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une vendetta corse

Publié le 03 juin 2015 par Dubruel

~~d'après LA MAIN , de Maupassant

M. Berthier, juge d'instruction, Se mit à sourire gravement -Comme sourient tous les juges d'instruction- Et nous dit :

" Je vais maintenant Vous conter un souvenir qui date du temps Où j'étais en poste à Bastia. Je n'y entendais parler que du prix du sang, La vendetta, Ce terrible préjugé corse Qui force À se venger d'un affront commis, À un proche, un père, un descendant... J'ai vu assassiner ainsi Des oncles, des cousins, des enfants. Or, Un jour, j'apprenais Qu'un Anglais Venait de louer une petite villa Sur les hauts de Bastia. Pour seule compagnie, M'a-t-on dit, Il n'avait qu'un domestique maltais. Il ne sortait Que pour chasser Ou tirer au pistolet Pendant une heure ou deux. Des commentaires fabuleux Se disaient autour de ce britannique : Avait-il fui sa patrie Pour des raisons politiques ? Aurait-il commis Des actes impardonnables ? Comme les rumeurs grossissaient, Je me suis rendu chez cet étrange anglais. Quand j'arrivai, il passait à table. L'homme, très large, très grand, Avait les cheveux rouges Et la barbe rouge. Il m'offrit un verre de vin blanc. Je lui ai posé mes questions. Avec de grandes précautions. Il m'a répondu sans embarras. Et en riant, me raconta :

-" J'ai bôcoup voyagé en Amérique, Aux Indes, en Afrique.... J'ai chassé le tigre, l'éléphant, Le gorille, et même l'être vivant ! "

Il me montra ses épées, ses armes à feu Diverses et variées. Je m'y connais peu Mais je faisais semblant d'apprécier.

Une main noire et desséchée Fixée au mur par une chaîne de fer Pendait à côté d'un cimeterre, Je lui demandai ce que c'était. Il me répondit :

-" Mon meilleur ennemi. Vené de Namibie. J'avé fendu sa main avec ce sabre-là. Ainsi fixée, elle ne se sauvera pas ! "

J'observais que, Sur un petit meuble peint, Étaient posés deux revolvers chargés, Comme si cet homme eut craint D'être assassiné.

S'écoula une année Sans que je le revis.

Puis un soir, la gendarmerie m'apprit Qu'il venait d'être tué.

Quand nous arrivâmes chez lui, Il faisait presque nuit. Je notais que l'horrible main d'écorché. Avait disparu. La chaîne, brisée, pendait Au mur nu. Ensuite je me suis penché Sur le cadavre. Son cou Était percé de cinq trous. On procéda aux constatations. Aucune porte n'avait été forcée. Aucune fenêtre n'était cassée. Le valet me fit cette déclaration :

-" Depuis trois semaines, Monsieur montrait des moments de haine. Avec sa cravache d'acajou, Il frappait la main séchée À grands coups. Il se couchait tard et s'enfermait à clé. Il parlait haut comme s'il se querellait. Et en permanence, il gardait Son arme à portée. "

Deux jours après, Quand un enquêteur a retrouvé La main Accrochée à la grille du cimetière Nous avons imaginé Que son propriétaire Était venu la récupérer ...Avec celle qui lui restait.

L'Anglais fut enterré le lendemain. C'était bien là Une sorte de vendetta.


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