Si l’incontinence urinaire touche plus de 3 millions de femmes en France, elle reste un symptôme sous-évalué, souvent présenté comme un processus inéluctable du vieillissement tissulaire ou l’une des séquelles de la grossesse ou de l’accouchement traumatique. Pourtant l’incontinence urinaire "de la femme sportive" touche majoritairement des femmes jeunes et nullipares.
Si les femmes sportives n’en » parlent pas « , plusieurs études ont estimé qu’environ 22 à 30% des sportives de haut niveau souffrent de ce trouble. La pratique intensive de l’exercice physique est d’ailleurs considérée comme un facteur de risque à part entière d’incontinence urinaire –et principalement d’incontinence urinaire d’effort.
Physiopathologie :
· L’urètre est maintenu par des ligaments et un hamac sous urétro-vésical composé d’éléments musculaires (releveurs de l’anus), d’éléments ligamentaires pubo-urétraux et d’éléments conjonctifs (fascia et épithélium vaginal).
· Le hamac musculaire est constitué de trois muscles innervés ilio-coccygien, pubo-coccygien et pubo-rectal.
· Lorsque ces structures de soutien du canal de l’urètre s’affaiblissent, dans de nombreuses situations au cours de la vie, l’urètre devient plus mobile, le sphincter moins efficient et l’incontinence urinaire apparaît.
· Dans la majorité des cas, les femmes ne parviennent pas à contracter les muscles du plancher pelvien.
Facteurs de risques d’incontinence urinaire chez la femme jeune :
· Le premier facteur : l’accouchement par voies naturelles et principalement pour le premier enfant, surtout il y a eu forceps, expression abdominale manuelle, déchirure compliquée du périnée et gros bébé…
· Le facteur tissulaire, surtout lors de pathologies du tissu conjonctif (syndromes de Marfan ou d’Ehlers-Danlos), le risque d’incontinence urinaire ou de prolapsus génito-urinaire est respectivement de 50 et 75 %.
· Le facteur ethnique, chez les femmes rousses et blanches qui ont un tissu collagène plus fragile que les femmes brunes, noires et asiatiques,
· Les facteurs de risque acquis :
- une variation du poids, l’âge, le développement de tumeurs,
- une constipation chronique par les efforts de défécations répétées,
- les maladies neurologiques (sclérose en plaque..) ou métaboliques (diabète…),
- la polymédication, qui peut agir sur les récepteurs situés sur le muscle vésical de la vessie (détrusor) et sur ses sphincters lisse et strié,
- et, certains sports notamment la course à pieds, qui peuvent également provoquer des contraintes répétées.
Quelques études chez la femme sportive :
Les études suivantes chez des femmes jeunes nullipares ayant pratiqué du sport de haut niveau ont démontré la survenue d’une incontinence urinaire à l’effort (IUE) :
- L’étude de Nygaard et al (1) : Incidence de l’IUE : 28%, dont 67% avec la pratique de la gymnastique, 50% du tennis et 44% du basketball.
- L’étude de Thyssen et al (2) a établi une incidence de 43 % d’IUE avec la pratique de la gymnastique, de la danse et de l’aérobic (Cf visuel ci-contre).
- L’étude d’Eliasson et al (3) conclut à 80 % d’IUE avec la pratique du trampoline.
Le poids d’une femme sur son plancher pelvien est multiplié par 4 lorsqu’elle court, par 9 lorsqu’elle lance un javelot et par 16 lorsqu’elle effectue un saut en longueur.
Quelques conseils pour éviter de fragiliser le périnée
· Eviter les talons hauts car cela modifie le rapport de force entre les muscles dorsaux et les abdominaux risquant de déséquilibrer la statique pelvienne,
· arrêter le tabac, car la toux chronique fragilise le périnée et la nicotine a des effets hormonaux nuisant à la synthèse du collagène présent dans le tissu périnéal,
· limiter la prise de poids même pendant la grossesse,
· forcer son périnée est néfaste à son maintien : éviter de se retenir, se forcer à aller aux toilettes par précaution, pas de stop-pipi,
· faire du sport est important mais attention aux mouvements trop brusques qui provoquent des sauts et des à-coups,
· ne pas faire trop » d’abdos « , éviter les mouvements de pédalages ou relevés de buste, privilégier les exercices creusant le ventre en expiration et en contractant le périnée,
· préférer des sports tels que la natation, le vélo, le ski, la marche, le patinage, le stretching, le yoga,
· faire régulièrement des séries de contractions du périnée,
· ne pas porter pas de charges lourdes pour le périnée et pour le dos…
Traitement
- Le traitement médical consiste en une œstrogénothérapie qui va agir au niveau de l’urètre, de l’épithélium, des vaisseaux et du tissu musculaire et conjonctif pour renforcer le tonus de l’urètre.
- La rééducation périnéale simple par exercices de Kegel, destinés à renforcer le muscle pubococcygien, permet à la patiente d’apprendre à utiliser son périnée. 56 à 70 % des femmes se disent satisfaites de cette méthode, à raison de huit à douze contractions 3 à 4 fois par semaine. Le taux de succès s’élève à 67% à plus de 97%, selon les études.
- L’électrostimulation qui consiste à utiliser des sondes vaginales destinées à stimuler les muscles du plancher pelvien, a également prouvé son efficacité.
- Une mesure de prévention publiée en 1997 préconise de placer des tampons dans le vagin pour prévenir l’incontinence urinaire chez des femmes sportives qui pratiquaient la danse et l’aérobic ; le taux de succès suggéré est de 100%.
Le traitement médical et la chirurgie n’apparaissent pas indiqués chez la femme jeune sportive.
Une surveillance tout au long de la vie : Il semble que les médecins ont un véritable travail de surveillance à réaliser chez la femme, quel que soit son âge. Ainsi, chez la femme jeune et sportive, il est important de repérer une fragilité du périnée surtout en cas d’hyperlaxité ligamentaire.
La prévention des troubles urinaires ne peut passer que par une rééducation bien conduite, par l’information, par une dédramatisation du symptôme, par un rétablissement provisoire de la qualité de vie avec des protections adaptées et enfin, par l’orientation vers une consultation spécialisée si les symptômes persistent.
Auteur : Dr Lamia Fourni Consultation d’urodynamique Unité de Gériatrie Aiguë Hôpital Antoine-Béclère, Clamart (AP-HP)
Pour en savoir plus sur l’Incontinence
Biblio :
(1) Obstet Gynecol. 1994 Urinary incontinence in elite nulliparous athletes.
(2) Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 2002 Urinary incontinence in elite female athletes and dancers.
(3) Scand J Med Sci Sports. 2002 Prevalence of stress incontinence in nulliparous elite trampolinists.
(4) Med Sci Sports Exercice 2001 Prevalence of stress and urge urinary incontinence in elite athletes and controls.
(5) Progrès en urologie 2010 Fuites urinaires et sport chez la femme