Les évaporés du Japon

Publié le 02 juin 2015 par Montagnessavoie
Léna Mauger, Stéphane Remael, Les évaporés du Japon. Enquête sur le phénomène des disparitions volontaires, 2014. Comme quoi, je ne lis pas Le Monde Diplomatique que pour me la péter, ou pour m'informer sur le problème des minorités coréennes au Japon, sur la tragédie des bonnes philipinnes à Hong Kong ou sur le sort des papous, sujets, je l'admets, peu aisés à placer dans des conversations ordinaires qui concernent surtout la pluie et le beau temps. Je repère aussi des titres de bouquins. J'adore lire des enquêtes, des témoignages, des études sur des trucs insensés, pointus. Je trouve qu'on y retrouve plus d'universalité que dans les ouvrages généraux qui veulent balayer un grand spectre de sujets et qui, du coup, les vulgarisent tellement qu'ils les survolent. Pire qu'un article vide de L'Equipe !  Cette fois, je me suis donc penchée sur le mystère des disparitions volontaires au Japon. Le sujet m'intéresse déjà depuis un bon bout de temps, étant donné que mon deuxième roman porte en partie là-dessus et sur le problème du burn-out. (petite parenthèse, d'ailleurs : je parle de mon deuxième roman, mais avez-vous eu vent du premier ? Bolivia road movie, toujours en vente !)
J'ai dévoré ce livre sur le Japon, possédant à la fois un ton journalistique, le sérieux d'une investigation, et le suspense passionnant d'un roman policier. Il y a une ambiance de Tintin et le lotus bleu là-dedans ! La journaliste Léna Mauger, grâce à des indications qui sont plus des indices flous et délivrés au compte-goutte, avec un traducteur qui a plutôt envie de prendre la poudre d'escampette tant le sujet est tabou, part à la rencontre de ceux qui se sont évaporés, qui ont disparu volontairement dans la nature. Elle réussit le tour de force d'obtenir des témoignages édifiants sur la société japonaise et sur la pression qu'elle met à ses citoyens dans tous les domaines de la vie. Echec interdit. Si tu échoues, tu es un homme mort, tu n'as plus qu'à disparaître de la surface de la terre. Homme ou femme, d'ailleurs, car le problème n'est pas un mal masculin. Une grossesse non désirée et c'est la fuite qui vous tend les bras. Portrait d'une société tellement exigeante qu'elle en devient effrayante. Une dictature du succès obligé.  Je parle de portrait, car les photographies de Stéphane Remael qui accompagnent l'enquête ne sont pas anodines non plus. Les images parlent autant que les mots. Ce ne sont pas que des photos, ce sont des vies qui vibrent dans le clair obscur, des âmes complexes, des oeuvres d'art. Ce sont aussi des témoignages, des livres ouverts sur des gens, des histoires. En parcourant son site, je vois qu'il a fait plusieurs reportages photo sur les prisons en Bolivie. Je vous en reparlerai sûrement... ! Comme quoi, Le Monde Diplomatique et ses suggestions littéraires qui paraissent étriquées et réductrices à certains ouvrent bien sur l'universel, comme je vous l'affirmais au début. Ma thèse se vérifie : du Japon, me voilà de retour sur mes terres de prédilection. Tous les chemins mènent à la Bolivie ! Photo de Stéphane Remael, http://stephaneremael.com/reportage_67/Les-evapores-du-Japon