genre: drame (interdit aux - 16 ans)
année: 1975
durée: 1h55
l'histoire: Durant la République fasciste de Salo, quatre seigneurs élaborent un réglement pervers et sélectionnent huit représentants des deux sexes, qui deviendront les victimes de leurs pratiques les plus dégradantes. Ils s'enferment dans une villa afin d'y passer 120 journées en respectant les règles de leur code terrifiant.
La critique :
A l'origine, Salo ou les 120 journées de Sodome, réalisé par Pier Paolo Pasolini en 1975, est la libre adaptation de l'oeuvre la plus célèbre du Marquis de Sade, Les Cent Vingt Jours de Sodome, dont l'action se déroule sous le règne de Louis XIV (1715). C'est aussi le dernier film de ce réalisateur de génie, décédé peu de temps après le tournage, à l'âge de 53 ans.
Pier Paolo Pasolini transpose le scénario original dans la république fasciste de Salo, située au nord de l'Italie à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Salo ou les 120 Journées de Sodome est aussi le film le plus torturé et le plus désespéré de Pier Paolo Pasolini.
Film polémique (et le mot est faible...), Salo provoquera un immense scandale à sa sortie, et pas seulement en Italie. En effet, le long-métrage sera victime de la censure dans de nombreux pays. Indéniablement, Salo fait partie de ces films mal aimés, brocardés et vilipendés par la presse et les critiques cinéma, un peu comme Le Voyeur de Michael Powell ou encore Les Diables de Ken Russell, d'autres productions majeures, largement décriées au moment de leur sortie.
Impossible de rester insensible devant Salo. Le film ne se résume pas qu'à une succession de séquences trash pour le moins peu ragoûtantes. Avant tout, Salo reste une critique sans concession sur les dictatures et le pouvoir absolu.
Certains cinéastes le voient aussi comme une oeuvre visionnaire et pessimiste sur le devenir de l'Italie. Oui, Salo est un peu tout cela à la fois. En vérité, Salo ressemble à un énorme "fuck" pointé tout droit sur notre société capitaliste, appelée à devenir de plus en plus décadente. Il n'est guère étonnant qu'il ait bouleversé plusieurs générations de cinéastes, entre autres, Gaspar Noé, le célèbre réalisateur d'Irréversible. Pour l'anecdote, le cinéaste déclarera au sujet de Salo: "Si Pier Paolo Pasolini n'était pas mort, on l'aurait tué pour avoir fait ça !".
En l'occurrence, Pier Paolo Pasolini sera assassiné pour son orientation homosexuelle. Mais croyez-moi, la phrase de Gaspar Noé n'est absolument pas exagérée !
En tant qu'amateur de cinéma (je n'ose dire cinéphile...), Salo reste probablement le film le plus terrifiant de toute l'histoire du cinéma, non seulement pour ce qu'il montre, mais surtout pour ce qu'il dénonce. Attention, SPOILERS ! Quatre notables riches et d'âge mûr y rédigent leur projet macabre. Elle se poursuit par la capture de neuf jeunes garçons et neuf jeunes filles dans la campagne et quelques villages alentour.
Les quatre notables, le Duc, l’Évêque, le Juge et le Président, entourés de divers servants armés et de quatre prostituées, ainsi que de leurs femmes respectives (chacun ayant épousé la fille d'un autre au début du film), s'isolent dans un palais des environs de Marzabotto, dans la République de Salo.
Salo se divise en quatre parties bien distinctes, qui correspondent chacune à un cycle particulier : le premier cycle s'intitule le vestibule de l'enfer, le second se nomme le cercle des passions, le troisième le cercle de la merde et le quatrième, le cercle du sang. Que les choses soient claires: si un jour, vous regardez Salo, vous n'en sortirez pas indemnes ! Plus que jamais, Salo est un film qui marque au fer rouge.
Pier Paolo Pasolini oppose sans cesse la condition des bourreaux à celle des victimes. Les bourreaux sont donc ceux qui possèdent le pouvoir absolu. Pasolini brosse alors le portrait d'une bourgeoisie prête à tout pour assouvir ses fantasmes les plus extrêmes, que ce soit à travers la violence, la torture et le sexe. Quant aux victimes, elles sont volontairement déshumanisées, privées de tout, même de la parole. Elles sont condamnées à mourir et à obéir à leurs nouveaux maîtres.
Impossible de ne pas y voir ici une métaphore sur les juifs, exterminés et annihilés dans les camps de la mort. Toutefois, Salo n'est pas vraiment une critique du fascisme, mais plutôt une diatribe sur les dictatures en général. Ce qui explique sûrement pourquoi le film paraît aussi intemporel et semble se dérouler dans un univers presque fantasmagorique, voire même illusoire.
Pourtant, Salo reflète bel et bien le côté le plus obscur de l'humanité, à savoir son exact opposé, donc la déshumanisation la plus totale, un peu comme la Solution Finale, lorsque l'extermination en masse des juifs devient juste une question technique, une simple marchandise et une entreprise macabre. On en revient toujours au même. En réalité, Salo apparaît surtout comme une critique acerbe du capitalisme.
L'individu est réduit à quia, à une simple marchandise, que l'on peut consommer, torturer, humilier jusqu'à la déréliction la plus totale. Pier Paolo Pasolini opacifie son propos dans le cycle scatologique. Dans cet acte, le film se transforme en orgie salace, culinaire et obscène, les victimes étant condamnées à manger leurs propres excréments. Honnis et livrés aux gémonies, ces enfants pauvres et misérables sont voués à la mort et à la déliquescence. Ainsi, dans Salo, la violence monte crescendo jusque l'inexorable : la mort. Bienvenue en enfer ! En termes de violence, de brimades, d'anathèmes et d'insanités, la dernière partie du film tourne à la véritable boucherie sanguinaire.
Quant à la mise en scène, elle est volontairement théâtrale, comme si Pasolini voulait nous inviter à une suite de priapées obscènes, sadiques et libidineuses. Il n'est donc guère surprenant que Salo soit encore aujourd'hui (et plus que jamais) une oeuvre d'actualité, certes extrême et d'une noirceur absolue. Toutefois, attention, et vous l'avez compris, Salo s'adresse à un public particulièrement averti.
Personnellement, je le considère comme le film le plus violent, le plus trash et le plus choquant de toute l'histoire du cinéma. Point barre !
Note: ?
Extrait anthologique de Salo ou les 120 jours... parBenRichardson