-ils avantagés ? Existe-t-il un optimum, des limites, de taille ou de diversité ? Que vaut quel séparatisme ?
Quel rôle jouent dans ce contexte les médias et, désormais, l'économie numérique ? Internet semble doté d'un statut mixte, à la fois "bien commun" mais aussi enjeu de marché et de politique publique.
En France, le débat est constant : évolution des découpages territoriaux (inter-communalité, départements, régions...).
Les médias ont épousé souvent des découpages territoriaux et commerciaux : presse nationale, régionale et départementale ; la télévision nationale domine dans la plupart des pays européens (dont la France). Que se passe-t-il avec le déploiement des cultures numériques et des identités mobiles ? Les notions de zone de chalandise et de géo-marketing sont à reconsidérer avec le e-commerce qui s'affranchit des frontières, y compris fiscales.
La "cohésion territoriale", à l'opposé de "l'égoïsme territorial" semble une notion fondamentale pour la paix et ses composantes politiques (intérêt général, égalité, fraternité, liberté) ; elle émerge des analyses de l'auteur qui souligne sans cesse la panne théorique et le déficit d'outils de la science politique, de l'économie et du droit pour penser le nouveau monde des organisations territoriales enchevétrées. La nation définit "un espace de solidarité socio-économique" : solidarité qui se traduit par des mouvements redistritributifs, observables notamment dans les médias (haut débit pour tous, télévision numérique terrestre, 4G, distribution de la presse). L'égalité des territoires, plus que l'autonomie, constitue-t-elle un objectif prioritaire, national et républicain ? Jusqu'à quel point faut-il tolérer, encourager la mondialisation qui démantibule les économies nationales, rarement pour le bénéfice des consommateurs ?
Comment ces divers territoires que nous observons et dont le marquettage évolue s'accordent-ils avec les cultures de mobilité qui émergent depuis quelques années. La notion de foyer comme lieu de consommation de média (télévision surtout) est bousculée, mais celle d'adresse IP et de localisation reste utile pour le ciblage ; la dissociation lieu de vie et médias consommés est fréquente (naître ici, étudier, travailler ailleurs)... Toute mobilité géographique s'accompagne-t-elle de mobilité culturelle, linguistique ? Pas si sûr. De nostalgie des racines aussi certainement, sol favorable aux conservatismes. L'idée McLuhanisenne d'un village planétaire suscite beaucoup de réticence voire d'hostilité, qu'il s'agisse de migrations, de tourisme, de liens avec les cultures d'origine...
La géographie des territoires est indiscutablement l'une des questions fondamentales des médias et de la publicité. L'ouvrage lucide de Laurent Davezies peut aider à y voir plus clair, sans parti pris.