Le football? Une allégorie de notre temps. Un marqueur indissociable de nos sociétés soumises aux mœurs de l’économie globalisée. Le départ annoncé de Joseph Blatter a curieusement jeté le monde du football dans la stupéfaction. La position du grand parrain du sport le plus rentable de la planète business, malgré sa réélection triomphale à la tête de la Fifa, était devenue moralement injuste et intenable. Depuis l’arrestation fracassante de sept hauts dirigeants de l’institution par la police suisse dans le cadre d’une enquête ouverte par la justice américaine, il ne se passe pas un jour sans que des preuves d’«escroquerie», de «racket» ou de «blanchiment d’argent» viennent confirmer ce que nous savions. Sentiments d’impunité totale, tricheries, humiliations: les scandales de la Fifa n’ont pas fini d’éclabousser les bonnes consciences drapées dans leur vertu. Les méfaits de cette pieuvre ont entraîné le football «à la papa» dans le caniveau de toutes les corruptions. Au stade suprême du capitalisme, le foot s’est érigé en laboratoire libéral, l’un des rouages les plus importants de l’industrie du divertissement, à la fois source de profits fabuleux et instrument efficace du soft power marchandisé.
Le football? Une allégorie de notre temps. Un marqueur indissociable de nos sociétés soumises aux mœurs de l’économie globalisée. Blatter a ouvert les vannes du fric fou; il a augmenté de manière spectaculaire les revenus d’une organisation censément «à but non lucratif»; il a démultiplié la puissance financière et géopolitique de la Fifa. Ce sont d’ailleurs les sponsors – qui n’investissent pas par amour du beau geste – qui s’impatientent le plus de ce climat délétère. Or pour sauver l’honneur du sport le plus populaire qui soit, et pour en finir avec la culture quasi mafieuse, il ne suffira pas qu’un Blatter dégage! Si nous voulons préserver et surtout retrouver ce que Gramsci appelait ce «royaume de la loyauté humaine exercée au grand air», le foot doit procéder à une révolution de fond en comble. Le premier acte fondateur de cette footballution serait la création d’une «agence mondiale indépendante», une sorte d’autorité de contrôle chargée de l’attribution des grands événements sportifs mondiaux. L’ONU elle-même pourrait y jouer un rôle. Comme au temps des casques bleus. [EDITORIAL publié dans l’Humanité du 4 juin 2015.]