Le son, la posture, la sérénité et surtout le regard, particulièrement singuliers. Ils sont uniques, il est UN, le Trio d’Esbjörn Svensson.
Chaque geste est mesuré comme chaque temps relevé avec perfection par Magnus Oström. Il a brillé hier soir, en puisant chez Led Zeppelin tout en réaffirmant l’invention propre au groupe : c’était frappant ! Dan Berglund a fait vibrer la même corde, dans un morceau en particulier, sorte d’hommage aux transgressions d’Hendrix.
Or, on ne se lasserait jamais d’E.S.T. car ils se gardent bien de tirer un seul fil. Il leur faut prendre partout ce qu’il y a de meilleur.
Esbjörn Svensson, qui signe l’essentiel des compositions, se penche sur le clavier jusqu’à l’effleurer du bout de son nez. Comme s’il devait même entendre le choc de ses phalanges avec les touches du piano pour être sûr de ce qu’il joue. Cette proximité est la même, incontestable et inébranlable, des trois musiciens. Mais c’est aussi celle d’un homme avec sa musique et, par là, avec chacun des auditeurs. Il m’a semblé vivre seule ce voyage, même si je sentais bien la présence du public autour de moi, envoûté. Comment ne pas ressentir l’intimité qu’ils cultivent ? un peu comme avec un vieux copain qu’on n’a pas vu depuis des siècles mais qu’on retrouve comme si on ne s’était pas quittés. C’est cette espèce de confiance et de compréhension naturelles que j’appellerais une évidence. Evidence de chaque son qui semble à sa place, tant dans la tendresse de certains thèmes que dans l’explosion d’improvisations pour le moins impressionnantes. Car il y a, simultanément, la surprise : ils inventent tout le temps… et ensemble ! du nouveau qui coule de source, c’est rare. Rare aussi le comportement de ces trois hommes, simples, généreux, respectueux.
Peu de « rock stars » conservent cette humilité et cela en ajoute à notre admiration. Le concert a commencé tard, dommage, on en voulait encore plus. Mais sûr que la coda a résonné, la nuit dernière, dans des rêves de Suède à Toulouse…
Guettons leur plan de tournée : nous n’irons pas à Ottawa mais au Luxembourg pourquoi pas ?
Et puis aussi, finalement, une pensée pour Gilles qui a eu l’immense honneur de se faire souhaiter son anniversaire par ces messieurs…
Juliette
photo Gilles Gaujarengues