Le Dr Reiss, professeur de psychiatrie et de sciences du comportement à Stanford, ne cache pas son engouement pour le sujet : « La créativité est un attribut humain incroyablement appréciable dans toute entreprise humaine (…) Qu’il s’agisse d’art, de science ou des affaires, la créativité est le moteur du progrès. En tant que psychiatre, je vois même son importance dans les relations interpersonnelles. Les gens qui sont capables de penser de façon créative et flexible ont souvent de meilleurs résultats « .
Comment objectivement mesurer la créativité ? C’est la première étape de cette étude qui s’est donc orientée sur les processus neurophysiologiques sous-jacents de la créativité. Mesurer la créativité n’est pas chose simple, 25 à 30 études précédentes s’y sont essayées, en tentant d’identifier ses corrélats neuraux chez des musiciens de jazz ou des lauréats des Emmy Awards. Le premier obstacle est qu’on ne peut » forcer » pour une expérience, un sujet à être créatif, le second est la double impossibilité d’obtenir la créativité sur commande, dans le confinement d’un laboratoire et sous observation.
La créativité doit être évaluée dans un environnement ludique, ont conclu les chercheurs, qui se sont inspirés du jeu Pictionary, un jeu dans lequel les joueurs tentent d’illustrer un mot par un dessin pour faire deviner leurs coéquipiers. L’équipe a ainsi testé, en situation de jeu, 14 hommes et 16 femmes tout en enregistrant leur activité cérébrale par IRM fonctionnelle. Dans cette expérience,
· la difficulté croissante subjective (telle qu’exprimée par le participant) d’illustrer un mot est corrélée à une activité accrue dans le cortex préfrontal gauche, un centre exécutif impliqué dans l’attention et l’évaluation,
· les niveaux élevés de créativité (tels qu’évalués par 2 experts à partir des dessins des participants) sont associés à une plus faible activité dans les centres exécutifs mais à une activation supérieure dans le cervelet.
Créativité et activité élevée dans le cervelet ? L’étude est ainsi la première à apporter la preuve directe de l’implication du cervelet dans le processus créatif, avec une association entre créativité et activité élevée dans le cervelet. Et cela en dépit du lien entre la difficulté à accomplir des tâches créatives en cas d’activité accrue dans les centres de contrôle du cerveau -impliqués dans les fonctions de planification, d’organisation et de gestion des tâches-: plus » on pense « , moins on est créatif, résument les auteurs.
Ce regain d’activité dans le cervelet est donc inattendu. Grâce à des connexions robustes, non seulement avec le cortex moteur, mais aussi les autres zones du cortex, le cervelet ferait donc bien plus qu’une simple coordination des mouvements. Il serait capable de modéliser tous les nouveaux types de comportements et prendrait le relai des autres zones corticales, plus frontales, en première ligne dans l’apprentissage de ces comportements. Le cervelet "prendrait la suite", de manière itérative et inconsciente, pour perfectionner le comportement, tout en soulageant les aires corticales et en » les libérant pour de nouveaux défis « .
L’étude jette ainsi un nouvel éclairage sur le rôle essentiel et central du cervelet. Elle confirme aussi que trop d’activité dans les zones de contrôle exécutif va réduire tout élan de créativité.
Source: Scientific Reports 28 May 2015 doi:10.1038/srep10894